Aperçu de la jurisprudence de la Zakat
Nous avons abordé dans un article précédent ce troisième pilier de l’Islam qui est la « ZAKAT » et nous avons cherché à le définir à travers son impact positif sur l’individu, sur la société et sur l’économie. L’objectif de ce deuxième article est d’entrer un peu plus dans le détail de la jurisprudence de la zakat.
Le troisième pilier de l’Islam, « Zakat », a été légiféré d’abord à la Mecque, puis à Médine où le Messager de Dieu -Paix et bénédiction de Dieu sur lui- l’a confirmé en tant qu’obligation pour tout musulman capable de s’en acquitter. Ainsi, nous pouvons considérer la Zakat comme une taxe légale, donnée en nature ou en argent, recueillie des riches musulmans et redistribuée aux catégories citées dans le verset de la Zakat (voir l’article précédent).
Quand la zakat devient-elle obligatoire pour le musulman ?
Deux catégories de conditions doivent être réunies pour que la zakat devienne obligatoire :
A. Conditions concernant l’individu
Les savants sont unanimement d’accord que la zakat concerne toute personne musulmane. Ils ont extrait cette condition du récit prophétique rapporté par les six grands savants du hadith[1] ‘’Aljamaa’’ : « Selon Ibn Abbas, quand le Prophète envoya Mouaad ibn jabal au Yémen, il lui dit : Tu vas rencontrer les gens du livre et tu les inviteras à reconnaître qu’il n’y a de dieu que Dieu et que Mohammad est son Prophète. S’ils acceptent, tu les informeras que Dieu a institué cinq prières dans la journée ; s’ils acceptent, tu les informeras que Dieu leur a imposé une charité prise dans les biens de leurs riches pour être restituée à leurs pauvres…». Ainsi, une personne doit accepter l’Islam comme voie de salut avant qu’on lui demande de s’acquitter de la zakat. Une nuance entre ce pilier et les autres piliers de l’Islam a été mentionnée par les savants : la zakat concerne toute personne musulmane qu’elle soit majeure ou mineur, l’esprit sain ou atteint, alors que les autres piliers comme nous le savons tous, ne concernent que les musulmans pubères sains d’esprit. Par exemple le jeune du Ramadan n’est pas obligatoire pour les enfants.
Pour un musulman sain d’esprit et pubère, il doit s’acquitter personnellement de la zakat et pour les autres musulmans qui sont riches mais sous tutelle ou curatelle, c’est le tuteur légal qui doit prendre la part de zakat de leurs biens et la donner à qui de droit. Parmi les textes sur lesquels les savants se sont basés est le hadith cité dans l’article précédent où le Messager de Dieu conseille aux tuteurs des orphelins riches et musulmans de fructifier leurs biens pour que la zakat ne les anéantisse pas.
B. Conditions sur le bien
Ce sont six conditions que les biens doivent remplir pour que l’on puisse en extraire la part dédiée à la zakat :
1) Le bien doit être acquis licitement et en possession d’une personne physique et non morale ;
2) Le bien doit être susceptible de rapporter des bénéfices (Annama3) à son propriétaire ; dans le cas où l’objectif premier du propriétaire est l’acquisition du bien afin de le fructifier pour accroitre sa richesse. Pour illustrer ceci, la marchandise acquise pour le commerce est un bien qui peut rapporter des gains, par contre acquérir une maison pour y habiter ou une voiture personnelle est un bien figé qui ne rapporte pas de bénéfices en termes d’argent.
3) Le bien doit dépasser un certain seuil en terme de valeur nommé « Nissab ». Ce dernier est fixé en fonction de la nature du bien dont on peut extraire la part de la zakat.
4) La 3ème condition doit rester vraie après avoir déduit la part du bien qui sera dédiée pour satisfaire les besoins fondamentaux du propriétaire et des personnes qui sont à sa charge comme la nourriture, l’habillement, le loyer… ;
5) La 3ème condition reste vraie aussi après déduction de la part de la dette à payer s’il est endetté, parce que payer la dette devance en terme de droit la zakat.
6) La 3ème condition reste toujours vraie durant une année lunaire.
Quels sont les biens concernés par la Zakat ?
