“Et assurément Il n’aime pas les orgueilleux.”
Lorsque le Prophète, paix et bénédictions sur lui, annonça que n’entrerait au Paradis celui qui a un atome d’orgueil dans le cœur, les gens furent terrifiés. Un homme dit “Qu’en est-il d’un homme qui aime porter des beaux habits et de belles chaussures ? Le Prophète répondit : “Dieu est beau et aime la beauté. L’orgueil est de rejeter la vérité et de mépriser les autres”. Rejeter la vérité consiste à refuser le message divin après avoir reçu des preuves évidentes de sa véracité. Mépriser les autres consiste à se croire au dessus des gens et à les mépriser.
Si, dans une certaine mesure, le musulman peut se croire à l’abri de sa première forme, la seconde forme d’orgueil demeure bien plus répandue. D’ailleurs, force est d’admettre que certains groupes au sein de la communauté musulmane se considèrent supérieurs aux autres, au point de les dénigrer, voire de leur refuser le salut (dans les deux sens du terme). Pourtant, Dieu nous met en garde contre un tel comportement, pas seulement envers les musulmans mais envers l’autre indépendamment de sa religion, de sa culture ou encore de son sexe: “Ne sois pas hautain et méprisant envers les gens, ne pavane pas avec arrogance, Dieu n’aime pas l’orgueilleux infatué” (S31.V18). Nul ne sait ce que recèle le cœur d’autrui, ni qu’elle est sa valeur auprès de Dieu. Le principe de base est que “les Hommes sont égaux comme le sont les dents d’un peigne droit” et “Le meilleur d’entre vous est le plus pieux”. Mais qui peut prétendre juger du degré de piété d’autrui ?
L’orgueil revêt une autre forme plus subtile qui peut cette fois toucher les plus dévots d’entre nous. Ainsi, le ‘Ujb, que l’on peut traduire par la fatuité, est une forme d’orgueil qui consiste à s’enorgueillir de son adoration, de sa science, de ses propres qualités morales, en se regardant avec admiration. Cette forme d’orgueil est plus difficile à identifier car souvent cachée aux yeux des autres, plus ancrée dans le cœur que dans l’apparence. On peut raisonnablement dire que plus la personne intensifie son adoration, et plus le risque de tomber dans cette forme d’orgueil est grand. L’Imâm An-nawawî a dit : “celui qui s’enorgueillit de ses actes, ses actes ne seront pas agréés par Dieu”, notamment car il entache la sincérité de son intention. Autrement dit, l’orgueil peut faire perdre à l’adorateur tout le bénéfice de ses actes. Il suffit pourtant de regarder les Hommes qui ont fait et font notre communauté pour s’apercevoir que nous ne sommes pas grand chose.
Quelque soit la forme d’orgueil que nous venons d’évoquer, il est clair que cette maladie du cœur est intimement liée à la nature de notre relation avec Dieu et avec autrui. Avec Dieu, sommes-nous sincères et œuvrons-nous pour mériter Sa proximité et Son Amour ? Ou nous contentons-nous du minimum, au risque de laisser notre égo prendre le dessus ? Avec les gens, entretenons-nous des relations fraternelles et désintéressées, et sommes-nous au service des plus faibles et des nécessiteux ? Ou préférons-nous uniquement côtoyer, non sans intérêts, les gens qui nous ressemblent ?
A celui qui identifie en lui une pointe d’orgueil, qu’il se rappelle les propos de Son Seigneur qui a eux-seuls valent infiniment plus que les paragraphes précédents : “Et ne foule pas la terre avec orgueil : tu ne sauras jamais fendre la terre et tu ne pourras jamais atteindre la hauteur des montagnes !” (S17.V37).