J’ai besoin de réchauffer mon cœur !
J’errais derrière des immeubles en noir et blanc. Ici et là, quelques lumières. Le chemin était sombre, obscur. La chaleur de l’été n’était que chimère, mon cœur était glacé. Je cherchais mon chemin dans ce brouhaha quotidien.
Entre ces tours grises de béton, et ces visages blêmes, on me fit voir une montagne. Et quelle belle montagne ! Une montagne au sommet infini, le ciel ne pouvait l’arrêter. On me dit : « Rejoins cette montagne, tu pourras y réchauffer ton cœur ». En parcourant ce chemin étroit et sinueux, je commençais à m’approcher de celle-ci. A quelques encablures de là, je rencontrai un groupe d’hommes et de femmes qui avançait. Se retournant pour me saluer, ces visages lumineux m’attirèrent.
-où allez-vous ? Leur demandai-je.
-Nous nous rendons à la montagne des repentants et nous invitons les gens à nous accompagner.
La montagne des repentants ? Cette montagne au loin ?
– Tu viens ?!
– Oui, oui !
-Mais attention, il te faudra te munir de quelques provisions. Voici 2 livres : le Coran et la Sunna, tu y puiseras ce qu’il te faut. Un homme nous attend non loin de là. Il nous expliquera comment les utiliser à bon escient.
Etes-vous prêts à l’ascension
Arrivé aux abords de la montagne, un homme souriant au regard complice, nous embrassa comme un père qui accueille ses enfants. Et il nous dit :
-Mes enfants, prenez l’habitude de vous asseoir quelques instants à l’image du pieux compagnon Ibn Rawaha. Le chemin qui mène au sommet est douloureux et pénible.
Un silence gagna notre assise. Et de reprendre de plus belle :
-Sachez que celui qui souhaite prendre d’assaut cette montagne, doit être prêt à rencontrer de nombreuses épreuves pour y trouver la quiétude.
Celui qui a placé cette montagne dans ce monde éphémère est le Tout Miséricordieux pour sortir l’Homme des ténèbres à la lumière éclatante et chaleureuse. Il a choisi parmi nous un être exceptionnel d’un cœur pur et purifié pour nous appeler à se réfugier dans cette montagne. Cet être est le digne de louange, digne de confiance. Son héritage n’a de limites qu’au jour du grand rassemblement.
-Etes-vous candidats à cette ascension ? Si tel n’était pas le cas, vous pouvez toujours rester immobiles au pied de cette montagne sans toutefois gouter les fruits du sommet ! Alors dormez bien !
Mais posez-vous cette question : peut-on vraiment cheminer vers le bonheur ultime sans rencontrer sur le chemin des obstacles et des épreuves sans gravir la pente ascendante ? [1]
Avec ses hommes et ses femmes, entre-temps devenus mes frères et mes sœurs, j’avais décidé d’être candidat. Maintenant, allons-y !
– Voyez-vous cette montagne repose sur 5 piliers. Notre maitre, le digne de louange, Muhammad nous les a enseigné afin de mieux comprendre l’ascension vers l’Unique.
Un groupe de personnes regardait constamment ces piliers. Nous questionnâmes notre lumineux accompagnateur :
– Que font-ils ? Pourquoi ne montent-ils pas ?
– Ce sont des gens qui ne voient que les piliers, mais restent sourds à l’appel du sommet. Même si certains peuvent vous gêner, il reste nos frères.
Tisser la corde !
-Maintenant que vous êtes ensemble. Pour commencer cette progression périlleuse, vous devrez vous munir d’une corde qui nous liera les uns aux autres. Cette corde s’appelle amour. Un amour sincère en l’Unique. Et certes les serviteurs du Miséricordieux sont durs envers leurs ennemis parmi les négateurs, pleins d’amour entre eux.
Mon cœur se réchauffait.
-Et de reprendre. Vous ne monterez pas cette montagne tant que cette corde ne sera pas solidement attachée entre vous et elle ne sera suffisamment solide tant que vous ne partagerez pas la paix entre vous.