Le bien d’abord concerne tout capital d’une personne physique musulmane qui peut rapporter des bénéfices en nature ou en valeur monétaire. C’est ce que les juristes musulmans ont nommé
« Al-Mal ». De ce point de vue, chaque génération de savants a établi une liste des biens qui répondent à cette condition à leur époque.
A notre époque, les savants contemporains ont enrichi cette liste des biens concernés par la zakat :
· Les biens animaliers qui concernent les chameaux, les bovins et les caprins.
· Le bien qui se rapporte à la récolte des exploitations agricoles.
· Les biens qui se rapportent aux produits agricoles (le miel, les œufs,…), si ces produits dépassent le seuil de Nissab.
· Le bien rapporté à l’exploitation des mines quand le profit de cette dernière revient à une personne physique.
· Le bien rapporté à l’or, l’argent et le monétaire. Ce point sera détaillé dans le paragraphe suivant.
· Le bien rapporté aux marchandises commercialisées.
· Le bien rapporté aux exploitations à but lucratif comme les manufactures, les fermes qui commercialisent leurs produits, les résidences que le propriétaire met en location, les sociétés de transports. Le docteur et savant Youssef Alqardaoui a rassemblé ce type de biens sous le nom « des exploitations »[2]
· Le bien rapporté par les actions possédées dans des sociétés.
· Le bien rapporté aux revenus des métiers libéraux ou des salaires versés mensuellement.
Quelques questions fréquentes autour de la Zakat
Il est clair que nous ne pouvons pas aborder toute la jurisprudence de la zakat dans ce modeste article. Pour approfondir cette question, nous vous invitons à entamer une recherche plus ample sur la zakat. Cependant, nous allons aborder quelques questions fréquentes dans les discussions autour de la zakat.
1) Quel est le seuil de Nissab pour l’or, l’argent et le monétaire et comment calcule-t-on la zakat pour ce type de biens?
· Nissab de l’or est de 84 à 85 grammes selon les nuances de calcul utilisées par les savants.
· Nissab de l’argent est 595 grammes.
· Nissab de la monnaie est la valeur en monnaie du nissab de l’or c’est-à-dire la valeur de 85 grammes d’or au moment où la personne décide de s’acquitter de la zakat. Pour l’année 2012 nissab monétaire était de 3533 euros .
Le montant de la zakat pour ce type de bien est égal à 2.5 % de la somme du bien qui dépasse le seuil du nissab et qui répond aux 5 autres conditions citées plus haut.
2) Les bijoux de la femme musulmane sont-ils considérés comme un bien duquel il faut extraire la zakat ?
Les savants sont majoritairement d’accord que sur les bijoux de la femme, il n’y a pas de zakat.
Malik a rapporté dans son livre Mowatta que notre mère Aîcha, que Dieu l’agrée, ne sortait pas de zakat sur les bijoux que portaient ses nièces. Notons ici que Aicha, était la tutrice légale de ses nièces orphelines. Cependant les savants, parmi eux Fayçal Mawlawi et Youssef Alqardaoui, ont mis deux conditions en plus pour que ces bijoux ne soient pas considérés comme un bien concerné par la zakat :
· Ces bijoux ne doivent pas être un moyen subtil pour thésauriser.
· La valeur de ces bijoux ne doit pas être très élevée et ceci est en fonction de la société dans laquelle nous vivons : « Oum Salama a dit : je mettais des bijoux en or et j’ai demandé au Messager de Dieu si ces bijoux sont considérés comme un trésor ? Il a dit si leur valeur arrive au seuil de la zakat alors donne la zakat, ils ne sont pas un trésor. » (rapporté par Abou Daoud).
3) Comment un commerçant doit-il donner la zakat ?
Dieu dit dans sourate La vache verset 267 : « Ô croyant, donnez une aumône de ce que vous avez acquis (Kasabtoum)… », les exégètes ont interprété « Kasabtoum » par les profits réalisés par le commerce. Le commerçant musulman doit fixer une date annuelle (par rapport à l’année lunaire) à laquelle il va faire le calcul suivant :
La valeur du bien = Valeur de la marchandise présente + le profit de l’année – les charges (dettes, impôts publics, besoins fondamentaux pour lui et les personnes à sa charge).
