« Une fois rassasiés, dispersez-vous ! »
Je fais rarement la prière du besoin. Sans raison apparente. Mais cette fois-ci, comme on me l’a demandé, pourquoi pas. Ce sont des êtres chers, et qui présagent du bien en moi. Après tout, leur besoin est aussi le mien car les voir souffrir me fait de la peine. Sitôt, je me dirige vers mon tapis de prière, et je m’adresse à Dieu par l’invocation et l’imploration. Ce fût comme si je Lui parlais.
Je Lui ai exprimé les besoins de mes amis. Mais le doute ne tarda pas à m’encercler. Quelle suite serait donnée à mes invocations ? Serait-ce un échec si à terme mon invocation ne fût pas exaucée ? Je me remémore les paroles prophétiques sur le sujet et sais pertinemment que si une invocation n’est pas exaucée, alors elle retient autant de mal que la sincérité qu’elle porte, ou elle nous est gardée pour le jour dernier. Malheureusement, cette connaissance ne parvint pas à chasser les parasites de ma pensée.
J’ai fini ma prière avec deux certitudes. La première est que Dieu est l’Omnipotent que rien n’infirme. La deuxième est que j’ai été sincère en m’adressant à Dieu, Exalté. Avec cela, le musulman estime qu’il aura fait le nécessaire pour que l’on satisfasse sa quête. Mais, me demandai-je, si cela est le point de vue du serviteur, quelle est la volonté du Maître doux et généreux ? Peut-être que ces mauvaises pensées et ce malaise qui m’assaillent ne sont que le symptôme d’un dysfonctionnement, un bug, qui informe de sa présence. Un peu comme un appareil qui agace son propriétaire pour lui faire comprendre qu’il y a une modification à faire.
Soudain, je me dis : « Celui qui, dans ses invocations et sa souvenance, est en compagnie de Dieu peut-il jamais être un perdant ? » Comment cela se pourrait-il alors que dans le Paradis, haut lieu de luxure et de bonheur, seuls ceux qui voient Dieu n’ont pas de remords alors que les autres en éprouvent toujours bien que baignant dans la grâce divine.
Un peu sonné, comme quelqu’un qui perd son équilibre, je sens que le sens des finalités va basculer dans ma conscience. Quelle est la finalité, et quel en est le moyen ? Le serviteur utilise son invocation, sa présence à Dieu, pour satisfaire son besoin. Tandis que Dieu utilise le besoin de Son serviteur, pour l’attirer vers Sa présence. Laquelle des deux finalités mérite-t-elle que l’on y consacre des moyens ?
J’ai été amené, besoin oblige, à renouveler ma prière et mes invocations encore une fois. En revanche, cette fois-ci, je me suis assis en présence de mon Seigneur en murmurant : « Tu m’as ramené vers Toi par le biais de mon besoin. Rien ne presse ! Car aussitôt ‘rassasié’ j’en serai déjà à ‘dispersez-vous !’. »
Titre : Un extrait du verset 53 de sourate al-Ahzâb qui évoque l’éthique à observer lorsqu’on est invité à manger chez le Prophète. Ici, il sert de métaphore pour illustrer le fait que d’habitude dès que ses vœux sont exaucés, l’être humain a tendance à se détourner de Dieu.