Lecture engagée de sourate al Fatiha
Le Coran tient les promesses de Dieu, il illumine par ses ressources de sagesse et d’enseignement. C’est vraisemblablement La base de données pour qui se projette auprès de Dieu : « C’est ainsi que Nous vous avons envoyé un Prophète choisi parmi vous, qui vous récite Nos versets, vous purifie, vous apprend le Livre et la Sagesse et vous enseigne ce que vous ignoriez. »[1]
Le croyant avance donc en utilisant cet équipement constamment « dernier cri », qui ne perd rien de sa nouveauté et qui apporte sa réponse à toute situation rencontrée. Une lecture thématique du Coran est l’une de ces situations épanouissantes. Tout d’abord, le choix d’un thème, d’un sujet, puis « le plongeon mental » dans le Coran en mettant en lumière des similitudes. Puis, la réflexion peut être prolongée voire confirmée par d’autres passages ou par des hadiths, sagesses, expériences. Le sujet, choisi ici, sera l’engagement au service de Dieu.
La sourate al Fatiha se prête très bien à cet exercice. « La mère du Livre », comme nous la surnommons, est répétée à chaque prière. C’est la sourate de nos premiers pas, sur terre ou en Islam, la première à apprendre, celle qui ouvre la mémoire à la lumière. Tenante de nombreux secrets, chargée de vertus tonifiantes, c’est un dialogue complet avec le Seigneur.
Elle reflète également toutes les dimensions de l’engagement comme nous le verrons.
Verset 1 : « Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. »
Cette formule est de loin la plus importante dans la vie du croyant. Présente au bout de ses lèvres du lever au coucher, du repas aux ablutions, par cela, il invite Dieu à chaque instant. Dans l’engagement, elle prend un sens plus appliqué car elle souligne la consécration de l’œuvre à Dieu. D’ailleurs, le Prophète, paix et salut sur lui, nous enseigne que tout projet n’étant pas initié par le Nom de Dieu est voué à la perte. Il va même plus loin en affirmant qu’une simple rencontre ou réunion, au cours de laquelle le nom de Dieu est omis, sera une source de regrets pour les participants. Au-delà de ce protocole rassurant, l’engagé déclare ainsi son intention d’agir par le Nom de Dieu, en serviteur modèle : excellence, éthique, persistance et optimisme.
Verset 2 : « Louange à Dieu, le Maître de l’Univers, »
Rendre grâce à Dieu, Le remercier d’avance pour tout ce qu’Il nous a déjà accordé, reconnaître Son empreinte directe dans tous Ses bienfaits, multiplie ceux-ci auprès du serviteur. Le Prophète, paix et salut sur lui, nous enseigne d’ailleurs de remercier Dieu au début de chaque œuvre, puis à la fin, quelle que soit l’issue apparente de celle-ci. La bataille, le mandat, le projet peuvent se terminer sur un échec, c’est par la Grâce de Dieu que nous en sortirons grandis et avec une foi plus accomplie. De plus, en y rappelant la souveraineté de Dieu sur l’univers, nous reconnaissons Sa Toute-puissance sur toutes les créatures, toutes les ressources, toutes les circonstances. Celui qui a séparé la mer pour Moïse, refroidi le feu pour Abraham, aveuglé les adversaires de Mohammad, pourrait t’apporter un soutien inattendu, mais une victoire certaine.
Verset 3 : « Le Clément, le Miséricordieux,»
Ici, Dieu rappelle Ses nobles attributs. Ceux-ci, sauf exception, ont pour vocation d’être incarnés par les croyants. Dieu est le plus Généreux, soyez généreux comme il se doit ! Dieu est le Tout-sachant, recherchez la science sans limites ! Dieu est le plus Doux, rivalisez de douceur les uns envers les autres. La clémence est essentielle dans l’engagement. Elle permet d’apaiser les tensions, d’accepter les manquements, les excuses, sans sévérité, ni jugement. D’ailleurs, Dieu rappelle au Prophète, paix et salut sur lui, que sans sa miséricorde légendaire, beaucoup auraient quitté sa proximité, son projet[2]. Cette clémence n’est cependant pas exclusive aux frères (ou sœurs) d’arme. Les adversaires y ont droit, les orphelins, les démunis, les femmes et enfants, tout autant. Au fait, toute la création a droit à cet héritage prophétique : « Nous ne t’avons envoyé que comme miséricorde pour l’Univers. »[3]
Verset 4 : « Le Souverain du Jour du Jugement dernier !»
Le Jour Dernier est redoutable ! Les résultats de notre examen terrestre seront publiés et détermineront notre devenir, notre carrière céleste. Ce jour, Dieu, le Juge implacable fera lire nos Livres et peser nos actions. Ce sera un jour de gloire pour quelques-uns, de honte pour la plupart. Donc, même en pleine action, souvenons-nous que l’issue de ce Jour doit être notre essentiel, rechercher la satisfaction divine par la mention, encore mieux ! Tenons compte que les coefficients des matières présentées sont gardés secrets. Qu’importe les efforts que nous déploierons, l’essentiel aura son poids dans la balance, de petites actions peuvent peser lourd sur la balance. Et de grandes victoires peuvent être sources de regrets. Le mal causé à ses congénères peut même conduire à la faillite. Une éthique polluée dans l’engagement, un mauvais comportement, une hypocrisie, un esprit partisan peuvent rendre vains de grands sacrifices ou des aumônes conséquentes, dommage…
Verset 5 : « C’est Toi que nous adorons ! C’est Toi dont nous implorons le secours !»
