Sécurité des musulmans, statut de l’imam, structuration… ce qu’il faut retenir de la session 2 du Forum de l’islam de France
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a félicité, lundi 26 février, la « très bonne dynamique » engagée dans l’organisation du culte musulman à l’occasion de la deuxième session du Forum de l’islam de France (Forif). Pour le lancement des travaux, le locataire de la Place Beauvau a fixé de nouvelles feuilles de route et a plaidé pour une structuration du Forif.
Un an après la réunion en grande pompe organisée à l’Élysée, avec Emmanuel Macron en maître de cérémonie, Place Beauvau a accueilli, lundi 26 février, la deuxième session de travail du Forum de l’islam de France (Forif). Annoncé une semaine plus tôt aux participants – en dernière minute à la presse –, le rendez-vous était attendu depuis des mois, mais décalé à ce début d’année 2024 une fois passé, nous dit-on au ministère, les âpres débats autour de la loi Immigration. Le mois du Ramadan approchant à grands pas, il devenait urgent de l’organiser. C’est chose faite.
En présence de 86 acteurs religieux et associatifs musulmans – 20 % de femmes – dont 36 nouveaux participants venus de toute la France, Gérald Darmanin est venu clôturer cette journée destinée à dresser un nouveau bilan d’étape pour la plateforme de dialogue. Un bilan des plus positifs du côté du ministère de l’Intérieur, qui se dit convaincu que « la démarche du FORIF est la bonne » et « donne le ton à une relation saine, stable et durable » entre l’Etat et les musulmans de France.
Deux nouveaux groupes de travail lancés
Le FORIF est fait « pour produire des résultats, concrets et utiles » aux diverses problématiques qui traverse le culte musulman, a insisté le ministre, citant notamment les problèmes « trop fréquents » d’accès aux comptes bancaires ou encore d’accès aux assurances pour les associations cultuelles. « Grâce à l’intervention du ministère de l’Intérieur, le FORIF a ainsi permis de tisser un partenariat avec la Fédération bancaire française, ce qui a permis de débloquer certaines situations », a-t-il signalé, espérant la même issue avec les acteurs du monde des assurances.
« Pour 2024, le FORIF ouvre un nouveau cycle qui sera celui de nouvelles réalisations dans lesquelles l’Etat prendra toute sa part, dans le respect plein et entier du principe de laïcité », a assuré Gérald Darmanin. De nouvelles feuilles de route ont ainsi été fixées aux groupes de travail. Aux quatre toujours opérationnels, deux nouveaux ont fait leur apparition : l’un dédié au financement des associations cultuelles, l’autre à la structuration territoriale et inter-associative.
La lutte contre les actes antimusulmans érigée en « priorité évidente »
A deux semaines du Ramadan, la sécurité des lieux de culte et de leurs fidèles a été présentée comme « une priorité évidente pour le ministre de l’Intérieur ». Ce dernier a salué la création, « avec le soutien de l’Etat », de l’Association de défense contre les discriminations et actes antimusulmans (ADDAM), présidée par Bassirou Camara, en vue d’assurer « une meilleure remontée auprès des autorités des actes antimusulmans qui sont manifestement encore sous-estimés ».
Le bilan de l’année 2023 fait état de 242 actes de haine (+ 30 % par rapport à 2022) dont plus de la moitié ont été commis au cours du dernier trimestre, « ce qui qui montre que le conflit au Proche-Orient a des résonnances évidentes sur notre sol ». En signe de confiance, ADDAM pourrait signer une convention-cadre avec le ministère de l’Intérieur « après le Ramadan, d’ici à l’été », a déclaré à Saphirnews Gérald Darmanin.
« Pour lutter contre ce phénomène intolérable » des actes antimusulmans, il a annoncé le doublement de l’enveloppe consacrée à la sécurisation des mosquées, qui passera ainsi de 500 000 € à un million d’euros par an, « de manière à assurer le financement de 100 % des projets répondant à des besoins de sécurité expertisés par les policiers et les gendarmes ».
