Les musulmans de France entre deux dogmatismes
Depuis plusieurs décennies, un travail de fond – qui ne se manifeste pas dans l’actualité médiatique – est patiemment mené à la faveur d’une synthèse intelligente entre spiritualité musulmane bien comprise et un enracinement dans la citoyenneté et la culture du pays.
Ce travail comme toute dynamique profonde et complexe n’a malheureusement pas été toujours bien compris et considéré à sa juste valeur. Nous en payons aujourd’hui très chèrement les conséquences.
En effet, le discours des acteurs musulmans, étayé par une réflexion théologique fondamentale, qui prône la participation au cœur de la société au lieu de la rupture, et travaille pour la levée des résistances qui empêchent les citoyens français de confession musulmane de de s’épanouir dans leur rôle de citoyens et d’assumer leur francité en toute sérénité, a été vigoureusement combattu, ostracisé et interdit de cité.
Les acteurs qui appellent au « double épanouissement » dans la foi bien vécue et dans la citoyenneté bien intégrée, ont souvent été taxés d’islamistes, soupçonnés de communautarisme et systématiquement accusés ou suspectés d’atteinte à la laïcité et aux valeurs de la République.
Les lectures doctrinales, qui prônent une pratique islamique inclusive et intégrée dans un cadre culturel et civilisationnel dont elle épouse naturellement les contours, sont combattues par deux dogmatismes. L’un se réclame d’un républicanisme/laïcisme crispé et chargé de préjugés, l’autre se pratique au nom d’un islam total, un islam des origines fantasmé et décontextualisé.
Disons-le clairement, ces deux dogmatismes empêchent aujourd’hui l’Islam de s’enraciner dans le contexte français et d’être une source de richesse culturelle, spirituelle et civilisationnelle de notre nation.
Aux acteurs de la synthèse intelligente qui produit des êtres hautement spirituels et des citoyens actifs et critiques au service du bien commun, on préfère des figures folkloriques et caricaturales qui, tout en distillant sur commande un discours docile, lisse et rassurant, n’ont aucune prise sur le terrain, aucune capacité à façonner les mentalités et vaincre les motifs, les raisons et le potentiel séducteur d’un radicalisme destructeur et chaotique.
Pis encore, ces figures opportunistes « totalement inaudibles » et « inefficaces » sont plutôt perçues comme une sorte d’humiliation collective à l’encontre des citoyens de confession musulmane de la part de l’Establishment. Elles participent de fait à fragiliser et à discréditer les valeurs qu’elles sont censées défendre au nom de la République et renforce la représentation d’une religion exotique et archaïque dans l’imaginaire collectif français.
Malheureusement, c’est toute la nation qui pâtit de cette médiocrité entretenue, car on finit par oublier qu’à force de combattre les représentants d’un Islam de participation et de promouvoir les « Chalgoumi et consors », on récolte ce « Djihadisme » morbide commis par des individus déracinés, désocialisés, acculturés et apolitisés ; puisque l’Establishment national et local aurait réussi à créer le vide et laisser le champ libre au degré zéro de culture, de spiritualité et de conscience politique.
Les associations et acteurs musulmans, qui font aujourd’hui partie intégrante de la société, ont du mal à trouver des interlocuteurs prêts à reconnaître et appuyer le travail de fond qu’ils déploient à l’échelle locale, pour l’enracinement des populations dans leur contexte socioculturel avec toute sa complexité et ses nuances.
Un travail qui offre à la jeunesse des motifs d’espérance, des voies d’une « radicalité intelligente » – la jeunesse étant une intensité émotive par définition – et des raisons d’agir en citoyens libres, loin de toute servilité ou complexe de supériorité ou d’infériorité.
Or, nos élites de gauche comme de droite préfèrent s’appuyer, quand il s’agit de l’Islam et de sa gestion, sur des représentants et des interlocuteurs qui œuvrent souvent pour « la double rupture ». C’est-à-dire :
Maintenir les musulmans de ce pays déconnectés de leurs contextes et de leurs réalités locales respectives
Maintenir le pays loin de sa composante musulmane et de sa réalité islamique au même titre que les autres facettes qui constituent l’identité française.
Peut être que M. Chalgoumi est otage d’une mauvaise compréhension. Peut être est il tout simplement maladroit et pas forcément malveillant. Après tout ce n’est qu’un humain comme nous tous avec ses forces et ses faiblesses. Dieu Sait Mieux.