Éduquer son enfant… mais qu’est-ce qu’éduquer ?
En tant que parent, l’un de nos devoirs les plus essentiels est d’être digne de la fonction d’éducateur, d’en habiter la posture, d’en maîtriser les contours à minima et d’être conscient des enjeux qui lui siéent. Il en va de la façon dont nous décidons d’assumer la lourde charge que Dieu nous a confiée en nous faisant parent donc éducateur.
Définition de l’éducation
Éduquer consiste à inculquer et enraciner des valeurs qui inspirent et orientent le comportement. Cette définition a une conséquence pratique capitale car elle exige de celui qui espère assumer véritablement la mission d’éduquer d’être lui-même concerné et enraciné dans un processus éducatif.
C’est le point de départ dans l’aventure éducative.
Ceci implique surtout que l’éducateur ici le père et/ou la mère doit être conscient et lucide sur ce qu’il incarne comme modèle éducatif, de ce qu’il offre comme qualité de compagnonnage à celui dont il a la charge et de ce qu’il donne à voir comme exemple concret à chaque instant de son existence…
L’éducation c’est in fine ce que l’on incarne ou pas comme valeurs concrètes.
L’objet de l’éducation
L’objet de l’agir éducatif c’est l’Homme et c’est tout l’Homme qu’il faut éduquer. L’Homme dans son intégralité, dans sa globalité et dans toutes ses dimensions, l’Homme étant indivisible. Éduquer n’est autre qu’une thérapeutique de l’essence humaine dans toutes ses dimensions.
Plus concrètement, l’objet de l’éducation porte simultanément sur deux dimensions constitutives de l’essence de l’Homme : l’intellect et la volonté. Avec une visée bien précise pour chaque dimension constitutive de l’Homme.
Éduquer c’est donc travailler sur la raison/l’intellect : Éduquer l’intellect pour construire l’autonomie intellectuelle et des capacités de comprendre, d’analyser, résoudre les problèmes…
Éduquer c’est travailler sur la volonté : Éduquer la volonté pour accroître la capacité d’agir, de décider, de produire et d’être efficace.
La visée de l’éducation comme travail simultané sur la raison et la volonté, c’est tendre vers une forme d’excellence globale morale, spirituelle, intellectuelle et pratique sans perdre de vue l’objectif de l’équilibre.
Pour résumer il s’agit de parvenir à l’excellence professionnelle avec un équilibre personnel. Sinon le succès dans un domaine particulier aura le goût amer de l’échec.
Éduquer la volonté : c’est quoi ?
Pour éduquer, c’est-à-dire enraciner des valeurs qui orientent durablement le comportement, il faut travailler sur les motivations, les sources de motivations et la qualité des motivations.
Or, la source de motivation la plus stimulante et la plus puissante qui soit, si tant que d’autres existent, c’est que l’enfant ait devant lui un modèle fort, un exemple incarné et vivant en matière de grande force de volonté. Un modèle qui inspire l’imaginaire de l’enfant, le tire vers le meilleur de lui-même et continue de le stimuler même en cas d’absence physique. Le parent éducateur est celui qui évoque un sentiment d’inspiration car il incarne une volonté infaillible. Celui-ci devient une source d’inspiration dans son comportement. Cet homme inspirera son enfant à être la meilleure version de lui-même.
Cela signifie que ce qui fait défaut en réalité ce n’est pas tant la présence physique du père ou de la mère mais la qualité et la nature de cette présence. Un parent quand il incarne ce modèle de volonté forte continue d’inspirer même quand il est absent ou pas assez présent physiquement.
Car il est vrai que l’on ne peut donner, à fortiori, dans le domaine éducatif, ce dont on est dépourvu et que la dernière chose dont un enfant ait besoin pour incarner durablement une manière d’être sont les discours, les sermons creux et les réprimandes.
Revenons donc à la volonté que l’on doit incarner pour poser la question suivante : qu’est -ce qu’être un modèle fort en matière de volonté ?
