La place et le rôle des femmes dans les mosquées (1/2) 

A l’époque du Messager de Dieu, paix et salut sur lui, les compagnons et les compagnonnes étaient globalement emplis d’une ferveur religieuse qui ne sera plus jamais retrouvée, délaissant les tentations de ce bas-monde et faisant les plus grands sacrifices pour que la dernière Révélation puisse être vécue au grand jour, puis être transmise aux générations futures. Cette ferveur se manifestait en bien des aspects différents et nous allons nous attarder sur l’un d’entre eux : la fréquentation par les compagnonnes des mosquées au temps du Prophète, paix et salut sur lui, et comment son autorité spirituelle et temporelle avait normalisé le fait que les femmes aient toute leur part dans les mosquées.

La prière des femmes au temps du Prophète Mohammed

Concernant les femmes, l’idée essentielle à retenir est qu’elles pouvaient fréquenter les mosquées de multiples occasions, et que le degré de fréquentation dépendait de la volonté et de la possibilité des unes et des autres. Il faut dire qu’en venant assister aux prières quotidiennes, celles à voix haute notamment, les croyants et les croyantes pouvaient entendre directement le Coran et ainsi apprendre les dernières Révélations divines.

En assistant aux prêches ils revivifiaient leur foi et savaient comment pratiquer leur dîn (religion). En y observant le Prophète, paix et salut sur lui, ils pouvaient s’imprégner du meilleur modèle humain. En se rendant auprès du bien-aimé Envoyé, paix et salut sur lui, mais aussi des compagnons savants et des imams, ils pouvaient être en contact avec les autorités religieuses et politiques, pour tout besoin. En se retrouvant en groupe, ils pouvaient réaliser la fraternité islamique.

Les hadiths authentiques nous montrent dans quelle mesure les compagnonnes ou du moins certaines d’entre elles, se rendaient dans les mosquées au temps du Prophète, paix et salut sur lui, en termes de fréquence et de circonstances liés à tels ou tels événements ou motifs.

Plusieurs récits montrent ainsi une fréquentation quotidienne par certaines compagnonnes, comme ce hadith de Aïcha (que Dieu l’agrée) a dit : « Des femmes parmi les Croyantes participaient à la prière de l’aurore (fajr) qu’accomplissait l’Envoyé de Dieu. Elles étaient recouvertes par leurs voiles et (dès la prière terminée), elles repartaient vers leurs habitations sans être reconnues. » (1).

D’autres Hadiths montrent les femmes présentes pour toutes les sortes de prières existantes, que ce soit la prière du vendredi, les prières de l’Aïd où le Prophète, paix et salut sur lui, lui-même faisait sortir toutes les femmes pour assister à cette fête religieuse, la prière de l’éclipse où nous voyons Asma et Aïcha les filles d’Abu Bakr nous relater l’événement, et même une prière mortuaire où Aïcha insista pour qu’elle se fasse dans la mosquée.

Le Prophète, paix et salut sur lui, était proche de ses compagnons mais aussi des croyantes. Nous savons par exemple qu’il ne récitait que de courtes sourates lorsqu’il entendait un enfant pleurer par compassion pour lui et sa mère d’après un hadîth de Muslim (2). Un autre exemple l’illustre : Asma bint Yazid rapporte que le Messager de Dieu, paix et salut sur lui, passa dans la mosquée un jour alors qu’un groupe de femmes étaient assises et il les salua de la main (3).

La mosquée, lieu de savoir, d’aide et de socialisation des femmes

Les compagnonnes furent elles-mêmes actrices du savoir lorsqu’elles demandèrent au Prophète, paix et salut sur lui, un jour d’enseignement qui leur soit réservé : d’après Abou Sa’id El Khodry, des femmes s’adressèrent un jour au Prophète et lui dirent : « Les hommes sont prioritaires auprès de toi. Consacre-nous un jour que tu choisiras (pour nous prodiguer l’enseignement). » Le Prophète leur consacra donc un jour et leur fit un prêche comportant des choses et d’autres. » (4)

