Le jour et la nuit du croyant : l’invocation, la moelle de l’adoration
Hassan al-Basri, paix à son âme, dit : « Ô fils d’Adam ! Tu n’es qu’une somme de jours ; chaque jour qui passe, c’est une partie de toi qui disparaît ! ».
Nos œuvres sont-elles autre chose qu’invocation ?
Dieu Exalté soit-Il fait une annonce à Ses Serviteurs : « Et quand Mes serviteurs t’interrogent sur Moi, alors Je suis tout proche : Je réponds à l’appel de celui qui M’invoque lorsqu’il M’invoque. Qu’ils répondent à Mon appel, et qu’ils croient en Moi, afin qu’ils soient bien guidés. » (1)
C’est un appel de Dieu Exalté soit-Il à celui qui a délaissé la Porte de son Seigneur, et s’est privé de Ses faveurs. « Dis : Mon Seigneur ne se souciera pas de vous sans votre invocation » (2). Un appel confirmé par le hadith prophétique pour démontrer le danger, pour le croyant et la croyante, de délaisser la Porte de Dieu : « Certes celui qui ne demande pas à Dieu, Dieu se met en colère contre lui » (3)
L’invocation est l’Adoration : avons-nous été créés pour autre chose que l’Adoration ? « Je n’ai créé les djinns et les hommes que pour qu’ils M’adorent. » (4). Si l’on veut donner un sens à notre vie, à notre existence, invoquons Dieu car c’est cela l’Adoration. L’invocation est la moelle (ou cerveau) de l’Adoration.
Remarquons que le Prophète, paix et salut sur lui, a spécifié l’Adoration par cette grande caractéristique et cette belle appellation : “la moelle”. La moelle est quelque chose de tendre comme devrait l’être l’invocation, elle est cachée et protégée comme doit l’être notre invocation que l’on doit protéger et garder discrète (secrète) car on invoque Dieu qui est tout proche de nous, et non éloigné.
Un ami de Dieu disait : « ô Seigneur, accorde-nous les saveurs des supplications ! » car l’invocation du Serviteur à son Seigneur a une saveur.
Les mérites de l’invocation
Elle est l’une des meilleures œuvres du cœur et l’un des plus puissants moyens pour se rapprocher de Dieu Exalté soit-Il ; elle est le moyen d’avoir une bonne vie ici-bas, et le bonheur éternel dans la vie dernière. Si l’invocation n’avait pour seul mérite que la Proximité de Dieu, cela suffirait. Que dire alors si elle avait de nombreux mérites et bénédictions ?
D’après Abou Hourayra, que Dieu l’agrée, le Prophète, paix et salut sur lui, a dit : « Rien n’est aussi noble pour Dieu que l’invocation » (5). Ses Serviteurs se présentent à Lui sous leur véritable apparence, humbles devant Sa Majesté, exprimant leur détresse et leurs besoins, alors Il les récompense et les inonde de Ses Dons et Bienfaits.
Par égard et Miséricorde pour Ses Serviteurs, Dieu nous a appris comment L’invoquer comme Il nous a appris comment L’adorer : la meilleure invocation est celle faite avec les Paroles de Dieu, c’est la meilleure invocation par laquelle nous nous adressons à Dieu car elle provient de Lui et elle Lui est adressée.
Il y a des exemples d’invocations coraniques, prophétiques et d’autres rapportées de gens pieux. Nous devons toutes les utiliser, en tirer profit et les savourer spécialement celles qui sont coraniques et prophétiques, ne serait-ce qu’une fois, afin que nous ne manquions aucune sunna de notre Prophète, paix et salut sur lui.
Les règles de l’invocation
Ibn ‘Ata Allah Sakandari a dit : « l’invocation a des règles, des ailes, des causes et des moments pour la faire. Si ses règles sont respectées, elle se renforce ; Si ses ailes s’harmonisent, elle s’envole dans le Ciel ; si ses moments sont propices, elle triomphe ; et si ses causes sont pertinentes, elle réussit. »
Ses règles sont la présence du cœur et le recueillement ; ses ailes c’est d’être vrai (sidq) ; ses moments sont les heures avant l’aube et ses causes sont les prières sur le Prophète, paix et salut sur lui.