« Il y aura désormais un statut de l’imam en France »
Sur la question des carrés confessionnels, le ministre des Cultes a indiqué sa volonté de faire en sorte « d’ici le 1er juillet », et après consultation de l’Association des maires de France, que « l’accès à une sépulture ne soit plus un sujet pour nos compatriotes, quelle que soit leur religion et en respectant leurs demandes ». Autre annonce, la création prochaine du Conseil national de l’aumônerie musulmane (CNAM), qui permettra « la nomination aux postes d’aumônier national et la mise à disposition de ressources pour les aumôniers musulmans au service des détenus, des personnes hospitalisées ou des militaires ».
« Il y aura désormais un statut de l’imam en France », a affirmé Gérald Darmanin, qui a demandé au Forif de travailler « sous six mois » à la création d’un statut visant notamment à assurer une meilleure protection sociale aux imams. Il a aussi plaidé pour le renforcement d’une offre de formation théologique sur le sol français, « ce qui n’est pas le rôle de l’Etat » : « A l’Etat la formation à ce qui fait la France et sa spécificité, notamment dans le dialogue entre l’Etat et les cultes ; à vous la formation théologique et spirituelle des imams. »
Un cadre mis en place pour mettre fin aux imams détachés
La fin du système des imams détachés en avril ne signifie pas, dit-il, qu’il n’y aura plus d’imams étrangers en France à trois conditions : qu’ils soient directement employés comme salarié par un lieu de culte et non par une fédération, qu’ils parlent français et qu’ils valident un diplôme « Laïcité, fait religieux et citoyenneté », délivré par une trentaine d’établissements universitaires en France.
Sur les quelque 300 imams détachés recensés en France en 2023, entre 100 et 200 sont dans les clous ou vont l’être prochainement, tandis qu’une centaine d’autres sont repartis dans leur pays d’origine. « Je remercie d’ailleurs l’Algérie et le Maroc qui se sont déjà engagés dans ce chemin », a indiqué Gérald Darmanin, déclarant à la presse, en marge du discours, que le dialogue avec la Turquie concernant les imams détachés n’est « pas abouti ». « Mais j’ai évidemment tout à fait confiance dans le fait que, comme l’Algérie et le Maroc, la Turquie va respecter les lois de la République et si jamais cela ne peut pas être le cas, nous mettrons évidemment fin à la présence de ses imams en France », a-t-il averti.
Le Forif encouragé à se structurer en fédération
Le Forif, qui se renforce à mesure que la départementalisation du culte musulman s’opère, n’est aujourd’hui pas un espace formel de représentation des musulmans ou du culte musulman. Finira-t-il par le devenir ? L’autre fait marquant de la deuxième session du Forif, c’est le plaidoyer du ministre pour une structuration du forum en « fédération des associations musulmanes », à l’image de la Fédération protestante de France (FPF). S’il s’agit d’un « bon modèle » à ses yeux, « ce n’est pas à l’Etat de l’organiser ».
Avec le Forif, « il ne s’agit pas de refaire ce qui a clairement échoué et qui n’était plus en mesure de répondre à des besoins des musulmans », a appuyé Gérald Darmanin, sans citer le Conseil français du culte musulman (CFCM) dont il ne veut plus entendre parler mais qui n’est pas prêt de disparaître du paysage de l’islam de France. Le Forif est « incontestablement l’instance la plus représentative » des musulmans de France, a-t-il fait valoir.
Du côté de plusieurs responsables associatifs interrogés par nos soins, la structuration du Forif en instance representative n’est pas une priorité du moment. Ceci dit, ils sont conscients que la question finira bien par devenir centrale, l’Etat ayant besoin d’un interlocuteur officiel musulman. Des mots d’un cadre religieux venu de province, « il faut d’abord continuer à produire des choses concrètes pour les musulmans, leur montrer que ce que nous faisons est tangible » pour « gagner la confiance » du plus grand nombre possible de musulmans.