La volonté se manifeste à travers trois dimensions essentielles : La passion, la persévérance et un sens élevé des responsabilités
- Être passionné
Pour éduquer la volonté, il faut donc être un modèle de passion pour quelque chose, peu importe l’objet de cette passion. Être passionné c’est avoir une cause qui donne sens à la vie et justifie tous les sacrifices qu’on lui dévoue.
Être passionné par ce que l’on fait et transmettre cette passion est un élément déterminant dans la construction de la volonté forte.
Ceci a pour conséquence de devenir un modèle de sérieux, de responsabilité et d’excellence dans un domaine particulier.
Peu importe l’objet de la passion, car ce que l’enfant va retenir dans son identification au parent et ce qui va lui être transmis, c’est le rapport à l’objet et non l’objet lui-même qu’il ne serait pas obligé de singer ou de reproduire. Cet objet de passion peut être l’art, le sport, la science, l’entreprenariat, l’érudition, le bricolage, la musique, la spiritualité, la profession…
- La persévérance
Si être passionné pour quelque chose signifie avoir une cause qui inspire la vie et justifie tous les sacrifices consentis eu égard à cette cause, alors la persévérance implique d’avoir suffisamment de souffle et de détermination pour aller jusqu’au bout de cette passion. Avoir suffisamment de patience dans la réalisation de l’objet de cette passion contre vents et marées c’est ce qui fait toute la différence. C’est un aspect fondamental qu’elle soit spirituelle, intellectuelle, professionnelle, artistique, entrepreneuriale… Car sans cette persévérance, la passion ne serait qu’un enthousiasme éphémère qui s’estompe à l’occasion de la première difficulté.
Être un modèle de volonté c’est aussi être un modèle de persévérance et de capacité à aller jusqu’au bout des choses et de refus de médiocrité.
- Avoir un haut sens des responsabilités
Le troisième critère où se dévoile/manifeste la volonté, concerne le sens de responsabilité.
Le rapport à la responsabilité, le rapport à la tâche accomplie que Ghandi mettait en évidence en disant : “Tout travail qui doit être fait, mérite d’être bien fait”
Faire toute chose avec soin et avoir ce sens de la responsabilité n’est pas inné. Il faut l’apprendre comme le reste. “Dieu aime que lorsque l’un de vous accomplisse une tâche, qu’il l’exécute avec excellence”
Être responsable c’est avoir une conscience forte des conséquences de nos actions. Ce qui amène celui qui en est pourvu à agir en donnant un sens à ce qu’il fait qui ne soit ni la peur de la sanction ni la convoitise d’une rétribution. C’est une présence intense de soi dans la tâche exécutée. Cette précision et excellence de l’agir est une victoire éducative sur l’approximation, l’amateurisme, la hâte et l’étourderie, la tendance à laisser les choses à moitié entamée et en un mot la tricherie envers soi.
Chaque action devient un prolongement de soi et du système de valeurs de soi. Être conscient de fournir un travail authentique à l’image de soi et de l’estime de soi.
Éduquer l’intellect
Si éduquer la volonté vise à développer les capacités d’agir, la force d’exécution et les valeurs de travail, de productivité et d’efficacité, alors éduquer l’intellect vise quant à lui la rationalité scientifique. C’est construire l’esprit critique et autonome, la capacité de résoudre les problèmes et comprendre les situations. Éduquer l’intellect pour cultiver les capacités de comprendre.
Pour résumer: Au bout de cette aventure éducative qui n’est certainement pas une mission facile, on aboutit à une échelle de 4 niveaux/combinaisons (volonté/intellectualité) :
- Je veux et je comprends : c’est l’autonomie intellectuelle et le pouvoir d’agir.
- Je veux mais je ne comprends pas : c’est la défaillance de l’intelligence, de la rationalité et des capacités de comprendre.
- Je comprends mais je ne veux pas (défaillance de la volonté).
- Je ne veux pas et je ne comprends pas (le degré zéro de l’autonomie intellectuelle et de la capacité d’agir).