Ainsi il y a des moments, des situations et des endroits plus propices que d’autres pour faire l’invocation ; il faut faire la meilleure action au meilleur moment ! C’est pour cela que le dernier tiers de la nuit est le meilleur moment pour invoquer Dieu Exalté soit-Il, lorsqu’Il descend au ciel le plus bas. D’après Abou Hourayra, que Dieu l’agrée, le Prophète, paix et salut sur lui a dit : « Notre Seigneur descend chaque nuit vers le ciel de l’ici-bas lorsqu’il ne reste que le dernier tiers de la nuit et Il dit : Qui M’invoque pour que Je l’exauce, qui Me demande pour que Je lui donne et qui Me demande pardon pour que Je lui pardonne » (6)
A ce moment-là, exposons notre besoin à notre Seigneur car les Portes du Ciel sont ouvertes à nos invocations. Il en est de même lors de la rupture du jeûne et quand il pleut, l’invocation des parents, celle d’un imam juste, l’invocation dans un moment de détresse…elles sont toutes exaucées. « N’est-ce pas Lui qui répond à l’angoissé quand il L’invoque, et qui enlève le mal, et qui vous fait succéder sur la terre, génération après génération ; Y a-t-il donc une divinité avec Dieu ? C’est rare que vous vous rappeliez ! » (7)
C’est ainsi que l’invocation des trois hommes dans la grotte, dans un moment de détresse, les a libérés ; ils se sont adressés à Dieu en Lui rappelant leurs bonnes actions.
Abdullâh Ibn ‘Omar, que Dieu l’agrée, rapporte : J’ai entendu le Messager de Dieu, paix et salut sur lui, dire : « Trois hommes appartenant à l’une des communautés qui vous ont précédés se mirent en route jusqu’à la tombée de la nuit, puis se réfugièrent dans une grotte. Un rocher tomba de la montagne et boucha l’entrée de la grotte. Ils se dirent alors : « Vous ne serez libérés de ce rocher que si vous invoquez Dieu exalté au nom de vos bonnes actions passées ».
L’un d’eux dit : « Seigneur Dieu ! J’avais deux parents âgés et je ne donnais jamais à boire le lait à personne avant eux, que ce soit une personne de ma famille ou de mes esclaves. Un jour j’ai mené paître mes animaux dans un endroit éloigné, si bien que mes parents se sont endormis avant mon retour. J’ai trait pour eux leur part de lait et je les ai trouvés endormis. Il m’a cependant répugné de les réveiller ou de donner leur lait à ma famille ou à des esclaves. J’ai donc patienté, tenant le bol dans ma main, attendant ainsi leur réveil jusqu’à la pointe du jour, alors que mes enfants criaient de faim à mes pieds. Ils se réveillèrent enfin et burent leur lait. Seigneur Dieu ! Si j’ai fait cela dans l’espoir de voir Ton Visage, libère-nous de cette pierre qui nous emprisonne ». Le rocher se déplaça un peu mais pas assez pour les laisser sortir.
Le deuxième dit : « Seigneur Dieu ! J’avais une cousine que j’aimais par-dessus tout au monde (dans une autre version : que j’aimais aussi fort que l’homme peut aimer les femmes). Je lui faisais des propositions indécentes mais elle s’y est toujours refusée. Jusqu’à ce qu’une année de grande disette la poussa à s’adresser à moi. Je lui donnai alors cent vingt dinars à condition qu’elle se donnât à moi et c’est ce qu’elle accepta. Une fois que je me suis installé entre ses deux jambes, elle dit : « Crains Dieu et ne romps le cachet (l’hymen) que dans la légitimité (du mariage) ! ». Je la laissai alors bien qu’elle fût pour moi l’être le plus cher et je lui ai quand même abandonné l’or que je lui avais donné. Seigneur Dieu ! Si j’ai fait cela dans l’espoir de voir Ton Visage, sors-nous de notre prison ». Le rocher se déplaça encore un peu mais pas assez pour les faire sortir.
