Le Coran et nous
Il y a une question qui, à elle seule, peut structurer toute une vie, définir tout un destin, et décomposer tout le quotidien d’un musulman pour le recomposer autour de la réponse qu’elle induit.
Cette question est : quel type de relation entretenir avec le Coran et comment construire un rapport intime et privilégié avec lui ?
Question centrale et fondamentale pour la vie d’une communauté. Question essentielle et vitale pour la vie d’un cœur.
En effet, le Coran parle autant à l’humanité dans son ensemble qu’à l’individualité de chaque être. C’est tout à la fois un Guide qui trace la chemin collectif menant à Dieu, qu’un message personnel qui parle à soi, à l’intimité de son cœur, à la subtilité de son intelligence, à sa volonté, à sa sincérité, à ses attentes, à ses blessures, à ses joies, à ses aspirations, à ses questionnements.
Tout être ayant adhéré à Dieu et à Son Prophète, paix et salut sur lui, et ayant fait la profession de foi se trouve personnellement interpellé par le livre de Dieu.
C’est un Message personnel, intime, particulier. Un Message de l’Un, adressé à tous. Un Message du Créateur de tout, destiné au cœur de chacun.
Il est donc d’une importance première que chacun se pose la question de savoir quelle est sa relation avec ce message personnel ? Qu’est-ce qu’il fait de cette interpellation intime ? Et quelles sont les bases afin qu’il puisse bâtir cette relation à Dieu.
Trois principes dans le rapport au Texte
Le Coran a plusieurs entrées, et devant ces multitudes d’entrées, il faut choisir la bonne, celle qui donne accès à toutes les autres.
Cette entrée se construit sur trois principes qui se suivent logiquement et dont l’un mène à l’autre : le premier appelant le deuxième et le deuxième amenant au troisième.
1er principe : Le Coran est le Verbe de Dieu ! C’est la Parole du Créateur à Ses créatures.
Cela définit d’entrée l’ordre des choses ! Si la conscience humaine intègre intimement que c’est Dieu qui a tout créé, dont les êtres humains, elle est apaisée du fait que Dieu sait parfaitement et exactement ce dont Ses créatures ont besoin et ce qui est Bien pour eux de ce qui est Mal ! ! Il connaît leur destin et le déroulement de l’histoire de leur vie, car c’est Lui qui les a fait passer du Néant à l’Existence.
Quand le cœur, l’intelligence et l’être reconnaissent intimement que c’est Lui l’Omniscient et le Tout-Sachant, la personne, face aux recommandations Divines, se trouve rassérénée et réconfortée dans l’idée que dans tout ce que Dieu peut demander, rien ne peut lui causer du tort. En tout état de cause, il ne peut y avoir que du bien,… que la raison perçoive cela ou non.
Et en plus du fait que le Créateur est le seul à connaître entièrement ce qui nous est bénéfique, Il intervient pour ne pas nous laisser dans l’errance et dans l’obscurité : Il nous conseille, nous guide et nous envoie ses directives et ses recommandations à travers Son Livre Sacré.
2ème principe : Le deuxième principe découle directement du premier : prendre conscience que Dieu est l’Omniscient et qu’Il nous fait don d’un Savoir salutaire sur nous-même et sur la Création par le biais du Coran, nous impose de rechercher la Guidance dans Sa Parole!
Le rapport qu’il faut donc avoir avec le Coran après le premier pas, c’est d’être à l’affût de tout ce qui peut nous guider, c’est de nous informer sur les voies à suivre et les choix à opérer en connaissance de cause, c’est de faire taire notre quête intérieure naturelle, c’est de trouver la réponse à toutes les grandes questions existentielles qui nous taraudent, réponses que l’on ne peut trouver chez un être humain, quelle que soit la pertinence de sa pensée, quelle que soit la portée de sa capacité intellectuelle, car lui aussi est un être créé comme nous, il ne peut répondre aux questions du fondements de l’existence, du sens de la vie.
Il peut philosopher tant qu’il veut, il peut écrire une myriade de livres, il peut produire autant de discours intellectuels qu’il veut, il ne pourra jamais répondre aux questions, existentielles.
Ni Aristote, ni Platon, ni Kant, ni Nietzsche ne peuvent apporter de réponse à ce qui les dépasse.
C’est-à-dire que nous pouvons affûter et travailler notre intelligence en nous frottant ou en nous confrontant aux philosophes et intellectuelles anciens et présents, mais nous savons d’avance que nulle réponse ne pourra être formulée de leur côté.
Tout au plus pouvons-nous nous mettre d’accord sur l’intitulé des questions, sans plus.
Il n’y a que Celui qui nous a créé qui peut informer de notre nature profonde, de notre devenir, ainsi que du sens de la création et de notre venue sur terre.
Soit nous avons les bonnes réponses émanant de Lui, soit c’est l’égarement !
En résumé le Coran est un Livre de Guidance, et il faut, dans notre relation à lui, qu’il acquiert ce statut. D’ailleurs, dans plus d’un verset, Dieu le qualifie de « nour », de lumière, et la caractéristique de la lumière, étant d’éclairer pour soi et pour les autres.
Le Livre de Dieu est une lumière en soi, et une lumière projetée sur la route menant à Lui.
3ème principe : c’est un livre pratique pour la construction de la personnalité humaine en conformité à la Fitra (prime nature).
Le Coran est là pour donner la physionomie de la personnalité exemplaire, pour construire l’individu, pour tracer le chemin droit, pour mettre en garde contre les obstacles, pour prévenir des dangers qui guettent l’Homme. Le Prophète (que Dieu répande sur lui Sa Grâce) étant ce modèle incarnant la perfection humaine qui a empruntée cette voie de Guidance.
Le projet d’éducation est donc fourni avec un modèle-étalon qui l’étaye.
Conséquences de ces trois principes
Si aujourd’hui les musulmans se plaignent – légitimement – que le Coran a perdu la centralité qu’il lui revient de droit, qu’il a été marginalisé, ou qu’il est dévoyé et instrumenté par certains à des fins personnelles, c’est qu’il n’a plus la place qu’il devait occuper dans les cœurs.
Abd Allah Ibn ‘Omar (que Dieu l’agrée), très tôt déjà, fustigeait la piètre relation qu’entretenait ses contemporains de la génération suivante avec le Coran en disant : « Nous avons appris la foi avant le Coran, et vous avez appris le Coran avant la foi, et vous le traiter de même que vous mépriseriez des dattes de mauvaises qualités ! »
Ils se sont préparés à accueillir le Coran, ils ont recherché la meilleure disposition pour l’apprendre ! Il faut donc obligatoirement une éducation et de la foi pour que le Coran prenne sa pleine place dans la vie.
En d’autres termes, la foi préexiste au Coran, et c’est elle qui détermine la place qu’occupe le Coran.
Dans le Hadith : « Le Dépôt (al amânah) prend place dans la racine du cœur des hommes »
Le Coran est un dépôt et une responsabilité qui doit d’abord descendre dans la racine de notre cœur. C’est donc avant tout une affaire de cœur !
Puis après cela il pourra prendre la place de centralité dans notre vie, individuelle comme collective.
C’est pour cela, que quand certaines personnes ou certains courants ne le considèrent que sous l’angle légal, que comme un code de Loi, que comme une praxis ou un traité de Hallal et de Haram, et qu’ils veulent son application immédiate et sans condition, ils se trompent d’approche et d’entrée ! Et soutenir cela serait une vraie trahison au Livre de Dieu !
Prêche du vendredi à la mosquée de Stains, d’Ahmed Rahmani