L’homme en quête du Beau : Hommage à Wilfried (Murad) HOFMANN
L’ancien diplomate musulman allemand Murad Wilfried Hofmann (1931-2020) est retourné auprès de Dieu le lundi 12 janvier, à l’âge de 89 ans, laissant derrière lui une œuvre conséquente qui mérite d’être étudiée, une carrière riche et un engagement au service de la cause et des valeurs spirituelles qui l’ont animé.
Il a trouvé dans l’islam la réponse à ses questions existentielles et in fine à sa soif du Beau, du Juste et du Vrai. Nous avons, nous musulmans européens, la responsabilité de connaître et faire connaître ces grandes figures d’excellence qui ont contribué à la réflexion sur la place de l’islam en Occident.
Amoureux des arts au point de devenir un fin critique de certaines de ses disciplines et sensible au Beau sous ses multiples formes, y compris dans la façon d’être, il s’est intéressé de près aux arts d’inspiration islamique, notamment la calligraphie, les arabesques ornementales, l’architecture des maisons et des mosquées, de même que l’aménagement urbain caractéristique de la civilisation islamique.
Son travail en tant qu’ambassadeur de l’Allemagne en Algérie et au Maroc, et sa grande érudition pluridisciplinaire (droit, philosophie, sciences sociales, art…) lui ont donné cette occasion d’observer de près la réalité des musulmans et de leurs valeurs, le mode de vie islamique, la gestion islamique de l’espace et les produits de la civilisation musulmane.
Pour l’homme intègre et subtil qu’il fut, une telle beauté ne pouvait être que le produit d’une vision raffinée du monde et d’une conception exceptionnelle du sens de la vie.
Aussi paradoxal que cela puisse l’être, c’est par la porte des arts qu’il s’est un peu plus approché de l’univers des musulmans, en dépassant toutes les représentations et la propagande entourant tout ce qui a trait à l’islam.
Il étudia le Coran en profondeur au point d’en proposer une « traduction » de son sens. Il ne se laissa enfermer ni dans un certain héritage jurisprudentiel sclérosé, fruit de plusieurs siècles de décadence, ni dans les réalités médiocres du monde musulman, ni dans les idées préconçues que véhicule au sujet de l’islam un occident sûr de lui-même, autocentré et dominateur. Il s’intéressa également au Prophète Mohammed (paix et salut sur lui) et trouva dans sa vie un modèle de cohérence et d’existence simple et exemplaire.
Il embrassa l’islam après une longue et profonde recherche et estima qu’il était la religion dont l’occident avait besoin, qu’il était le plus adapté et le plus proche de la culture et de la mentalité allemandes.
Fin connaisseur du christianisme et de ses doctrines et enfant de son histoire, il était convaincu à juste titre qu’en embrassant l’islam, il ne reniait pas sa filiation à Jésus et à son enseignement. Bien au contraire, sa façon profonde de comprendre l’islam a inscrit naturellement ce choix dans une réconciliation de toutes les dimensions de son être et de son histoire. Il disait à propos de sa conversion qu’il a gagné « Mohammed » sans renoncer ou perdre « Jésus ». C’est ce que disait une grande figure de l’islam européen Eva de Vitray- Meyerovitch (1909-1999), paix à son âme : « Quand on embrasse l’islam on n’abjure rien… »
Il rappelle ainsi cette vérité fondamentale d’une religion universelle proche de la prime nature de l’Homme et qui s’inscrit dans le long cycle de la Prophétie sans mystère, ni arrogance, ni prétention exclusiviste.