A côté de ce cours particulier, les femmes assistaient aux sermons collectifs à la mosquée entre les prières comme nous le montre le hadîth de Fatima bint Qays dans le Sahîh Muslim où le Prophète, paix et salut sur lui, averti ses compagnons au sujet du Dajjal, ou encore les épouses du Prophète pouvaient écouter depuis leur appartement les discours qu’il faisait dans la mosquée : ainsi l’épouse du Prophète Umm Salama qui était également une savante, nous rappelle que la quête du savoir vaut quel que soit son sexe : « Un jour alors qu’une fille était en train de me coiffer, j’entendis  l’Envoyé de Dieu, paix et salut sur lui, dire : « ô vous les gens ». Je dis à la fille « laisse-moi ». Elle dit : « Il s’est adressé aux hommes uniquement et n’a pas mentionné les femmes. » Je dis : « Je fais partie des gens aussi ».

Fait très intéressant, la participation des compagnonnes à la prière du vendredi permettait la mémorisation du Coran : Oumm Hicham la fille de Hârith a dit : « Je n’ai appris la sourate Qâf que de la bouche du Prophète qu’il lisait chaque vendredi en faisant son sermon. »  (5)

Les femmes se trouvant dans la mosquée pouvaient également se rencontrer, échanger, en somme se socialiser. Une dame avait même trouvé refuge dans la mosquée et y dormait : elle était une esclave affranchie et discutait avec Aïcha à chaque fois qu’elle la voyait, et ne manquait pas de lui raconter l’histoire extraordinaire de sa conversion à l’islam qui l’a sauvé de ses anciens maîtres injustes (6).

Une fois, la mosquée du Prophète, paix et salut sur lui, fut même le théâtre d’une distraction pure dont Aïcha, que Dieu l’agrée, s’était particulièrement réjouie ; elle nous raconte : « Le Prophète, paix et salut sur lui, me protégea alors que je regardais des Abyssins qui jouaient (avec leurs lances) dans la mosquée. Omar ibn al-Khattâb, que Dieu l’agrée, les réprima, mais le Prophète, paix et salut sur lui, s’interposa : « Laisse-les ! Continuez en paix, ô fils d’Arfida ! » » (7).

Nous voyons dans certaines collectes réalisées spécifiquement auprès des femmes dans la mosquée, les bases et les prémices d’un financement beaucoup plus large du culte tout au long de la civilisation islamique.

L’engagement des femmes pour la religion : financement et aides multiples

Le Prophète, paix et salut sur lui, qui incitait régulièrement ses compagnons à faire œuvre de charité pour aider nombre de démunis dans la société d’alors, fit cette demande spécifique aux femmes : « Faites l’aumône, ne serait-ce que de vos bijoux. » (8).

Un autre récit présent également stipule : « Plus tard, le Prophète, paix et salut sur lui, a prononcé son discours de l’Aïd et ensuite vint faire son chemin à travers les gens, jusqu’à ce qu’il atteigne les dames, accompagné de Bilal. » (9)

La suite du hadith raconte comment le Prophète, paix et salut sur lui, fit recueillir l’allégeance de toutes les femmes avec des recommandations morales fondamentales (ne pas associer à Dieu, ne pas voler etc. comme le mentionne le verset 12 de la sourate al-Mumtahanah) et comment Bilal recueillit les bijoux que les femmes donnèrent en aumône.

Plus tard, l’islam put trouver des femmes fortunées qui furent mécènes de mosquées comme la célèbre Fatimah al Fihriryya qui fit fonder la mosquée d’al Qarawiyyin à Fès, de même que sa sœur Maryam qui fonda la mosquée al Andalus dans la même ville, et nombre de femmes liés à des sultans, des princes et des gouverneurs qui financèrent d’importantes réalisations architecturales et fondation pieuse.

