Le séparatisme : une terminologie ambigüe au service d’une stratégie dangereuse
Depuis le 11 septembre 2001, les thématiques liées à l’islam sont devenues une constante dans le « débat » public français et une dérive structurelle que d’aucuns qualifient d’obsession française.
A chaque échéance électorale ou impasse politique, la doxa au sujet de l’islam refait surface et depuis plusieurs décennies, le droit français ne cesse de redéfinir les contours entre la religion et l’État, loin de l’esprit de la fameuse loi de 1905 qui, rappelons-le, repose sur deux piliers : la neutralité de l’État et la liberté de conscience.
Dorénavant, la question du rapport à l’islam est ajustée non pas dans une perspective démocratique d’apaisement et de travail de fond qui prend en charge les problématiques que pose la visibilité de l’islam, mais dans une perspective de guerre civile et en fonction des besoins de la conquête du pouvoir et du maintien des gouvernements successifs aux manettes du pays.
Les propositions et projets de lois sont pensés à partir d’un certain ancrage d’hostilité à la présence musulmane qui, sous couvert d’une terminologie sciemment ambigüe, s’attaque insidieusement aux acquis de l’État de droit et aux libertés fondamentales associées à cette notion (libertés d’association, d’instruction, d’expression…)
Loin d’être une séquence isolée, cette période particulière dans les rapports entre la France et l’islam prend la suite d’une tendance plus globale et dans une géopolitique mondiale avec des continuités fortes, enracinées dans le logiciel sécuritaire et colonial voire médiéval de la France.
Le musulman loin d’être un citoyen comme les autres, reste une figure « essentialisée » de l’Autre radicale, très lointaine, avec une représentation qui associe régulièrement musulmans et mauvaises nouvelles (terrorisme, violence, crimes, catastrophes, etc).
Elle marque malgré tout quelques grands changements. Elle confirme effectivement une sensation angoissante de fragilité des liens qui unissent les citoyens et l’effroyable vide éthique et politique qui caractérise le discours politique et médiatique dominant, ouvrant la voie à une guerre civile souhaitée par des idéologues de la haine.
Il est important de noter que cette tendance discriminante structurelle et de crispation identitaire se déploie dans le sillage d’un libéralisme économique et financier qui soumet autant les gouvernements que la grande masse de citoyens à son diktat.
A mesure que les politiques se soumettent à la puissance de la finance et à la domination de sa doxa néolibérale sous-jacente, les questions sociétales et identitaires sont de plus en plus mises en avant et instrumentalisées pour créer une atmosphère de peur, de division et d’émotion collective dirigée par un groupe contre un autre.
Elles jouent un rôle politique de premier plan pour ceux qui trouvent dans la manipulation des identités et des bas instincts des peuples, un puissant ciment mobilisateur et un alibi pour renforcer une vision sécuritaire de l’État et de la société, au détriment de l’idéal démocratique, laïque et de justice sociale.
Cette démarche qui consiste à attiser les tensions et désigner un bouc émissaire responsable de tous les maux de la cité, permet de masquer la vraie subordination au pouvoir économique et financier, de détourner l’attention de la crise sociale et d’interpréter des conflits selon des grilles de lectures culturalistes, au lieu de les saisir dans toute leur complexité politique et historique.
On peut comprendre, dans ces conditions, l’immensité de la conversion des mentalités à opérer par les musulmans vivant en France. L’imaginaire islamique restant largement inspiré par des mécanismes négatifs de défense et de méfiance. Or, la tâche la plus ardue pour les musulmans est d’arriver à instaurer une présence lucide à la complexité de la société et à son désarroi. Il s’agit donc de ne pas accepter d’avoir peur ou honte, ni de se soumettre ou se résigner, mais de répondre sereinement avec un projet global de participation qui dit notre message dans sa positivité, témoigne de nos valeurs universelles et cherche dans ce contexte de tension, de méfiance et de confusion, une vérité commune, une fraternité commune et des combats communs pour le bien commun. Sur ces valeurs universelles que nous partageons, nous pourrons prendre le temps et le recul nécessaires afin de mieux comprendre nos conflits, accueillir mutuellement nos inquiétudes, collaborer et cheminer ensemble pour une société juste, solidaire et fraternelle enrichie de ses différences.