Le troisième dit : « Seigneur Dieu ! J’ai pris à mon service des salariés que j’ai rétribués sauf l’un d’eux qui partit en me laissant son salaire. Je le lui fis fructifier jusqu’à en faire une grande fortune. Après un certain temps, il vint me dire : « Ô Serviteur de Dieu ! Donne-moi mon salaire ! ». Je lui dis : « Tout ce que tu vois là comme chameaux, bovins, ovins et esclaves est le produit de ton salaire ». Il dit : « Ô Serviteur de Dieu ! Est-ce que tu te moques de moi ? ». Je dis : « Je ne me moque point de toi » ! Il prit alors tous ces biens et les conduisit chez lui sans rien en laisser. Seigneur Dieu ! Si j’ai fait cela dans l’espoir de voir Ton Visage, sors-nous de cette prison ! ». Le rocher s’écarta alors et ils partirent en marchant » (8)
Chaque fois que l’être humain est dans la difficulté, la détresse ou la gêne, son invocation est alors plus profonde et sort d’un cœur humble : Dieu dit : « Je suis avec ceux dont les cœurs sont devenus humbles pour Moi ».
C’est pour cette raison que le professeur Abdessalam Yassine, paix à son âme, nous rappelait toujours d’être faibles, humbles et modestes pendant l’invocation.
Parmi les sagesses prophétiques dans les invocations du jour et de la nuit, et les invocations spécifiques à certaines occasions, c’est qu’elles ne contiennent pas une seule invocation pour une situation précise ; mais on peut trouver plusieurs invocations afin qu’elles ne soient pas répétées sans être méditées et réfléchies, avec un cœur distrait. Le Prophète, paix et salut sur lui, a dit à ce sujet : « Dieu n’exauce pas l’invocation d’un serviteur au cœur distrait. » (9)
Ainsi le croyant ne doit pas privilégier une formulation spécifique, mais invoquer Dieu en partant de ce qu’il a dans son cœur, en étant présent et avec humilité.
Nous avons un exemple-type des trois personnes que Dieu aime : Il y avait un homme voyageant avec un petit groupe de personnes ; le soir, ils étaient tous fatigués et se sont endormis, à part un homme qui s’est levé la nuit, pour faire les éloges de Dieu. Flatter les gens est une chose réprouvée, mais flatter Dieu, faire Son éloge est accepté et recommandé.
L’invocation du Lien (dou’a arrabita)
Le Coran nous a montré comment invoquer pour ceux qui nous ont précédés dans la foi : en commençant par notre père Adam et notre mère Eve (paix sur eux), ensuite ceux qui nous ont transmis cette religion sublime: « Et [il appartient également] à ceux qui sont venus après eux en disant : « Seigneur, pardonne-nous, ainsi qu’à nos frères qui nous ont précédés dans la foi ; et ne mets dans nos cœurs aucune rancœur pour ceux qui ont cru. Seigneur, Tu es Compatissant et Très Miséricordieux » (10)
C’est ce que l’on appelle l’invocation du Lien, car c’est un moyen qui lie les Créatures du Ciel à celles de la Terre, les croyants de la vie ici-bas aux croyants de la vie dernière, les prédécesseurs à ceux qui les ont suivis…quels que soient la distance et le temps qui séparent les corps.
Celui qui invoque commence par exposer son besoin, avant d’exposer les besoins des autres.
L’invocation du Lien tire son origine du Livre de Dieu Exalté soit-Il : « Seigneur, pardonne-nous, ainsi qu’à nos frères qui nous ont précédés dans la foi ; et ne mets dans nos cœurs aucune rancœur pour ceux qui ont cru. Seigneur, Tu es Compatissant et Très Miséricordieux » (11). « Et mentionne dans le Livre Moïse. C’était vraiment un élu, et c’était un Messager et un prophète » (12) …
C’est un Rappel ! Par la mention des pieux, la miséricorde descend sur nous comme l’a rapporté Abou ‘Oyayna, que Dieu l’agrée: l’Imam ibn Hanbal, que Dieu l’agrée, a dit : « J’ai entendu Sofiane ibn ‘Oyayna dire : la Miséricorde descend lors de la mention des gens pieux. »
L’invocation du Lien est une liaison (relation) qui nous rattache au convoi lumineux, depuis notre père Adam, paix sur lui, jusqu’à l’arrivée de l’Heure. C’est une mention des gens pieux, une marque de gratitude envers ceux qui nous ont transmis ce Bien. Elle nous fait revivre la biographie des Hommes, effleurer leurs bénédictions ; de plus, l’invocation du croyant pour son frère en son absence est exaucée…et les Anges nous répondent : d’après Abou Darda, que Dieu l’agrée, le Prophète, paix et salut sur lui, a dit : « Il n’y a aucun serviteur musulman qui invoque pour son frère en son absence sans que l’ange ne dise : et à toi la même chose » (13)
On obtient la même chose tant qu’on mentionne nos frères et sœurs, et que l’on invoque et demande pour eux !
