De la paix intérieure et avec les autres
Tisser, préserver, entretenir et cultiver les sentiments d’amour, de fraternité, vivre en union et en paix avec les autres n’est pas chose facile. Tout le monde le sait.
Les exemples sont très nombreux dans les rapports les plus divers. Les liens d’amitié, les relations entre fidèles musulmans travaillant ensemble dans un même cadre associatif, les rapports entre les époux, les liens familiaux, sont souvent mis à rude épreuve.
Ces expériences universelles, souvent douloureuses, laissent peu de chance d’en sortir sans souffrance, déceptions et déchirement.
Or, ces liens d’amitié, de fraternité, de parenté et in fine d’amour sont sans aucun doute ce que l’Islam encourage le plus. En effet, le cœur pur exempt de tout sentiment indigne, est le réceptacle de la grâce divine et c’est dans nos relations à autrui et dans la pureté et la bonté de nos cœurs que se lisent la vraie piété et la qualité de la relation à Dieu.
Soyez des adorateurs de Dieu et des frères… !
Cette injonction prophétique met en évidence le lien étroit qui existe entre la relation verticale nous liant à Dieu et la relation horizontale que nous partageons avec les hommes. Comme si nous ne pouvons être des dignes serviteurs de Dieu sans faire preuve de notre capacité à être de véritables frères/sœurs en Dieu.
Ainsi, ce que le Prophète (paix et bénédictions sur lui) recommanda à ses compagnons par dessus tout, ce qu’il leur enseigna sans relâche et appuya en toute circonstance, fut de scruter en permanence les sentiments profonds qui habitent leurs cœurs, de cultiver constamment l’amour, la bonté et le pardon. Lutter avec la plus grande fermeté contre les mauvais sentiments qui rongent les poitrines, noircissent les cœurs et empêchent la paix intérieure et avec les autres et par conséquent l’ascension du fidèle vers Dieu et vers les sommets de la perfection morale et éthique.
Le Messager de Dieu (paix et bénédictions sur lui) nous enseigna “que l’on n’a la Foi parfaite que lorsqu’on aime pour son frère ( sa sœur) ce qu’on aime pour soi-même” et nous exhorta avec la plus grande force : “Ne vous détestez pas, ne rompez pas vos liens, ne vous enviez pas, ne vous tournez pas le dos et soyez des serviteurs de Dieu et des frères” (1)
Notre intention dans le présent article n’est pas de proposer des techniques de communication, mais plutôt d’essayer d’éclairer, modestement, ce qui se passe dans le vécu intérieur de l’Homme lorsqu’il est confronté à autrui, et surtout à ses proches.
Cet article est parsemé de citations puisées à la sagesse universelle, empruntées à d’autres hommes musulmans (ou pas) qui étaient, au delà de la nature de leurs quêtes spirituelles ou philosophiques, confrontés aux mêmes soucis qui sont les nôtres et animés d’une même quête universelle : celle de la recherche de la complétude morale, de la perfection humaine et de la maîtrise de soi.
C’est surtout une invitation à méditer et à débattre d’un élément ô combien important à la fois pour notre spiritualité et pour notre vie sociale.
Dans une société qui ne cesse d’exalter l’individualisme et de cultiver l’égocentrisme, c’est aller effectivement à contre courant que de parler d’amour de son prochain, de don de soi, de recherche de la perfection humaine -qui est autre chose que la poursuite des penchants égoïstes- de la remise en question de soi au lieu de juger les autres, de l’examen de conscience au lieu de se complaire dans les apparences ; il n’en reste pas moins que c’est le prix à payer pour celles et ceux qui veulent Dieu dans la vie dernière et la paix ici bas.
Quelles conséquences ?
Cette fraternité, cette qualité relationnelle avec son prochain sont bien importantes puisque sans cette paix, il n’y a pas de vertu, il n’y a pas de cheminement spirituel possible, il n’y a pas de bonheur véritable. Une parole du Prophète (paix et bénédictions sur lui) illustre parfaitement ce sens sous forme d’une parabole : “l’envie consume les bonnes actions comme le feu consume le bois” (2); l’envie, une maladie parmi d’autres, et comme exemple de ces vices cachés, de ces sentiments dévastateurs qui habitent les cœurs et empêchent l’apaisement et la disponibilité à acquérir les vertus et à progresser dans la Foi véritable.
Un sage disait “Comment pourrait conserver la piété et la ferveur, l’esprit de recueillement et le goût de la foi, celui ou celle qui nourrit quelque sentiment d’aversion dans son cœur contre son frère ou sa sœur ?
Par quoi sera-t-il (elle) occupé(e) pendant le temps consacré à l’adoration, à la lecture, au travail ou à l’examen de sa conscience, sinon par la parole qu’il a entendue, par la réponse qu’il y a faite, ou qu’il fera à la première occasion afin de satisfaire son amour propre blessé ?
Par quoi sera-t-il occupé encore sinon par le souvenir d’une injure, d’un soupçon, d’un air de mépris, ou d’une certaine opposition qui a contrarié ses vues, et dont il désire triompher peu importe les moyens ?” (3)
Comment peut-on produire, innover, proposer, porter des projets lorsque les cœurs sont submergés par ces sentiments dévastateurs.
“Il ne peut y avoir de paix car le dialogue a fait place aux reproches amers et à la médisance ; la douceur à la plainte et aux murmures ; la patience à la rancœur, aux petites vengeances et à la jalousie ; l’humilité à l’orgueil, et au lieu du calme intérieur, est venu le trouble et l’inquiétude ?’’ (4)
Quelles sont les causes ?