Adorer Dieu, c’est vivre pour Lui, consacrer chaque instant à Le servir, sans contrainte. Mais dans Sa grande Sagesse, Dieu nous indique de nombreuses façons de L’adorer, loin d’être réduite à un rituel personnel. Et l’engagement en Son Nom, « al jihad », est l’acte d’adoration le plus noble ! Se mettre au service de Dieu c’est imposer à sa volonté, sa liberté, la volonté divine. L’engagement est une preuve de foi, mais la foi peut mettre à l’épreuve l’engagement. En effet, noyés dans l’engagement, nous pourrions nous retrouver imbus de nos œuvres et suffisants. Nous pourrions nous tromper sur l’action du moment, l’ordre des priorités, l’attitude à adopter, aux Yeux de Dieu. Souvenez-vous l’épisode de l’aveugle demandant quelques renseignements au Saint Prophète, alors que celui-ci tentait d’islamiser des notables. La bonne action, au bon moment…. L’homme est faible. Le croyant, même préparé de la meilleure façon, informé des circonstances et au plan d’attaque infaillible, se sent dépendant de Dieu à chaque instant. Loin de l’arrogance conquérante, il est habité par la crainte de Dieu, mais tout autant rythmée par des invocations, il doute de soi, de la certitude en Dieu.
Verset 6 : « Guide-nous dans la Voie droite »
Le Défi est ici ! Avancer contre vents et marais, franchir des obstacles, vaincre les pentes abruptes des épreuves, garder la maitrise lors des descentes. Dieu nous invite à Lui demander, encore et encore, de ne point quitter la route. Qui est à l’abri ! Est-ce que mon engagement est vraiment au service de Dieu, ou simplement une rampe vers une carrière politique ? Les sages nous enseignent depuis bien longtemps que les maladies du cœur apparaissent insidieusement dans l’action. Que l’orgueil, la rivalité, l’hypocrisie se manifestent plus facilement que dans le silence des mosquées. A chacun de se prémunir contre une mort spirituelle suite à l’accumulation des maladies sans thérapie, ni prévention. Pour cela, nous pouvons compléter l’engagement par une (r)évolution intérieure : lectures du Coran, assises de la foi, recherche de science, prières nocturnes…
Verset 7 : « La voie de ceux que Tu as comblés de bienfaits, non celle de ceux qui ont mérité Ta colère ni celle des égarés! »
Le clin d’œil historique est aussi une façon de se situer et de réfléchir aux moyens réunis par d’autres, à la méthode appliquée, et à l’issue terrestre et céleste de leurs efforts. Bien sûr, en premier lieu, nous imaginons les compagnons. A la main, sabres ou feuillets coraniques, ils ont œuvré sans relâche et ont obtenu l’objet de leurs désirs, la satisfaction divine. Ils ont semé le champ des possibles ! Dieu les cite régulièrement, Mohammad (paix et salut sur lui) les a honorés de leur vivant comme après leur mort. Tout comme nous, ils ont vécu des épreuves dans l’engagement, mais les surmontèrent et aboutirent à la victoire.
Mais, dans la vie, la séparation entre l’Enfer et la Joie peut être aussi large qu’un cheveu. La colère de Dieu peut même s’abattre sur un croyant en pleine prière, mais inattentif (s107, v4). Ce verset n’est pas exclusif aux juifs ou aux chrétiens ! Elle concerne aussi les ingrats, les injustes, les colériques, les lâches, les avares, ceux qui crurent être guidés mais s’éloignaient du droit sentier. Ainsi, demandons à Dieu qu’Il nous en préserve et soyons sur nos gardes.
Pour Synthétiser :
Verset 1. Soyez dignes d’agir au Nom de Dieu
Verset 2. Soyez reconnaissants
Verset 3. Soyez cléments, aimables
Verset 4. Soyez vigilants sur vos œuvres
Verset 5. Soyez serviables et confiants en Dieu
Verset 6. Soyez prévenants et attentifs
Verset 7. Soyez ambitieux, mais prudents et humbles
[1] Coran : La vache, verset 151
[2] Coran : sourate 3, verset 159
[3] Coran : sourate 21, verset 107
L’article est tout à fait bien construit. Ma remarque relève d’une veille terminologique pour déloger les concepts qui peuvent détourner la pensée musulmane de sa présence à Dieu.
Le terme « engagement » est un terme inachevé qui présente des zones sombres et des cavités suspectes. Il dit peu de choses sur ses intimes motivations, sur l’énergie qui l’anime. Tantôt, il s’associe avec une spiritualité authentique, tantôt il s’alimente d’une sorte de zèle inopportun, ou de passion, voir de hargne. Auquel cas, il s’écarte de la tradition prophétique en termes de volonté et d’intention.
L’engagement tire ses lettres de noblesse de l’attachement qu’il prône aux règles et aux principes, plutôt qu’à des êtres. Or, Dieu et son Prophète sont des êtres qui aiment et s’aiment.
L’amour de Dieu et de son Messager, est une énergie propre et transparente, qui affiche clairement un ralliement à Dieu est à son Messager. L’engagement, lui, affiche une neutralité qui laisse ouvertes autant d’issues sans issue.