Abdessalam Yassine, paix à son âme, dit : « Chaque croyant doit commencer son invocation du Lien, de préférence avant l’aube, lorsque Dieu descend au ciel le plus bas et demande : « Qui M’invoque pour que Je lui réponde ? Qui Me demande pour que Je lui donne ? Qui implore Mon pardon pour que Je lui pardonne ? » … Il la commence par la lecture de la Fatiha, ensuite il demande pardon pour ses péchés, il demande le meilleur de cette vie ici-bas et de la vie dernière pour lui-même, ses parents, ses proches et ses enfants ; ensuite il prie sur le Prophète, paix et salut sur lui, sur les Messagers et Prophètes de Dieu, paix sur eux, sur les Califes Bien Guidés, les compagnons, les Epouses et descendance du Prophète, paix et salut sur lui, sur les générations suivantes (tabi’ines), sur les pieux de cette communauté et ses imams, ensuite il récite : « Seigneur, pardonne-nous, ainsi qu’à nos frères qui nous ont précédés dans la foi; et ne mets dans nos cœurs aucune rancœur pour ceux qui ont cru. Seigneur, Tu es Compatissant et Très Miséricordieux » (14)
On doit faire cette invocation en entier si nous en avons le temps, ou la diviser et la faire à tout moment, debout, assis ou allongé.
La fille de Khalid ibn Ma’dane rapporte qu’à chaque fois qu’il allait au lit, il se remémorait la compagnie du Prophète, paix et salut sur lui, et de ses compagnons ; et il les mentionnait un par un, par leurs noms et disait : « Ils sont ma famille et mes compagnons, ils sont chers à mon cœur ; ma nostalgie pour eux est grande, alors Seigneur reprends mon âme rapidement ! ».
Dieu Exalté soit-Il est Pudique, Généreux et Bienveillant : Il ne néglige pas la demande de celui qui Lui demande, ni l’invocation de celui qui est véridique dans sa demande et s’est tourné vers Lui, qui se contient dans sa nourriture et sa boisson et qui recherche le licite dans ses transactions. D’après Salmane Al Farissi, que Dieu l’agrée, le Prophète, paix et salut sur lui, a dit : « Certes votre Seigneur est pudique et généreux, il éprouve de la pudeur envers Son serviteur lorsqu’il lève ses mains vers Lui de les lui rendre vides » (15)
Nous demandons à Dieu Exalté soit-Il de nous compter parmi ceux qui L’invoquent, qu’Il fasse de nos invocations une adoration, le cœur de l’adoration, qu’Il nous compte parmi ceux qui Lui demandent pardon, qui se repentent, qui Le louent et Le remercient et qui ont fait de l’invocation leur compagnon à chaque moment et chaque situation.
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(1) La vache, verset 186
(2) Le Discernement, verset 77
(3) Rapporté par Tirmidhi, d’après Abou Hourayra, que Dieu l’agrée
(4) Ad-Dariyate (Qui éparpillent), verset 56.
(5) Rapporté par Tirmidhi
(6) Rapporté par Boukhari et Moslim
(7) Les Fourmis (an-naml), verset 62
(8) Rapporté par Boukhari et Moslim
(9) Rapporté par Ahmad et Tirmidhi
(10) Sourate L’Exode (al hachr), verset 10
(11) Sourate L’Exode (al hachr), verset 10
(12) Sourate Marie, verset 51
(13) Rapporté par Muslim
(14) Sourate l’Exode (al hachr), verset 10
(15) Rapporté par Abou Daoud
D’après la vidéo de Mounir Regragui : يوم المؤمن وليلته 7
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