Le prédicateur musulman Hassan Iquioussen sous la menace d’une expulsion
Hassan Iquioussen risque l’expulsion vers le Maroc. La préfecture du Nord refuse au prédicateur musulman, pourtant né en France, le renouvellement de sa carte de séjour.
La surprise est de taille et suscite tant l’émoi que l’incompréhension parmi les musulmans de France en plein cœur de l’été. Une procédure d’expulsion a été engagée par la préfecture du Nord à l’encontre du prédicateur musulman Hassan Iquioussen. Cette figure de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), devenue Musulmans de France, devenue star de la prédication en France ces dernières décennies, est dans la tourmente administrative. Dans une vidéo d’une dizaine de minutes dans laquelle le prédicateur appelle au soutien face à « l’injustice » qu’il subit et parvenue à la rédaction de Saphirnews lundi 25 juillet, il affirme être présenté par les autorités comme « une menace pour la sûreté de l’Etat ». Il indique avoir été informé de cette nouvelle le 3 mai, au lendemain de l’Aïd al-Fitr signant la fin du Ramadan.
Le ministre de l’Intérieur soutient lui-même sans réserve son expulsion. « Ce prédicateur tient depuis des années un discours haineux à l’encontre des valeurs de la France, contraire à nos principes de laïcité et d’égalité entre les femmes et les hommes. Il sera expulsé du territoire français », affirme Gérald Darmanin jeudi 28 juillet via Twitter.
Des accusations que Hassan Iquioussen réfute catégoriquement dans un court communiqué paru le même jour. « Depuis près de 40 ans, je m’attelle à la diffusion d’un islam authentique empreint d’amour et de tolérance. Dans mes interventions, j’ai toujours eu à cœur d’enseigner que le musulman français peut vivre pleinement sa foi dans le cadre des lois de la République. Aujourd’hui, il m’est reproché de tenir des propos discriminatoires voire violents, ce que je conteste avec force. Mon discours et mon travail de terrain sont là pour le prouver », fait-il savoir.
« Je suis Français de fait »
Alors que Hassan Iquioussen, 58 ans, est né à Denain, dans le Nord, il n’a aujourd’hui pas la citoyenneté française. L’homme, qui vit toujours dans la région, est seul détenteur de la nationalité marocaine et d’une carte de séjour de dix ans dont le renouvellement lui est aujourd’hui refusé. Dans la vidéo citée plus haut, il s’en explique : « Mon père, à ma majorité, m’a pris par la main ainsi que mes sœurs et mon frère pour nous faire déchoir de cette nationalité en pensant qu’il n’était pas possible de garder son identité spirituelle et culturelle tout en étant Français. » Une vision à laquelle il n’adhère pas. Il fera par la suite une demande de recouvrement de nationalité qui sera « ajournée » puis une nouvelle en 1999 qui sera « refusée », « sous prétexte (qu’il a) des liens très forts avec une organisation qui serait (…) intégriste », à savoir l’UOIF.
« Je suis Français de fait. Je suis Français dans le cœur et dans l’âme, dans la pensée et dans ma culture. Malheureusement, je subis une injustice puisqu’on m’a privé de ma nationalité et aujourd’hui, on veut me priver de mon pays, de ma région, on veut m’éloigner de ma femme, de mes enfants (au nombre de cinq, ndlr) et de mes petits-enfants (quinze, ndlr), ce que je considère être une injustice », lance le prédicateur, qui assure avoir toujours défendu « un islam qui doit se vivre dans son contexte culturel (ici français), qui appelle à la rationalité et à une pratique mesurée ».
De lourdes accusations à son encontre
Déclarant avoir « toujours combattu toute forme d’extrême », il martèle aussi son opposition à l’antisémitisme, déplorant l’amalgame qui est fait avec l’antisionisme. « Mon combat depuis ces 40 dernières années est un combat de justice. J’ai toujours défendu la cause palestinienne qui, à mon avis, est une cause juste. (…) C’est vrai que j’ai tenu lors d’une conférence sur l’injustice subie par le peuple palestinien dans les années 2000 des propos qui ont été vexants et qui ont touché une partie de la communauté juive. J’ai fait mes excuses. »
Ce n’est pas l’avis de la préfecture du Nord, à l’origine d’un dossier « accablant », fort de positions présentées comme graves « sur un certain nombre de sujets de société, dont la laïcité, les rapports entre la charia et les lois de la République ou l’égalité entre les sexes », selon Le Point. Une fois convaincue, la commission d’expulsion des étrangers a donné un avis favorable à l’expulsion le 22 juin. Déclarant être la cible d’un « acharnement administratif de la part du préfet » qui refuse de lui renouveler sa carte de séjour, Hassan Iquioussen affirme, au-delà de son attachement à la France et à la laïcité « qui nous permet de pratiquer notre religion en toute liberté », sa « confiance en la justice et (en ses) conseils afin d’annuler cette procédure d’expulsion ».
Hassan Iquioussen est accusé de « provocation explicite et délibérie à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ». « Il convient de rappeler que la menace s’apprécie, par définition, au regard de son actualité. Or, les propos que le Préfet du Nord reproche à M. Iquioussen datent notamment d’une conférence de 2000, et ce n’est que 22 ans plus tard que Georges-François Leclerc et Gérald Darmanin ont jugé pertinent de s’en alarmer, alors que jamais aucune procédure pénale n’a été diligentée à l’encontre de l’imam », note son avocate Lucie Simon, qui déplore un « opportunisme politique » s’inscrivant « dans un climat nauséabond qui vise une minorité religieuse ».
Elle signifie aussi que, contrairement à l’annonce faite par le ministre sur Twitter, « aucun arrêté d’expulsion ne lui a encore été notifié et que c’est la justice qui décidera en dernier ressort de son éloignement ». Une telle décision serait « contraire au droit de Hassan Iquioussen à mener une vie privée et familiale normale en ce qu’il est né en France, ne l’a jamais quittée et y a son entière famille », d’autant qu’il ne représente « aucune menace grave pour l’ordre public ». Par ailleurs, la famille se déclare inquiète « qu’en cas de retour au Maroc, ses prises de position politiques mettent sa vie en danger ».