Les maraudes : J’en ai fait l’expérience
Marauder c’est distribuer des repas aux plus démunis. Distribuer en main propre aux bénéficiaires et voir en direct le résultat de son acte. Entendre un merci, sentir une poignée de main reconnaissante ou un simple regard qui en dit long et qui réchauffe le cœur.
Marauder c’est passer un moment d’échange avec des gens ignorés à longueur de journée. Leur rappeler qu’ils ont de l’importance et une valeur. Une valeur inestimable que la rue leur a fait oublier ou que nous leur avons fait oublier ?
Marauder c’est partager des moments parfois intimes avec des gens inconnus que notre cœur semblait connaître depuis toujours. Comme une évidence. Partager cette chaleur humaine et cet amour dont nous sommes si souvent en manque et en quête perpétuelle dans ce bas monde.
Marauder c’est faire face à certaines situations difficiles : Une femme enceinte au bord de l’accouchement à la rue, une fillette allant à l’école sans cartable, un monsieur costard-cravate qui dort à même le sol, un homme atteint de cancer alternant nuit à l’hôpital et nuit à la rue…
Autant de situations et parcours de vie que de personnes rencontrées. Autant de mots échangés que de silences. Et face à ça : l’impuissance, un sentiment d’avoir atteint ses limites, ne pas pouvoir aller au-delà d’un cadre. Se sentir limité par les lois, la justice, sa conscience, l’argent, le temps. Des barrières qu’il faut accepter pour continuer à œuvrer. Etre conscient de ses capacités pour les optimiser et les mettre au profit des bénéficiaires.
Marauder c’est aussi apprendre à gérer son temps. Le bien le plus précieux. Donner du temps pour autrui mais ne pas oublier ses obligations premières. Respecter les temps de prière. Partager son temps entre Dieu, soi et les autres.
Marauder c’est savoir prendre sur soi. On n’aide pas quelqu’un avec juste de la pitié. Prendre de la distance pour être capable d’épauler l’autre sans se priver soi-même. Se préserver pour continuer. S’investir avec un juste milieu car il y a parfois un sentiment d’addiction qui s’installe. Aider rend accro ? Oui car, pris dans son élan, on ne peut plus s’en défaire parfois, comme si l’on était chargé d’une mission de vie.
Finalement on donne et on trouve un autre sens à sa vie. Et bien souvent on devient soi-même bénéficiaire. Une âme en quête de chaleur humaine et d’amour. De l’amour que l’on retrouve en aidant l’autre. On part avec cette intention d’aider autrui et finalement on reçoit ce qu’on n’espérait plus recevoir. On ressent, au plus profond de son cœur un apaisement et le sentiment du devoir accompli.
Parfois les intentions se mêlent et on se questionne sur ce qui nous pousse chaque semaine dans cette cause. Quelle est cette intention ? Cherchons-nous à aider l’autre ou bien soi-même ? Cherchons-nous à donner de l’amour ou à en recevoir ? Quelle est notre véritable intention ? Et s’il n’y avait pas de réponses à ces questions, cela changerait-il la valeur de notre engagement ?
Et puis marauder c’est aussi savoir se “sacrifier”, être capable de se priver du “plaisir” que peut apporter la maraude pour faire ce que tout le monde repousse: participer au nettoyage du matériel pour respecter l’hygiène et la dignité humaine, s’investir dans la logistique, sacrifier certaines de ses pauses déjeuner pour déposer les courses à une cuisinière, manquer des évènements pour récupérer des dons, veiller tard pour rédiger des comptes rendus.
Au-delà de la notion de plaisir que peut procurer une maraude, c’est aussi un travail sur soi-même pour faire non pas ce qui est agréable à faire mais ce qui doit être fait. Marauder c’est donner beaucoup mais c’est recevoir bien plus. Finalement, je n’ai connu une école de vie semblable aux maraudes…
Un hommage à tous les maraudeurs croisés toutes ces années. A tous ces frères et ces sœurs qui, chaque jour, agissent dans l’ombre pour aider leur prochain. Un hommage à toutes ces mains tendues : « l’exclu à qui l’on tend la main cesse d’être un exclu ».
Ecrit par Imane : Extrait de la revue Mus’ de Lyon, Numéro 5, édition 2
Réhumaniser l’autre c’est aussi se réhumaniser.
Dieu Sait Mieux.
Témoignage plein de vérité et qui nous donne à notre tour l’envie de faire partie de la maraude “une mission vertueuse” pour les deux mains tendues. Merci Imane