Être juste, par où commencer ?
Aux portes du mois béni de Ramadan, il est bon de se rappeler les valeurs que le musulman sincère et engagé dans sa foi se doit d’incarner, bien évidemment tout au long de l’année mais à plus forte raison pendant cette période où la spiritualité monte en flèche. « La religion c’est le bon conseil »(1), nous enseigne le noble messager (que Dieu prie abondamment sur lui et le salue perpétuellement), prêtons donc l’oreille aux conseils et aux rappels et empressons-nous d’en appliquer les préceptes afin d’en récolter les fruits, dans cette vie et dans la dernière.
La justice et l’honnêteté sont des éthiques que tout musulman se doit d’incarner. Dans Son Saint Livre, Dieu nous dit : « Certes, Dieu vous ordonne la Justice et le Bel-Agir » (2)
Selon l’éminent compagnon `Abdallah ibn Mass`oud (que Dieu soit satisfait de lui), ce verset est le plus complet du Coran, c’est un véritable condensé de morale profane et religieuse. Ainsi, le secret de l’éthique et de la morale du musulman, la manière dont les croyantes et les croyants doivent se comporter, aussi bien vis-à-vis de Dieu que vis-à-vis de la société, se trouvent révélés dans ce verset essentiel.
Le verbe « âmara » signifie dans la langue arabe l’ordre, la prescription, l’intimation. Il est donc nécessaire de se conformer au commandement divin et de faire de la justice le fil conducteur de sa vie, la boussole qui orientera ses pas vers la plus haute des stations spirituelles, le bel-agir, la très haute spiritualité (al-ihssane).
Selon l’imam Abdesalam Yassine (que Dieu le couvre de Sa sainte Miséricorde), « Mon égo est le seul ennemi, avec Satan, que je doive surveiller pour le circonscrire dans les limites de ce qui est juste et équitable. Si les autres sont susceptibles de corruption, moi-même je le suis et mon premier devoir avant de regarder les autres est de me regarder moi-même. » (3).
La justice commence donc par se demander des comptes à soi-même avant de porter un regard accusateur vers autrui. Être juste c’est tout d’abord contrôler et circonscrire son égo, c’est savoir faire preuve de maîtrise et d’ascèse, c’est aiguiser ses sens afin de se juger avec un œil impartial et objectif. Observer scrupuleusement le jeûne du mois de Ramadan est la meilleure école de maitrise et d’éducation que Dieu, dans Son infinie bonté, met à la disposition des humains. Il n’y a donc pas de meilleure période dans l’année pour entamer son examen de conscience et faire perdurer cette vigilance les mois qui suivent.
Être juste et honnête, s’éloigner de la corruption, c’est commencer par détailler scrupuleusement son intention et la renouveler fréquemment, afin qu’on ne se fasse pas de tort à soi-même en agissant avec une intention erronée. L’on tâchera de purifier cette intention et de la dépouiller de toute autre velléité que celle de plaire à Son Seigneur car, selon le sens d’une tradition prophétique, chaque acte sera rétribué selon l’intention qui l’anime. (4)
Le croyant pourra par exemple reformuler chaque nuit du mois de Ramadan son intention de jeûner une journée de plus pour Dieu et pour Dieu uniquement.
Selon un hadith qudsi, Dieu nous parle ainsi : « Ô mes serviteurs, Je Me suis interdit l’injustice à Moi-même et Je l’ai rendue interdite entre vous. Ne soyez donc pas injustes ». Si l’injustice est interdite par Celui qui est Le Juste, c’est qu’elle entache les bonnes actions et noircit les cœurs. Le professeur Abdesalam Yassine nous apprend ainsi que « La moindre injustice envers les autres, le moindre manque, le moindre dépassement risquent de gâcher toute l’œuvre. Aussi, dois-je me surveiller » (5)
L’on s’attèlera donc, pendant tout le mois béni, à scruter avec attention chacun de ses gestes, chacune de ses paroles, afin de s’assurer qu’aucune injustice, aussi petite soit-elle, ne puisse nous être reprochée. L’on veillera à traiter avec bienveillance et miséricorde ses proches, à commencer par sa propre maison (époux, enfants, parents…) et à ne léser personne quant à son temps de présence, la douceur de ses mots ou de son ton ou de l’attention portée à chacun.
Il n’est pas difficile de se montrer juste et honnête, il suffit pour cela de commencer par des petits actes simples et quotidiens. C’est avec régularité et persévérance que ces petites actions deviennent des habitudes jusqu’à en être une seconde nature. Le chemin qui mène à Dieu est une longue pente ascendante et jonchée d’obstacles. Être juste et honnête est un petit raccourci qu’il serait dommage de ne pas emprunter !
(1) Rapporté par Muslim
(2) Coran, sourate 16 verset 90, traduction Jacques Berque
(3) La Révolution à l’heure de l’islam
(4) Rapporté par Boukhari et Muslim
(5) La Révolution à l’heure de l’islam