Le temps d’un voyage : un moment de convivialité ?
Je prends place dans le train ! Une dame vient s’asseoir près de moi, nous échangeons un bonjour. Les voyageurs prennent place, je cherche un regard, un sourire… Non pas que je me sente seule mais plutôt parce que le contact avec les autres est un tel enrichissement que l’on ne devrait pas s’en priver !
Je trouverai sur le visage d’une jeune femme face à moi un sourire timide, casque sur les oreilles, elle finit par fermer les yeux… Elle les rouvrira de temps en temps pour regarder son téléphone !
Son voisin également a le nez sur son écran, un voyageur un peu plus loin regarde un film sur son ordinateur, casque sur les oreilles pour ne pas gêner… Je regarde un peu plus devant et vois un homme lisant son journal, un couple qui discute en regardant un magazine et puis de nouveau des téléphones, des casques, des écrans… Chacun dans sa bulle, chacun dans son cocon… ! Je ne juge pas, je constate juste.
Je continue à chercher du regard un sourire, une opportunité d’échanger, de dialoguer… Malheureusement à mon grand regret, personne !
C’est là que je me mets à imaginer ce qu’étaient les voyages avant internet, avant les téléphones mobiles… Des gens qui échangent, qui se sourient, qui discutent et se regardent !
J’imagine des regards puis un sourire et enfin des discussions à n’en plus finir. Entendez-vous ces éclats de rire, ce brouhaha dans le train que prenaient nos parents, grands-parents ? Ils avaient eux aussi des vies difficiles mais les transports en commun étaient un moment de rencontres et de discussions. Ils n’avaient pas d’écrans pour passer le temps. Voyez ce wagon où les gens lisent leurs journaux et échangent sur ce qu’il se dit de bon et de moins bon. Ces lecteurs assidus qui tournent les pages de leurs livres à une allure lente contrastant avec la vitesse des TGV. Des enfants qui posent des questions aux parents et ces derniers qui y répondent car nullement absorbés par leurs téléphones ou par leurs ordinateurs.
Fermons les yeux et imaginons ce qu’étaient les voyages d’antan où la moindre minute, chaque instant, chaque voyage étaient une opportunité pour créer du lien. Il devait bien y avoir avant cette prolifération d’écrans des moments de ” rencontres ” dans les transports en commun, mais également dans les salles d’attente ! Chaque fois que je me rends chez le médecin, je vois tous nos jeunes, et moins jeunes d’ailleurs, téléphone à la main ne voyant plus ceux qui les entourent, les opportunités d’échanges et de discussions avec de parfaits inconnus se font rares ! Heureusement, les personnes âgées en sont épargnées et c’est souvent avec elles que l’échange se fait !
Ces rencontres d’un instant, d’un moment qui permettent de voir d’autres horizons, d’autres façons d’être ou de voir le monde ! Ils existent lorsque nous voyageons et devraient être une véritable chance à saisir ! Ces personnes que nous ne reverrons certainement jamais, mais qui auront fait partie de notre histoire le temps d’un voyage…
Notre monde a-t-il perdu quelque chose de précieux ? Cette envie de découverte non seulement d’autres paysages mais également de découverte d’autres âmes ? Créer du lien, échanger un regard, un sourire, parler politique, enfants, soleil ou mauvais temps ? Le nez dans nos écrans, serions-nous en train de préparer à nos enfants un monde dans lequel nous ne prenons plus le temps de découvrir les autres, de voir ce qui nous entoure, de créer une relation le temps d’un instant ?
Il me semble même que nous créons un monde où l’on a peur de l’autre ! Je revois ce regard presque apeuré lorsque j’eus à demander un renseignement à une dame durant mon court voyage… Un regard inquiet, inquisiteur, étonné… Les gens fonçaient vers leurs destinations, pressés, sans jamais se retourner…. Je donnais peut-être la même image à vrai dire, qui sait ? Vivons-nous dans un monde où si un étranger s’approche de nous, c’est qu’il est mal intentionné ? On crée de la peur, de la haine et du rejet par le biais des médias et de la télé. On nous pousse à foncer non par vers un sommet commun en se tenant tous ensemble par la main mais plutôt chacun dans une direction opposée, ne se retournant pas, ne discutant pas et se méfiant les uns des autres…
Si les nouvelles technologies ont apporté du bon à notre monde, je pense qu’elles ont également fermé des portes qu’il est urgent de rouvrir pour ne pas laisser à nos enfants un monde où le nez dans les écrans, ils passeraient auprès de rencontres d’un instant, d’un moment, d’un voyage. Et si l’on veut nous pousser à avoir peur les uns des autres, œuvrons pour laisser à nos enfants un monde où l’on a soif d’aller les uns vers les autres.