J’ai 3 ans et je dis NON

Chère maman, cher papa,

Je vais bientôt avoir 3 ans, et j’avais envie de vous écrire cette lettre pour vous expliquer pourquoi je vous dis souvent « non ».

J’étais un enfant tellement sage auparavant. Maintenant, je lis dans vos yeux l’incompréhension et la colère lorsque je refuse de faire ce que vous me demandez. Mais sachez que je ne fais pas cela pour le plaisir de vous énerver, ou pour faire des caprices.

 

Quand j’étais plus petit, je ne pouvais rien faire sans vous : manger, boire, me lever, me laver, me déplacer… alors que maintenant énormément de choses ont changé : je peux me déplacer sans votre aide, sans demander votre autorisation, et en plus j’apprends petit à petit à manger avec une cuillère et une fourchette, je suis presque propre et je vais à l’école où je me fais de nouveaux copains, et puis pour terminer, je suis grand frère depuis peu. Cela fait beaucoup de changements et de bouleversements dans ma vie que je dois gérer, et ce n’est pas toujours facile. Mais en même temps, je trouve cela tellement génial ! Quel bonheur de grandir et de devenir autonome ! C’est la preuve que je grandis dans ma tête et dans mon corps.

Je découvre que je suis un petit garçon à part, avec ma personnalité, mon caractère, mes envies. Je peux décider moi-même de ce que je veux ou pas, et je peux ne pas être d’accord avec les autres. 

Le problème c’est qu’il m’est impossible d’expliquer tout cela avec des mots, comme vous le faites entre vous, parce que je n’en suis pas encore capable. Alors la seule manière que j’ai trouvé de vous dire que je ne suis plus un bébé, c’est de dire « non ». De toute façon, la plupart du temps, vous savez bien que je finis par obéir, mais c’est quand moi j’ai envie de le faire. C’est la notion de plaisir qui est le moteur de ma vie pour le moment.

Pour que cette période se passe au mieux, sachez tout d’abord que c’est une étape normale et obligatoire, qui m’aidera à avoir confiance en moi, à m’affirmer pour trouver ma place dans la société. Et ensuite, j’ai de petites astuces à vous proposer :

• N’utilisez pas la force pour vous faire obéir, ça serait me manquer de respect
• Faites moi changer d’avis mais seulement sur des choses importantes (mettre mon manteau car il fait froid, vous tenir la main pour traverser la route, ne pas toucher la télévision, ou ton téléphone papa..). Pour le reste, le simple fait de me faire remarquer mes erreurs pourra parfois me faire avoir des remords
• Soyez le plus clair possible quand vous me donnez un ordre pour que je le comprenne bien, et faites moi savoir que je n’ai pas d’autres choix possibles. Je t’avoue maman que j’ai parfois du mal à te prendre au sérieux quand tu es obligée de me répéter un ordre plusieurs fois de suite. Je réussis d’ailleurs souvent à te faire céder, ce qui n’est pas le cas avec toi papa. Comme tu es impressionnant quand tu fronces les sourcils et que tu prends ta grosse voix !
• Vous pouvez m’expliquer pourquoi vous me donnez un ordre, mais ne vous justifiez pas sans cesse, je ne suis pas votre alter égo
• L’illusion de la récompense marche souvent avec moi (si je range mon camion de pompier, je pourrais prendre mon train qui siffle), ou alors le fait de dire ce qui va se passer par la suite (mets tes chaussure, comme ça tu pourras aller au parc)
• J’aime bien quand vous me félicitez parce que j’ai fait ce qui m’a été demandé, ça me donne envie de recommencer. Et quand je suis puni, expliquez moi immédiatement pourquoi, sinon la punition ne me semblera pas justifiée
• Quand vous me donnez un ordre, restez prés de moi, et évitez de crier « viens » quand je suis dans la chambre alors que vous êtes dans le salon.
• Soyez cohérents entre ce que vous dites et ce que vous faites, sinon vous ne serez pas un exemple pour moi (la loi du « fais ce que je dis et pas ce que je fais » ne marche pas)

Ce ne sont là que quelques propositions, je vous fais confiance pour en trouver d’autres parce que vous êtes mes parents et que vous me connaissez très bien… comme si vous m’aviez fait !

Je vous test souvent, je le confesse, mais c’est juste pour vérifier que vous tenez bien parole (je serai vraiment puni si je n’obéis pas ?), et surtout pour être sûr que vous m’aimez toujours aussi fort, comme moi je vous aime, malgré toutes mes bêtises. Les moments que j’affectionne d’ailleurs tout particulièrement sont ceux durant lesquels nous jouons ensemble, ou quand nous nous faisons des câlins, j’oublie alors de dire « non ». Cela  me rappel le joli hadith que tu m’as raconté maman, celui où notre bien aimé Prophète (Paix et Bénédiction sur lui) prenait ses enfants sur ses genoux et les pressait contre lui en disant « O mon Dieu, Sois leur bienveillant car je les aime beaucoup ».

Pour finir, sachez que j’ai besoin de limites, en fait c’est ce que je recherche. Je me sens en sécurité lorsque vous m’aidez à différencier le bien du mal, lorsque vous me dites quoi faire et ne pas faire. Cette bonne éducation me permettra de mener à bien ma vie religieuse en me soumettant aux préceptes divins.

Si vous me laissez tomber,  si vous me laissez faire tout ce que je veux, je ne serai plus rassuré. Je deviendrai « un enfant roi », mais un roi bien triste et pas bien dans sa tête.

Je sais que ce n’est pas tous les jours faciles pour vous, mes chers parents, mais en Islam, bien traiter son enfant est un « jihad », un effort. Prenez soin de moi, car Allah m’a confié à vous, et quand je serai plus grand je ferai des invocations pour vous. Quelle belle récompense !