Séismes en Turquie et en Syrie : la solidarité internationale à l’épreuve des enjeux géopolitiques
Les images qui nous parviennent depuis la Turquie et la Syrie donnent un triste aperçu du chaos et de la désolation causés par les puissants séismes du lundi 6 février. Alors qu’une course contre la montre est engagée pour retrouver des survivants ensevelis sous les décombres de milliers de bâtiments, l’aide internationale s’organise tant bien que mal selon les pays dont l’un, la Syrie en l’occurrence, est frappé par des sanctions internationales.
Plusieurs jours après les tremblements de terre qui ont touché le sud-est de la Turquie et le nord de la Syrie, le nombre de victimes dépasse les 17 000 morts,* selon les derniers bilans officiels publiés jeudi 9 février. Un bilan forcément provisoire qui devrait malheureusement « grimper considérablement car des centaines de personnes restent piégées sous les décombres », ont fait savoir les Casques blancs, la Défense civile syrienne, dans les zones rebelles.
Ce triste constat est d’autant plus probable que le mauvais temps et le froid compliquent la tâche des sauveteurs, sans parler de la situation géopolitique locale. Dès mardi 7 février, un appel du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU a souligné la difficulté de la tâche : « Il est impératif que tout le monde considère cette situation pour ce qu’elle est, une crise humanitaire où des vies sont en jeu. S’il vous plaît, ne la politisez pas. » La zone principalement touchée est en effet au cœur de multiples crises et tensions d’une région déchirée par douze années de conflit.
Si les appels à la solidarité internationale lancées par la Turquie ont été immédiatement entendus, la demande d’aide présentée mercredi 8 février par le régime de Bachar Al-Assad suscite encore le malaise de la communauté internationale. De nombreux pays, à commencer par les nations occidentales, ont en effet rompu toute relation diplomatique avec la Syrie et craignent un détournement des fonds destinés aux civils. « Nous demandons à la communauté internationale d’assumer ses responsabilités à l’égard des victimes civiles. Il faut que des équipes internationales de sauvetage entrent dans nos régions », a réclamé le porte-parole des Casques blancs, Mohammad al-Chebli.
Une conférence des donateurs convoquée pour mars
« Nous partageons cette demande avec les États membres de l’UE et nous les encourageons à apporter l’aide demandée », a alors fait savoir le commissaire européen en charge des crises, Janez Lenarcic, tout en précisant qu’il est « important de s’assurer (…) que cette aide va aux personnes qui en ont besoin, et qu’elle n’est pas détournée. C’est quelque chose que nous allons surveiller ». La Commission européenne a ainsi annoncé l’octroi d’une enveloppe de 3,5 millions d’euros d’aide humanitaire d’urgence en faveur de la Syrie « destinée, d’une part, à aider les personnes dans le besoin à avoir accès à un abri, à de l’eau, à des services d’assainissement et de soins de santé, ainsi qu’à divers produits qui leur font actuellement défaut, et, d’autre part, à soutenir les opérations de recherche et de sauvetage ».
Pour la Turquie, l’assistance immédiate est bien plus importante. Outre l’enveloppe « initiale » de 3 millions d’euros d’aide d’urgence « permettant d’intensifier les efforts déployés dans le pays », 31 équipes de recherche et de sauvetage et cinq équipes médicales ont été offertes par 20 États membres de l’UE, ainsi que par l’Albanie, le Monténégro et la Serbie par l’intermédiaire du mécanisme de protection civile de l’UE. Ces équipes sont composées au total de plus de 1 500 secouristes et d’une centaine de chiens pisteurs.
Mercredi 8 février, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, et le Premier ministre de Suède, Ulf Kristersson, qui occupe la présidence du Conseil de l’Union européenne, ont annoncé leur intention d’organiser une conférence des donateurs, en coordination avec les autorités turques, afin de mobiliser des fonds en provenance de la communauté internationale. Cet événement est prévu à Bruxelles au cours du mois de mars et accueillera des représentants des pays membres de l’UE ainsi que des pays voisins.
Les ONG françaises au front
Très tôt, les ONG humanitaires se sont mobilisées pour venir en aide aux populations touchées. C’est le cas d’Alliance Urgences qui a lancé, lundi 6 février, un appel à la solidarité pour porter secours aux victimes, grâce à la présence sur le terrain d’Action Contre la Faim, Care, Handicap International, Médecins du Monde et Solidarités International.
Même chose pour des centaines d’organisations caritatives, de la plus grande à la plus petite, comme le Secours islamique France. « En toile de fond, le chaos est total, le premier tremblement de terre d’une magnitude de 7.8 sur l’échelle de Richter et ses répliques ont provoqué la destruction d’innombrables immeubles clés et de logements. Les besoins humanitaires sont immenses, et les autorités locales sont pessimistes, tant le froid glacial complique l’organisation des secours », souligne le SIF, qui s’emploie à déployer en Syrie, où des équipes sont basées depuis 2011, « une première action d’urgence pour 27 500 personnes ».
Dignité International, qui a fait savoir qu’elle a débloqué un fonds d’aide d’urgence, a aussi lancé un appel à la solidarité de ses donateurs pour venir en aide aux victimes de cette catastrophe sur le terrain. Dans un autre champ, Secouristes sans frontières a appelé à la générosité des donateurs pour appuyer leurs équipes arrivées sur place. Celle-ci « ne pouvait que se mobiliser immédiatement pour aller porter secours aux populations, compte tenu de plus de 44 ans d’expérience en sauvetage déblaiement, notamment en Turquie lors des séismes de 1999 » qui avait fait plus de 17 000 morts. Un bilan que les derniers séismes ont désormais dépassé.*
Des prières de l’absent en mémoire des disparus seront célébrées, vendredi 10 février, dans de multiples mosquées à travers le monde, y compris en France, où les communautés turques et musulmanes s’organisent aussi pour apporter leur pierre à l’édifice de l’indispensable solidarité en faveur des populations sinistrées des deux pays.
Mise à jour vendredi 10 février : Le bilan toujours provisoire s’élève à plus 22 300 morts dont près de 19 000 en Turquie.