En matière de financement du culte, la célèbre Roxelane (Hürrem Sultane), épouse favorite du calife Soulayman le magnifique atteignit un sommet avec la construction d’un majestueux complexe comportant une mosquée, une madrassa (école religieuse), une école élémentaire, un hôpital pour femmes, une fontaine publique et un Imaret dispensant  une aide alimentaire chaque jour à des centaines de pauvres, dans la capitale Istanbul, de même que de grands bains publics pour les hommes et les femmes à proximité de la mosquée Aya Sophia ; en province elle promut des édifices d’intérêt public et fondations pieuses dans nombre de villes (constituant  notamment en une aide alimentaire à grande échelle). (10)

Des femmes furent également au service de la mosquée, avec en premier lieu un fait remarquable : une compagnonne du nom de Umm Waraqah avait fait de sa maison une mosquée sur nomination officielle du Prophète, paix et salut sur lui. En effet, en plus de la mosquée principale où le Prophète, paix et salut sur lui, officiait à Médine, il avait fait fonder huit autres mosquées de quartier (11), dont une dans la maison d’une femme érudite en Coran du nom d’Umm Waraqah. Evidemment des récits montrent que les compagnonnes pouvaient venir aux autres mosquées de quartier.

D’après ʿAbdarrahman ibn Khallâd, « le Prophète, paix et salut sur lui, rendait visite à Umm Waraqa dans sa maison. Il lui avait adjoint un Muezzin particulier et commanda à Umm Waraqa de diriger les prières pour les gens de sa maison. » (12)

En matière de service pour la mosquée, une compagnonne du nom de Mihjana, également nommée Umm Mihjana comme nous l’indique ibn Hâjar al-‘Asqalâni dans al-Isâba fî tamyiz as-sahâba, faisait le ménage dans la mosquée prophétique. Un hadîth riche d’enseignement à son sujet, car il montre comment le Prophète, paix et salut sur lui, accordait une grande valeur à cette femme alors que les gens n’y avaient pas prêté suffisamment d’attention : D’après Abû Hurayra, une femme noire (…) avait l’habitude d’entretenir la mosquée. Alors que le Messager de Dieu, paix et salut sur lui, ne la trouva pas, il demanda après elle. « Elle est décédée, lui dit-on. — Pourquoi ne pas m’avoir averti ? rétorqua le Prophète, paix et salut sur lui. Emmenez-moi voir sa tombe. ». Il y fut emmené, effectua la prière mortuaire sur elle, puis ajouta : « Ces tombes sont pleines d’obscurité pour ses occupants, Dieu Puissant et Exalté les illumine par mes prières sur eux. » (13)

Après cette période bénie de la prophétie, une vision théologique plus dure vit le jour quant à la question de la pleine participation des femmes aux mosquées, même si des contestations intra-théologiques et une réalité de terrain différente sont à noter au cours de l’histoire.

Il conviendra d’examiner ceci dans une deuxième partie de même qu’à faire le point sur notre réalité : la présence des femmes dans les mosquées en France, et montrer comment il est impératif de revenir au modèle prophétique pour une revivification spirituelle et sociale pour les femmes musulmanes au travers des mosquées.

Première publication sur le site de Mizane.info

Lire aussi :

Bâtir des cœurs dans les mosquées

  1. Rapporté par Boukharî et Muslim
  2. « [Il m’arrive de] commencer la prière avec l’intention de la faire longue mais, en entendant les sanglots d’un enfant, je l’allège parce que je connais le grand chagrin que ces pleurs causent à sa mère.» (Rapporté par Boukhari)
  3. Jami` at-Tirmidhi 2697, hadîth aussi dans sunnan Abu Dawud
  4. Rapporté par Boukhârî
  5. Rapporté par Muslim
  6. Rapporté par Boukhârî
  7. Rapporté par Boukhârî
  8. Rapporté par Boukhârî
  9. Rapporté par Boukhâri
  10. Issa Meyer, Femmes d’Islam. Anthologie des grandes dames de la civilisation musulmane, p. 239-240.
  11.  M. Hamidullah, Le Prophète de l’Islam, sa vie, son œuvre, t. 2, p. 695.
  12. Rapporté par Abû Dawûd et ibn Khuzayma
  13. Rapporté par Muslim et al-Bukhârî

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