“Séparatismes” : “Si jamais c’est encore pour se défouler sur les musulmans c’est catastrophique”, prévient la sociologue Agnès De Féo
“Si jamais c’est encore pour se défouler sur les musulmans c’est catastrophique”, prévient sur franceinfo Agnès De Féo, sociologue et réalisatrice de documentaires, auteure de Derrière le niqab (aux éditions Armand Colin), alors qu’Emmanuel Macron a dévoilé vendredi 2 octobre son plan d’action “pour mieux protéger la République contre les séparatismes”, principalement celui de l’islamisme radical.
Dans son discours, Emmanuel Macron a présenté un plan en cinq axes, “qu’il a nommé lui-même ‘les cinq piliers’, qui peuvent faire référence aux cinq piliers de l’islam. C’est bizarre, je ne sais pas à quel jeu il joue”, s’inquiète Agnès De Féo, qui a rencontré de nombreuses femmes voilées pour son livre. La sociologue craint qu’après le discours du président de la République “on retombe dans une boucle infernale dans les médias, qui vont parler de ce ‘problème de l’islam'”, considérant que “l’islam est à chaque fois vu comme un problème”.
Le risque de stigmatiser les femmes voilées ?
“Il faudra voir comment les médias vont traiter cette loi. S’ils ne reçoivent que des partisans de l’extrême droite ça va être catastrophique”, prévient la sociologue, qui explique que les femmes qui portent le voile témoignent auprès d’elle “d’insultes et de menaces physiques chaque fois qu’il y a une polémique sur l’islam” et que “la politisation du port du foulard intervient dans un second temps, une fois que les femmes se sentent stigmatisées” et qu’elle “concerne souvent de jeunes françaises, converties, qui n’ont rien à voir avec les quartiers sensibles”.
“D’un côté il avait de bonnes intentions, et de l’autre il a fait le jeu de la paranoïa française contre toutes ces manifestations qui sont inoffensives au départ, comme la barbe ou le port du voile, qui vont déchainer les passions contre des individus qui n’ont rien demandé”, souligne Agnès de Féo, tout en notant de “nombreux amalgames” dans le discours d’Emmanuel Macron.
“Pour moi, le séparatisme est une création des gouvernements successifs, qui ont légiféré contre le voile, à partir de 2004. Cette loi a exclu les jeunes filles voilées de l’école sous prétexte qu’elles avaient un signe ostentatoire de religion”, explique-t-elle, estimant que “les écoles privées ont été créées pour répondre à cela”.
“J’ai beaucoup de cas parmi les femmes qui portent le niqab ou qui l’ont porté, qui ont déscolarisé leurs enfants. Elles le font parce qu’elles ne peuvent plus les accompagner à l’école, parce qu’elles sont stigmatisées, insultées”, décrit la sociologue, ajoutant que “le président n’a jamais parlé du problème de l’islamophobie, publique, dans les médias, chez des députés ou des élus”.