Le meurtre de Nahel pose une fois de plus la question des violences policières, des discriminations raciales et de la relégation
C’est le 27 juin 2023 tôt le matin que Nahel, 17 ans, est interpelé lors d’un contrôle routier alors qu’il était au volant d’une voiture de location accompagné de deux amis. Les vidéos amateurs qui tournent sur les réseaux sociaux montrent deux policiers à côté d’une voiture jaune. L’un d’eux pointe son arme en direction du conducteur et le second donne des coups à travers la fenêtre. On peut voir ensuite la voiture qui démarre lentement et que l’un des deux policiers tire à bout portant sur le conducteur. Très vite les pompiers arrivent sur les lieux, tentent de le réanimer, mais la balle tirée au niveau du thorax n’a laissé aucune chance à ce jeune de 17 ans. Dans un premier témoignage au journal « Parisien » le jeune qui accompagnait la victime affirme que ce dernier a reçu plusieurs coups de crosse de la part des deux policiers qui lui ordonnaient d’éteindre le moteur, que « Comme il était un peu sonné, son pied s’est enlevé de la pédale de frein. Comme la voiture, c’est une automatique, elle a avancé toute seule. ». Et que « Le policier situé près de la fenêtre a dit à son collègue : “Shoote-le !”[1]. Si cette version des faits est avérée, la responsabilité du second policier est également engagée.
L’annonce de la mort du jeune Nahel a créé l’émoi en France et a poussé des milliers de gens à participer à une marche blanche (appelée par sa maman sur Tik Tok) et qui a fini par des confrontations avec la police. Convaincu d’une certaine impunité de la police, des centaines de jeunes se sont révoltés dans les quartiers un peu partout en France et surtout dans les grandes villes telles que Marseille, Lyon, Bordeaux, Lille. Après 4 jours de révolte, le ministre de l’Intérieur a annoncé l’arrestation de plus de 1300 individus, pour la plupart des mineurs. On annonce également des dégâts importants et ce sont pour une grande part des infrastructures de l’État qui sont visées telles que des Hôtels de Ville, des commissariats, des bibliothèques municipales, des écoles… On dénombre également un grand nombre de commerces qui ont été dévalisés par des jeunes.
Il est important selon nous de pointer les causes multiples qui peuvent mener cette jeunesse à réagir avec une telle violence. Le défenseur des droits avait déjà en 2017 tiré la sonnette d’alarme quand il faisait état dans son rapport du fait que les noirs et les Arabes avaient 20 fois plus de chance de se faire contrôler en France et dès lors de dénoncer les “contrôles au faciès”. Ce rapport fait également état “des relations dégradées avec les forces de l’ordre” qui se traduisent selon eux par des tutoiements, des insultes et même de la brutalité. Le défenseur des droits mettait explicitement en exergue le manque de déontologie lors des contrôles.
Suite à l’arrestation de leur collègue et à la dégradation de la situation sur le terrain, deux syndicats de police ont tenu des propos qui selon nous ne sont pas admissibles dans un État de droit. En effet, Alliance-Police et Unsa-Police ont dans un communiqué menacé à demi-mot de prendre les armes contre “les nuisibles” et les “hordes sauvages” si le Gouvernement ne prenait pas ses responsabilités. Utiliser des termes tels que “nuisibles” ne fait que confirmer la manière dont sont considérés les jeunes des quartiers par un nombre non négligeable de policiers. Ce communiqué a été critiqué par un grand nombre d’acteurs de terrain à travers les médias et n’est plus à ce jour en ligne.
Nous considérons que nous sommes face à une problématique qui doit être prise au sérieux par les autorités françaises et cela a d’ailleurs été pointé par la porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, Ravina Shamdasani qui a ce 30 juin 2023 dit que “la France doit s’attaquer aux ‘profonds problèmes’ de racisme au sein des forces de l’ordre”[2].
D’autre part, nous considérons qu’il est contreproductif de s’attaquer aux parents des enfants comme annoncé par le Garde des Sceaux. Celui-ci menace les parents de poursuites pénales et de devoir payer les dégâts occasionnés par leurs enfants. Il est, selon nous, aussi du rôle de l’État de s’assurer que la police se comporte de manière professionnelle, que l’enseignement soit de qualité et que les discriminations liées à l’accès à l’emploi soient éradiquées une bonne fois pour toutes.
En 2005, des émeutes avaient également secoué la France suite à la mort de deux jeunes garçons, Zyed Benna et Bouna Traoré qui, traqués par la police s’étaient réfugiés dans un transformateur électrique et ont perdu la vie après avoir été électrocutés. Déjà à ce moment-là, les facteurs déclencheurs étaient la discrimination et l’exclusion sociale, les relations tendues avec la police, le sentiment d’impunité des forces de l’ordre et les difficultés économiques et sociales.
Il est selon nous important que les autorités françaises prennent au sérieux les allégations qui font état de comportement déplacé de la part de certains policiers. Car le nombre de victimes ne fait qu’augmenter au fil de temps, nous pouvons cité Alhoussein Camara tué par un policier lors d’un contrôle routier le 16 juin 2023, Adama Traoré 24 ans, d’origine malienne, décédé en 2016, Cedric Chouviat un livreur de 42 ans décédé en 2020, Remi Fraisse le jeune militant écologiste décédé lors des affrontements avec la police.
Nous appelons les autorités françaises à réunir les acteurs de terrain et les impliquer dans un travail d’analyse de terrain afin d’apporter des solutions aux problèmes politiques et sociaux des populations qui vivent dans les quartiers.
Nous appelons les autorités à rappeler les règles de déontologie et à proscrire toutes formes de racisme au sein des forces de police.
Chirac disait lors des émeutes de 2005 aux enfants des quartiers difficiles qu’ils sont tous des filles et des fils de la République et que la construction durable de la France passe par le combat des discriminations.
AFD International
Bruxelles, 01/07/2023
Source : AFD international