De l’autre côté de la porte
L’instant est grave. Désormais rien ne comptait plus que cela. Les masques tombent et la sincérité de chacun se jauge.
Elle aimait être ici parmi tous ceux-là. Elle avançait mais elle ne savait pas pourquoi. Elle s’accrochait mais ne savait pas comment. Comme emportée par le courant. Un courant délicieux, une vague douce. Son objectif était posé pour cette année. Elle devait apprendre un certain nombre de versets.
Au début, elle ne savait pas pour quelle raison elle apprendrait. Après tout ce n’est pas obligatoire d’apprendre le Coran. « De nombreux illustres compagnons n’ont pas appris tout le Coran » se disait-elle. Pourquoi apprendrait-elle alors ? Elle qui, loin de cette spiritualité vraie, que tout le monde vivait autour d’elle, se sentait submergée par tout. Les personnes venaient chaque semaine avec des visages radieux et récitaient. Oui, ils récitaient comme pour faire sentir le goût de ces mots enfouis dans leurs poitrines. Elle se sentait loin, ne méritant pas leur compagnie. Elle ne méritait pas d’être présente parmi eux. Approcher le Livre de Dieu. Le Coran. Apaisant mais ô combien responsabilisant. Quand elle a entendu qu’un des compagnons du Prophète, paix et salut sur lui, n’avançait dans son apprentissage du Coran que lorsqu’il appliquait les versets qu’il avait appris, son angoisse augmentait. Qui était-elle pour apprendre les paroles du Très Haut ?
Elle fermait les yeux. Plusieurs jours sont passés. Des rencontres d’apprentissages intensives autour du Coran n’ont fait qu’accentuer son sentiment d’éloignement de ce groupe si studieux. De ces personnes si proches de Lui. De ces éminents connaisseurs et apprenants. Où était-elle parmi ceux-là ? Perdue dans une foule de choses. Dans une course effrénée. Dans plusieurs volontés. Elle n’y arriverait jamais. Mais voilà qu’au milieu de tout ce brouhaha… Une lueur a brillé.
Les yeux fermés, ce monde se dessinait. Là, dans une salle qui lui était familière et des personnes qu’elle côtoyait régulièrement. Ce sentiment de solitude refaisait surface face à leurs récitations et leur évolution. Les versets se déversaient sur elle comme un courant de flots délicats. Les voix s’élevaient en psalmodiant les versets. Et elle… Seule. Face à sa stagnation. Accompagnée de son désarroi, s’était vue se lever et quitter la salle. Cette salle témoin de sa valeur si minime, peut être de son manque d’amour pour les paroles de Dieu. Non ! Elle se refusait à cette idée. Même si elle avait du mal à avancer, elle aimait tout de même ce Livre. Sa couleur, son odeur, son toucher, et surtout les mots. Oui, les mots. A chaque mot qu’elle prononçait, son corps se recouvrait d’un voile de frissons, comme si un courant électrique le traversait. Comme une gifle de sens qui s’abat sur ses joues. Comme un vent qui souffle sur ses yeux et qui fait couler ses larmes. De cette salle, elle voulait sortir. Elle n’y avait pas sa place. Elle s’y sentait honteuse. « Laissez-moi sortir d’ici, je ne mérite pas votre compagnie. Je n’apprends rien, moi. Contrairement à vous. » Disait-elle aux autres qui l’empêchaient de quitter la salle. Ils ne voulaient pas qu’elle les laisse dans ce beau verger sémantique d’une autre dimension. « Ta place est ici, parmi nous. Quelle que soit ta volonté. » lui disaient-ils tous en chœur la retenant par la manche.