Et c’est ainsi que nous avons commencé à tisser cette corde, jour après jour, nuit après nuit, veillée après veillée, visite après visite, invocation après invocation. N’étant pas encore prêt à gravir cette montagne, notre accompagnateur nous donna des précisions sur les différentes stations : le culte sincère des 5 piliers, la foi ferme et l’excellence spirituelle. Lorsque la corde était liée, nous le retrouvâmes silencieux…en apparence. Sa langue en réalité, s’humidifiait à l’évocation d’une parole sublime : La ilaha illa allah, La ilaha illa allah[2]… Il mit fin à sa séance et d’un sourire, nous indiqua cette provision vitale pour notre survie. Il s’agissait d’une nourriture indispensable à tout aspirant au Très haut : l’évocation et l’invocation inlassables du Tout miséricordieux, une présence en Dieu à tout instant.
Il nous informa qu’il avait accompagné bien d’autres groupes avant nous. Nous devions réussir à nous accrocher à eux également.
Mon cœur bouillonnait.
-Pour vous diriger, nous disait-il, il vous faut avancer en suivant le souffle de la rose.[3]
Le vent, les intempéries ne devront pas freiner votre montée. Au nord, vous trouverez l’endurance, celle qui vous permettra de passer les obstacles. Au sud, la confiance au Très Haut. Dans votre engagement pour aider les autres, n’oubliez jamais à l’est qu’il y a la Dignité et pour éviter les sables mouvants, passez par l’ouest où vous trouverez le combat contre la routine. Et comme le disait l’imam Ali (que le très Haut soit satisfait de lui), par la foi, l’action trouve sa voie et par l’action, la foi trouve sa voie.
Mes enfants, je ne peux vous laisser vous aventurer sans vous rendre attentif à une chose. Vous trouverez sur votre chemin un ennemi redoutable car invisible. Peu de personnes ont réussi à le saisir. Il est le plus dangereux. Nous entendons beaucoup de récits terrifiants. Même si nous connaissons son nom, il est très difficile de le combattre. Mais avec les provisions qui m’ont été transmises par notre maitre Muhammad, paix et salut sur lui peut-être qu’avec l’aide du Très haut, réussirez-vous à prendre le dessus. S’il n’est pas apprivoisé, cet ennemi peut être mortel. Savez-vous, où il se trouve ?
Ne soufflant mot, il poursuivit. Cet ennemi se loge en vous-mêmes, c’est votre égo.
A l’aube du départ.
Tels des enfants, nous ne pouvions nous lasser des paroles de cet homme devenu un père pour nous, qui dans ce monde semblait tellement étranger. Au jour de notre départ, alors que nous souhaitions encore gouter ces précieux conseils, il répondit d’une parole tranchante :
-Vous avez désormais toutes les provisions nécessaires. Je dois pour ma part me préparer à partir de cette montagne pour rejoindre, je l’espère le Tout miséricordieux. Ma mission, je le crois est finie !
A l’écoute de cette annonce, nos cœurs frémirent entre tristesse et foi en l’avenir. L’ascension devait se faire. Sans trébucher, nous devions prendre acte. Peut-être que le Très haut acceptera cette ascension.
Grâce à cet homme, mon cœur a rencontré la chaleur de l’amour.
Il nous quitta à l’aube tranquillement, doucement, paisiblement.
Cet homme s’appelait Abdessalam Yassine.
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[1] Femmes musulmanes, traité sur la voie, TOME 1, Alter Editions, janvier 2012.
[2] il n’y a de divinités dignes d’être adorer qu’en Allah
[3] Abdelhakim Chergui, Juste pour toi, Edition Tawhid, 2010.
Ma sha Allah. Quel beau recit qui fait vraiment reflechir. Allahi rahmo.
Barakallahoufik Hakim pour ce beau résumé tout en tendresse d’un si beau engagement!
Les enfants de l’Imam rénovateur Abdessalam Yassine (rahimaho Allah) se retrouvent dans ton écrit. Que nous puissions arriver au sommet de cette montagne avec un coeur soumis au Très-Haut. Puissions-nous avoir la sagesse de transmettre et de faire découvrir ce trésor à qui veut réchauffer son coeur Amine!
merci Abdelhakim.
salam,
merci pour ce récit.
je conclurai personnellement autrement: cet Homme s’appelle Abdessalam YASSINE; car bien que son enveloppe charnelle soit partie, lui il reste.
Quel beau rappel!
Barakallahou fik d’avoir donné cette métaphore du cheminement en groupe.
Il existe des mots, des récits, des discours qui éclairent là où l’émotion (ou la passion parfois) a failli…
Merci pour ce beau récit écrit à la base comme une petite fiction mais au combien réelle pour quiconque a déjà fait l’expérience de s’élancer sur ces sommets.