Une Belle Patience
« Dieu est Beau et aime la beauté », dit le Prophète Mohammed dans un Hadith. Paix de Dieu sur Mohammed. Commentant cette parole prophétique, l’Imam Al-MANAWI dit : « Dieu est beau signifie que La Beauté Absolue revient uniquement à Lui, aussi bien dans l’Etre, les Attributs que dans les Actes.»[1]. Rien d’étonnant alors que le Beau ordonne à Ses adorateurs non seulement la patience mais une belle patience. Ainsi, Il dit « Supporte donc, d’une belle patience ». Exalté soit Le Beau.
Dans cet écrit, je m’arrêterai respectivement sur la définition de la belle patience, ses caractéristiques ainsi que les freins qui empêchent le fidèle d’en faire preuve.
Hibbane Ibn Abi Jibilla rapporte que le Prophète, paix et salut sur lui, questionné au sujet de la belle patience, répondit « une patience exempte de toute plainte ». Il est certainement ici question de la plainte faite auprès des hommes. Sinon, se plaindre au Seigneur, des vicissitudes de ce bas-monde, ne tâche point la beauté de la patience. Au contraire, elle l’embellit davantage. Il dit : « Je ne me plains qu’à Dieu de mon déchirement et de mon chagrin »[2], rappelle Le Très Haut, nous rapportant la parole de Son Prophète Jacob. Paix de Dieu sur tous Ses Prophètes !
L’homme est par nature impatient. Il lui faut tout, et tout de suite au point d’en oublier le rythme naturellement nécessaire à la maturation des choses. Cela serait-il une des manifestations de son égo inéduqué et orgueilleux ? D’ailleurs, dans son ouvrage La Révolution à l’heure de l’Islam, l’Imam Abdessalam Yassine, paix à son âme, associe la modestie[3] aux affluents de la foi qui favorisent l’acquisition de la patience et de la maîtrise de soi. Dans le même sens, Joyce MEYER affirme que le propre de l’orgueil est de dire : Je suis prêt maintenant, tandis que l’humilité se soumet au fait que Dieu sait toute chose, et qu’Il n’est jamais en retard ! [4]. Exalté soit-Il.
Dieu dit : « Celui qui est patient et sait pardonner témoigne d’une heureuse maîtrise de lui-même. »[5]. Il dit aussi : « Endure patiemment ce qui peut t’atteindre. Tout cela est le propre d’une âme résolue. »[6].
La caractéristique majeure liée à la vertu de la patience, qui ressort de ces versets ci-dessus, est la maîtrise de soi. L’Imam Abdessalam Yassine écrivit que la patience, « C’est le propre de ceux qui ont jugulé et maîtrisé leur égo de ne pas réagir aux excitations, de ne pas se laisser décourager par un échec. »[7].
Réagir aux excitations et se laisser décourager par la difficulté. Voilà donc deux ennemis redoutables susceptibles d’empêcher le fidèle de patienter, et auxquels la maîtrise de soi fait obstacle.
Dans un état de surexcitation émotionnelle, la raison, censée réguler les actes du fidèle, se rétrograde dans une position subalterne, et laisse les commandes à une émotion débordante et aveuglante. Il s’ensuit que celle-ci fausse le jugement de l’individu, en revêtant sa réalité d’une dorure, qui s’écaillera aussitôt qu’elle perdra de son ardeur. La bataille de Hounayne nous en donne un bel exemple. En effet, le camp du Prophète, rallié par nombre de tribus récemment converties à l’Islam, excessivement enthousiasmées par leur nombre, croyaient la victoire facilement à leur portée. Ils ne tardèrent hélas pas à se réveiller face à la dure réalité, l’ennemi n’était pas aussi facile à battre, comme l’a laissé paraître leur surexcitation. Dieu nous décrit cette situation ainsi :
[…] le jour de Hunayn où, abusés par votre grand nombre qui ne vous a servi à rien, vous n’avez pas tardé à sentir que la terre, pourtant si vaste, était devenue trop étroite et vous avez pris la fuite […][8]
La surexcitation émotionnelle, tel que l’enthousiasme excessif, fait obstacle à la patience et par conséquent à la lucidité. Au contraire, La maîtrise de soi, quant à elle, fait taire l’impatience et permet de faire preuve de retenue, notamment dans les situations difficiles.
Toutefois, se méfier de la surexcitation émotionnelle n’est nullement synonyme d’une attente molle, indécise. Une attente passive et stérile compromettrait toutes les chances de réussite et empêcherait toute amélioration d’une situation problématique. Et ce, même si elle est faite au nom de l’acceptation du « Destin de Dieu ». Prendre en compte le facteur du temps, nécessaire à la réalisation de toute entreprise et de tout changement, oui ! Mais ne rien décider et ne rien faire, non ! Cela parce que rien ne se réalise sans temps ni action. « Oui, ô Aba’ O’ubayda ! Nous nous sauvons du Destin de Dieu au Destin de Dieu »[9], rappelait Omar Ibn Al-Khattab à Abou O’ubayda Ibn Al-Jarrah, quand celui-ci lui reprochait de vouloir quitter la région d’Acha’m touchée à cette époque par la peste.
C’est ainsi que le fidèle, gardant toute sa conscience de la réalité des choses et faisant preuve de maîtrise de lui-même, réagit joliment à une difficulté et à un obstacle qui entravent sa marche vers son objectif, et ce, en entreprenant une action modérée, intelligente et régulière. Le prophète, paix et salut sur lui, n’a-t-il pas rappelé que « La meilleure des actions, c’est celle qui dure dans le temps minime soit-elle »[10]. En effet, la régularité de la marche de « la tortue » prend toujours le dessus sur l’enthousiasme du « lièvre » et l’irrégularité de son effort, signe fort de son impatience !
Le propre d’une âme patiente, c’est qu’elle ne désespère point. Constamment consciente et habitée par l’espoir et la réalisation de son entreprise, elle ne se laisse détourner de celle-ci ni par une difficulté ni par une attente passive synonyme d’inertie et de renoncement, et ce, à toute épreuve. Voilà donc les ingrédients d’une belle patience à laquelle Le Beau, qui aime la beauté, appelle Ses adorateurs. Une patience belle et précieuse car « Nul n’a reçu de don meilleur et plus abondant que celui de la patience»[11], disait le Bien-aimé, Salut de Dieu sur lui.
Nous débutons le mois béni du Ramadan. Je vous souhaite alors, chers lecteurs, chères lectrices, la bienvenue à l’école de la belle patience par excellence. L’école où la volonté s’affirme et triomphe sur la nécessité, et où les plaisirs et les passions sont pour l’amour de Dieu, sacrifiés. « Le jeûne est la moitié de la patience »[12], disait le Prophète Mohamed, paix de Dieu sur lui.
[1] AL-MANAWI. (كتاب فيض القدير)
[2] Sourate 12 -Joseph, V. 86
[3] Abdessalam, YASSINE. La Révolution à l’heure de l’Islam, p. 251
[4] Joyce, MEYER. Héritier ou Esclave.
[5] Sourate 42- La Délibération, V. 43
[6] Sourate 31 – Lokman, V. 17
[7] Abdessalam, YASSINE. La révolution à l’heure de l’Islam, p.249
[8] Sourate 9 – Le Repentir, V 25/26.
[9] Rapporté par Al-Bukhari et Muslim
[10] Rapporté par Al-Bukhari
[11] Rapporté par Al-Bukhari et Muslim.
[12] Rapporté par Abi Bakr Ibn Khalad Annassibi