«Je préfère mourir chez moi, à Gaza, plutôt qu’en exil»
LUXEMBOURG/GAZA – Attendu au Luxembourg, samedi, pour participer à une conférence sur la Cour pénale internationale, annulée depuis, Ziad Medoukh, habitant de Gaza et enseignant de français, raconte à «L’essentiel» son quotidien dans l’enclave palestinienne, pilonnée sans relâche depuis douze jours par l’armée israélienne.
Vous deviez être le grand témoin d’un colloque sur la Cour pénale internationale, samedi, à l’Abbaye Neumunster, mais la situation ne le permet plus. Pouvez-vous nous décrire la situation dans la ville de Gaza ?
“C’est une horreur, à tous les niveaux. Les bombardements ne s’arrêtent pas, personne n’est à l’abri de cette folie meurtrière. J’ai passé ma vie ici, j’ai vécu plusieurs guerres mais je n’ai jamais rien vu de tel. La population est sous le choc, elle est affamée et vit dans une angoisse constante. Les hôpitaux sont débordés et ne peuvent plus accueillir de blessés. Nous avons quelques heures d’électricité par jour, nous rechargeons nos téléphones chez des voisins qui ont des panneaux solaires ou dans des centres d’accueil “.
L’armée israélienne a demandé à la population d’évacuer vers le sud. Vous n’avez pas suivi cette recommandation…
“J’ai envoyé ma femme et mes enfants vers le sud, après huit jours de guerre, mais j’ai décidé de rester ici. Je prône la résistance non violente. Rester chez moi, attaché à ma maison, cela correspond à mes principes. Des gens ont tenté de fuir vers le sud mais se sont fait tuer sur les routes désignées pour ces évacuations. Personne n’est à l’abri. Je ne veux pas quitter la ville de Gaza. Je ne veux pas vivre une deuxième nakba (NDLR: catastrophe: le nom donné à l’exil forcé des Palestiniens en 1948). Je préfère mourir chez moi, debout, plutôt qu’en exil.”
À quoi ressemble votre quotidien ?
“Gaza est une ville déserte. Il n’y a plus rien. Je sors deux fois par semaine pour acheter de la nourriture, car les derniers magasins sont éloignés. Je marche entre les ruines pour m’y rendre. Tout est détruit. Des routes sont coupées, des quartiers sont rasés. Quelques habitants ont aussi choisi de rester. Il y a des explosions toutes les deux minutes. Nous n’avons jamais vu une situation pareille.”
Comment les gens essayent-ils de se protéger ?
“Il n’y a pas d’abris contre les bombardements. Les personnes qui sont au sud s’entassent dans des maisons et des appartements, d’autres vont dans des écoles et des hôpitaux, mais je le répète, personne n’est à l’abri. Il n’y aura bientôt plus rien à Gaza, plus d’eau, plus de nourriture, plus de médicaments. La situation humanitaire est dramatique. L’armée israélienne veut semer la terreur et mettre sous pression la population civile.”
Nous sommes au lendemain d’une frappe meurtrière sur l’hôpital Al-Ahli Arabi de Gaza qui a choqué la communauté internationale.
“Ce sont des scènes d’horreur auxquelles nous assistons. Cette attaque est la plus dure, la plus violente, la plus meurtrière jamais vécue par les Palestiniens. Tous ces gens pensaient avoir trouvé refuge dans cet hôpital populaire, qui accueillait de nombreuses familles déplacées. Aujourd’hui, ils sont morts. Personne n’est épargné. Personne.”
L’armée israélienne dément être l’auteur du tir et accuse le Jihad islamique.
“C’est insupportable. Nous sommes habitués à la propagande de l’armée israélienne. Ils disent qu’ils cherchent à éradiquer le Hamas mais ils visent des civils. Cela fait partie des mensonges qu’ils utilisent pour justifier les bombardements. Les roquettes artisanales du Jihad islamique ne font jamais de tels dégâts. Ici, tout le monde le sait.”
Comment envisagez-vous les prochains jours?
“Seule la communauté internationale peut mettre fin à ce bain de sang. L’ONU, les États-Unis, l’Union européenne. Ils ne doivent plus cautionner ces crimes. Ils doivent sauver les enfants, les civils, sauver la paix et la stabilité.”
Quel contact avez-vous avec le monde extérieur?
“Je reçois des messages de mes amis à l’étranger, qui me font chaud au cœur et qui me donnent du courage. Les Gazaouis reçoivent des milliers de messages de soutien et de solidarité. Nous voyons aussi les mobilisations des citoyens dans le monde entier. Tout cela nous aide un peu à garder espoir.”
Source : «Je préfère mourir chez moi, à Gaza, plutôt qu’en exil» – L’essentiel (lessentiel.lu)