Quand elle fermait les yeux un autre jour, le même scénario s’est offert à elle. Que se passe-t-il ? Les mêmes personnes étaient présentes, assoiffées d’apprendre et encore d’apprendre. Elle leur avait déjà dit qu’elle ne méritait pas d’être là. Mais rien n’y fait. Tout le monde s’acharnait à la retenir. Mais cette fois, s’échapper fut plus facile. Elle marchait d’un air nonchalant. Elle sortit de la salle, du bâtiment. En traversant la rue, elle vit en face d’elle une énorme porte noire. Une porte brute mais précisément décorée. Telle une porte ancienne, une œuvre d’art sombre. Cette porte immense fermait le cercle d’une grande muraille. Elle poussa la porte. Et entra dans un autre monde. Une sphère détachée du reste. Une vieille médina sereine et majestueuse. A droite, un bassin débordant d’eau douce ne laissant s’échapper aucune goutte. Une longue ruelle de marbre, bien tracée, s’offrait à elle et qu’elle emprunta volontiers. Autour d’elle, nulle âme qui vive. Elle marchait au milieu de ce paysage qu’elle ne soupçonnait pas. Se sentait si tranquille et tellement insouciante. Enfin un moment de réel répit. Elle ne devait plus rendre compte de ce qu’elle avait appris. Seule face à elle-même. Et soudain, une main tendre se posa sur son épaule. Une sœur lui souriait et la suppliait de revenir avec elle. Avec eux. Qui ? Encore ces gens du Coran. Elle ne comprenait pas pourquoi ils la poursuivaient et insistaient pour qu’elle soit avec eux. Derrière elle, tout le monde l’avait rattrapée, tous souriants et sereins. « Tu ne peux pas venir ici seule, tu dois être accompagnée. Mais le moment viendra où nous nous retrouverons tous ensemble ici. » Lui disaient-ils. Ils l’avaient prise par la main et avaient rebroussé chemin du côté de la mer infinie.
Ses yeux s’ouvrirent. Et le verset ne cessait de défiler dans sa tête. Comme une leçon bien acquise : « C’est alors qu’on éleva entre eux une muraille ayant une porte dont l’intérieur contient la miséricorde, et dont la face apparente a devant elle le châtiment [l’Enfer] ‹N’étions-nous pas avec vous ?› leur crieront-ils. ‹Oui, répondront [les autres] mais vous vous êtes laissés tenter, vous avez comploté (contre les croyants) et vous avez douté et de vains espoirs vous ont trompés, jusqu’à ce que vînt l’ordre de Dieu. Et le séducteur [Le diable]: vous a trompés au sujet de Dieu. Aujourd’hui donc, on n’acceptera de rançon ni de vous ni de ceux qui ont mécru. Votre asile est le Feu: c’est lui qui est votre compagnon inséparable. Et quelle mauvaise destination! Le moment n’est-il pas venu pour ceux qui ont cru, que leurs cœurs s’humilient à l’évocation de Dieu et devant ce qui est descendu de la vérité [le Coran]? » (Sourate : le Fer, versets 14-16)
Plus l’autre est noble et plus on aspire à un amour de même lignée. Et face à cette estime qu’on lui porte et la grandiosité qu’on lui reconnaît, on se rend d’autant plus compte de notre petitesse et de nos faiblesses. On idéalise tellement cette relation entre nous et le Coran, que l’échec devient insupportable et la déception si forte. Comme si notre amour ne se mesurait qu’au nombre de versets appris, nous nous focalisons sur des quantités et oublions peut être ce pour quoi on ouvre ce Livre…
Faut-il tout simplement s’accorder cette relation, se fidéliser, et donner? S’oublier et donner…
Ne plus compter, ne plus attendre, ne plus calculer? Et prendre seulement du plaisir à réciter, apprendre tout simplement à l’aimer?…
(Aaaaah ce sentiment de honte et d’envie de quitter la salle… )
Le sentiment de petitesse et de faiblesse face aux autres et un sentiment Noble masha Allah. Il y a des villes et des gens qui ne connaissent pas l’Ecole du Coran”. Je pense que lorsque Dieu nous a choisit pour en faire partie, il faut s’y attacher corps et âme. Malgré ce sentiment de ne pas avancer, La Miséricorde de Dieu qui descend sur ceux qui avancent, devrait nous aider à nous y tenir fortement.
L’envie de partir lorsque tout ce fais trop difficile est un sentiment humain mais l’on gagne tellement à rester…………….
Ne t’arrête pas devant les marches en les méditant. Vas y, commence à monter! La mer calme ne fait pas de toi un marin expert plutôt dans les vagues où les les compétences des marins apparaissent !!!. Bon courage.