Si la valeur du bien est supérieure au seuil de Nissab, la zakat est égale à 2.5 % de la valeur du bien.
Pour la donner, il a le choix de donner la zakat en nature de la marchandise ou en argent. Néanmoins, les savants préconisent le deuxième choix car il est plus bénéfique pour la personne qui reçoit la zakat.
4) Comment un salarié doit-il donner la zakat ?
a) Première méthode de calcul
Lorsque Omar ibn Abdelaziz était calife, il retirait la valeur de la zakat des salaires annuels versés aux employés de l’état musulman. C’est sur ce récit que les savants se basent pour préconiser la première méthode de calcul de la zakat pour un salarié :
Valeur du bien = Le salaire annuel – les charges (dettes, impôts publics, besoins fondamentaux pour lui et les personnes à sa charges).
Si la valeur restante est supérieure au nissab (valeur de 85 grammes en or), le salarié donne 2.5% de cette valeur restante à une date annuelle fixée auparavant par lui-même.
b) deuxième méthode de calcul
Il commence à compter un an lunaire à partir de la date à laquelle la condition suivante est vraie :
La somme de ses biens présents – les charges (dettes, impôts publics, besoins fondamentaux pour lui et les personnes à sa charge) est supérieure au nissab.
Après un an, il refait le même calcul si la condition est toujours vraie alors, il doit donner la zakat.
5) Comment un couple qui a un compte commun calcule-t-il la zakat ?
La zakat est une obligation personnelle, donc chacun des deux doit calculer individuellement ses biens pour voir s’il (ou elle) est imposable.
[1] Alboukhari, Moslim, Attirmidi, Annesai, Abou dawoud et Ibn maja.
[2] Pour plus de détails revenir à son livre « Azzakat » dans lequel, il a exposé une jurisprudence de zakat plus ouvertes et adaptée à notre époque .
Salam aleykoum,
Je suis un peu perdu sur le calcul de la zakat.
Actuellement, chaque 1er Muharram, je verse 2.5% de ce que j’ai en compte/cash.
Mais j’ai vu l’autre méthode que vous décrivez et j’ai vu par ailleurs, consistant à établir le revenu – les charges fondamentales puis à verser 2.5% (si au-dessus du nissab).
Seulement, cette méthode est beaucoup moins “favorable” (on paie +) car dans la première, ce qu’on a en compte à un instant T est : revenu – dépenses fondamentales et non fondamentales.
Ma première question : ma méthode de calcul est-elle correcte selon une des méthodes ?
Ma deuxième question : comment faire la part entre fondamentale et non ?
Si on soustrait la nourriture par exemple, prend on toute la nourriture ou seulement ce qui permet de vivre.
Si on a 2 voitures, est ce que la 2ème est non fondamentale ? Le téléphone, c’est fondamental ? Se payer des vacances, manger au resto …
Merci
Cher frère Assalamo Alaykom,
j’entends bien votre inquiétude, ce n’est pas évident de se retrouver dans l’ensemble des avis surtout quand cela concerne un pilier de l’Islam comme la Zakat. C’est pourquoi, je vous invite cher frère à vous rapprocher d’un(e) spécialiste de la jurisprudence dans votre entourage qui connait bien le contexte, compréhensif et qui a la qualité prophétique de la douceur vis à vis des gens. Il (elle) pourra vous guider vers le meilleur choix selon votre cas particulier.
En attendant, cher frère, vous pouvez vous référer à un livre détaillé et incontournable en la matière ” La jurisprudence de l’aumône légale” de youssef al qaradawi. il y détaille tous les avis et il tranche par sa propre analyse contemporaine. Une autre référence moins détaillée et plus accessible ” La simplification des sciences religieuses” de Fayçal Mawlaoui.
Fraternellement
Salem alykoum,
D’abord merci pour cette présentation sur la Zakat et spécifiquement sur les modes de calcul chapitre 4.
Pourriez-vous svp m’indiquer quelques sources ou référence concernant le mode de calcul 4-a ?
Il est en effet très difficile de trouver des éléments sur la base à prendre en compte pour le versement de la zakat : capital ou épargne.
Merci
Fraternellement,