1- Beaucoup de facteurs sont à l’origine de la discorde entre les hommes, le premier d’entre eux est le manque de lucidité quant à la réalité de notre nature profonde ;
2- On est moins attentif, moins vigilant sur nous-mêmes ; les hommes de Dieu disaient “celui qui parvient à se connaître (maîtriser les vices subtils de l’Ego), parviendra à connaître son Seigneur“. En effet, cette lucidité est une denrée rare et est difficilement réalisable étant elle-même le fruit d’un long travail spirituel exigeant et contraignant qui commence par abandonner son orgueil en cherchant la bonne compagnie et la compagnie des pieux.
3- Par ailleurs, nous exigeons que les autres soient sans défaut et nous ne corrigeons pas les nôtres, on ne les reconnaît même pas, on ne les voit pas.
4- Nous nions notre part de responsabilité; or “dans toutes les querelles qui divisent les hommes, il est bien rare que la raison et la justice soient d’un côté et tous les torts de l’autre, la réalité est que souvent il arrive que les deux parties aient des torts réciproques“(5). Confucius disait « le sage se demande à lui-même la cause de ses fautes, l’insensé le demande aux autres » (6)
5- “C’est une chose étrange que la sévérité excessive qui nous porte à l’intransigeance la plus absolue avec les autres, et la facilité non moins excessive avec laquelle nous savons justifier, et excuser tout ce qui est défectueux en nous“. (7)
6- Cette sévérité, cette intransigeance de l’Ego et cette facilité sont presque toujours injustes et source de haine pour le prochain qu’on accuse ; et une occasion d’orgueil, et d’aveuglement pour soi-même qu’on excuse. (8)
7- Cette sévérité dans nos rapports à nos proches qu’on justifie parfois, qu’on légitime est un triste signe de la superficialité de la Foi car “Dieu aime la bienveillance (la douceur, la délicatesse) dans toute affaire” et que “celui à qui manque la douceur se prive de tout bien” (9).
Quelles solutions ?
On ne peut venir à bout des maladies du cœur que par le dépassement de l’égoïsme individuel et la répression des instincts déréglés et des passions déchaînées.
D’aucuns conseilleront la lecture de livres spécialisés, ce qui est toujours utile à condition de ne pas perdre de vue que la science sans éducation n’est pas d’un grand secours si le fidèle n’est pas animé d’une grande sincérité pour se réformer. Au contraire, le savoir coupé de l’éducation ne fait que nourrir les vices qui nous habitent et renforcer l’aveuglement quant à nos propres défaillances.
Nous ne cesserons de rappeler que le point de départ de toute recherche spirituelle réside dans le compagnonnage spirituel, le miroir qui reflète nos réalités intérieures et nous transporte dans la voie de la réforme intérieure et de l’exigence avec soi.
Dans le giron de cette bonne compagnie dont d’aucuns pourront ne pas en voir l’utilité et en reconnaître le besoin par ignorance ou par arrogance ou parfois au nom d’un hypothétique cheminement solitaire à la carte: il faut tenir un programme spirituel, s’efforcer de s’acquitter de ses devoirs de piété, patiemment, assidûment…
Exalté soit le Nom de Celui qui a enseigné à l’Homme : « Fais taire ton impatience (en restant) avec ceux qui invoquent leur Seigneur matin et soir, aspirant à Sa Face. Que ton regard ne se détourne pas d’eux pour aller à la recherche du faux brillant de la vie sur terre. N’obéis pas à celui dont nous avons rendu le cœur imperméable à Notre Rappel, celui-là même qui ne suit que sa passion et dont le comportement est outrancier. » (10)
Encore faut-il ressentir le besoin de Dieu, avoir la soif de Sa proximité, et vaincre sa suffisance.
Louanges à Dieu, le Seigneur des mondes, que la grâce et la paix de Dieu soient sur notre Prophète bien aimé, sur sa famille, ses compagnons et ses frères (12)
Références :
1) Hadith unanimement reconnu authentique
2) Hadith : voir le livre : “Revivification de la spiritualité musulmane” ; Traduction de Mohamed Al Fatih ; Editions Iqra
3) L’imitation de Jésus -Christ méditée. F Herbert ; Troisième édition Tome 1 ; Chez Jacques Le coffre, libraires ; 1846
4) idem
5) idem
6) Oser la relation ; Exister sans écraser ; Isabelle et Bruno Eliat-Serk ; Editions Fidélité, 2006 ;
7) F Herbert ; déjà cité
8) Idem
9) Hadiths authentiques
10) Sourate Al Kahf (La Caverne)
11) La méditation de la vie de cette grande figure de la science et de spiritualité musulmanes est très utile pour ceux et celles qui aspirent à vivre l’expérience spirituelle
12) Le Prophète (paix et bénédictions sur lui) avait dit un jour : « Me sera-t-il donné de voir mes frères ? Mais, nous sommes là, Ô Prophète ! Répondirent ses compagnons. Non, vous, vous êtes mes compagnons. Mes frères sont ceux à venir qui m’aimeront et croiront en Dieu et en Son Messager sans m’avoir jamais vu. »
Assalamou’alaykoum mon frère,
que Dieu te bénisse et qu’Il te préserve, ainsi que chaque membre de notre école de pensée…Je ne peux rester insensible à ton beau rappel….Dieu est témoin qu’il me va droit au coeur! et que les larmes ne cessent de couler… et je prie Dieu Le Tout Puissant que chaque frère et soeur qui le liront, soient touchés de la meilleure des façons! Certes l’être humain est faible ; mais soyons FORTS entre frères et soeurs…Que Dieu te récompense la meilleure des récompenses Inchaallah. Salama’laykoum