Pour un Ramadan responsable et vigilant face au Covid-19
C’est un nouveau mois de Ramadan qui est marqué cette année du sceau de la crise sanitaire, à ceci près qu’il se déroule pendant la campagne vaccinale, lancée en France avec difficulté et suscitant des interrogations (vite répondues) autour de l’administration du vaccin en plein jeûne. Une période durant laquelle tout un chacun est appelé à ne pas diluer sa responsabilité dans celle des autres.
Un an est passé depuis l’apparition du Covid-19 en France, et l’épidémie n’a malheureusement pas été vaincue, loin de là. Les hôpitaux ont du mal à faire face à la troisième vague, avec un nombre de malades admis en réanimation en constante hausse, le nombre de morts aussi, près de 100 000 à ce jour.
Alors que plusieurs pays européens ont adopté très tôt des mesures strictes pour lutter contre la propagation du virus et de ses variants, la France a fait preuve jusque fin mars d’une souplesse dans la mise en œuvre du troisième confinement territorialisé, suscitant une pluie de critiques dans les rangs d’un corps médical très inquiet. Un confinement strict, comme celle que les Français ont connu au printemps 2020, pour inverser la tendance face une situation critique est-il l’unique solution ? Pour Emmanuel Macron, c’est non, faisant le choix fin mars d’une voie intermédiaire, alliant l’établissement de mesures à la fois strictes et souples.« Nous faisons le choix de la confiance », avait alors indiqué le président de la République.
Un Ramadan en pleine troisième vague brutale
Quelles que soient les décisions prises, le retour à la vie normale n’est pas à l’ordre du jour d’ici l’été. Entre-temps, ce sera un deuxième mois du Ramadan que les musulmans de France auront effectué en temps de crise sanitaire. Alors que cette période est propice aux rassemblements familiaux et religieux les soirs, il faudra faire sans ou avec un nombre très limité de personnes, jusqu’à six dans les espaces privés, recommandent les autorités.
Rien que d’y penser, Samia en « déprime » mais la raison revient vite à elle. Pharmacienne à Massy, en région parisienne, elle observe de près les ravages provoqués par la troisième vague : elle dénombre « une quarantaine de morts » dans sa patientèle depuis le début de la crise et « la plupart d’entre eux sont décédés depuis le mois de février », s’attriste-t-elle.
Donner la primauté à la vie
Alors Ramadan doit encore rimer cette année avec prudence et vigilance. Quand bien même un confinement strict n’est pas décrété, à chacun d’être responsable pour ne pas aggraver la situation. Car les contaminations se nourrissent des contacts humains : plus ces derniers sont nombreux, plus les cas augmentent et la circulation active des variants n’arrange rien. « En cette période marquée par de nombreuses fêtes religieuses (en référence au Ramadan mais aussi à Pâques en avril, ndlr), je sais aussi compter sur vous pour éviter, comme à Noël, les rassemblements privés. C’est lors de ces occasions que nous nous contaminons le plus. Il faut donc faire cet effort », a appuyé le chef de l’Etat.
Les mosquées sont des lieux de rassemblements habituellement très fréquentées pendant les soirs du Ramadan. Avec le couvre-feu sanitaire imposé en France, les deux prières du soir (maghreb et icha) et les prières surérogatoires du Ramadan (tarawih), ne sont plus possibles en collectivité.
En tant que président du CFCM, Mohammed Moussaoui exclut toute demande de dérogation auprès des pouvoirs publics pour une ouverture le soir des lieux de culte. « Le culte musulman s’honore d’avoir fixé un principe directeur immuable qui donne la primauté à la vie face à toute autre considération et de le respecter en toute circonstance en s’appuyant uniquement sur son appréciation éclairée par les avis médico-scientifiques et sur ses moyens et ses capacités à garantir la sécurité sanitaire de ses fidèles », déclarait-il lors du Ramadan 2020. Des propos d’actualité et auxquels l’écrasante majorité des responsables de mosquées souscrit sans mal par sens actif des responsabilités.
Pour Sadek Beloucif, chef du service d’anesthésie-réanimation à l’hôpital Avicenne de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, « ce qui va nous sauver et nous permettre de sortir la tête de l’eau, c’est la vaccination. Il faut impérativement que tout le monde soit vacciné ». Mais le Ramadan approchant, une question a émergé parmi des musulmans : se faire vacciner fait-il rompre le jeûne ? Dans les pays musulmans, les jurisconsultes ont largement signifié que la vaccination est compatible avec le jeûne, à l’instar d’Al-Azhar.
Le vaccin, « un remède essentiel »
Dans une France devenue l’une des championnes mondiales du vaccino-scepticisme,« je sais qu’il y a un débat de personnes croyantes se demandant s’il ne faudrait pas retarder la vaccination car l’injection de la seconde dose pourrait tomber pendant le Ramadan et elles se demandent si elles peuvent la faire. Non seulement, on peut mais on doit la faire » et ce, sans attendre, « parce que se faire vacciner est un remède essentiel à ma vie mais aussi à celles des autres et de mon entourage », martèle Sadek Beloucif.
En parallèle, pour ce médecin, « il faut limiter les contacts et adopter les gestes barrières. Il faut porter son masque et le porter bien en couvrant le nez et la bouche, c’est une obligation morale pour tous ». « Un tiers à la moitié des personnes contaminées sont asymptomatiques mais elles n’en demeurent pas moins contagieuses, sans le savoir », affirme le praticien, qui observe un rajeunissement des malades admis en réanimation.
Attention aux conséquences d’une surcharge des hôpitaux
Etre responsable, c’est donc restreindre drastiquement ses contacts sociaux, quand bien même l’esprit du Ramadan ne rimera pas en 2021 avec convivialité et hospitalité ; observer les mesures-barrières et se faire vacciner au plus tôt, en particulier les personnes âgées et celles souffrant de comorbidités.
Etre responsable pendant cette période, c’est aussi prendre la décision de ne pas jeûner s’il le faut ! « S’il y a le moindre doute sur son état de santé, il faut absolument consulter un médecin », insiste Sadek Beloucif. « Il faut comprendre que les hôpitaux sont surchargés et qu’ils ne seront sans doute pas en capacité de prendre tous les malades. Donc le meilleur traitement est préventif comme faire le bilan avec son médecin pour savoir si on est apte à faire le jeûne. »
S’il faut rompre son jeûne ou ne pas le faire, il n’y a pas à culpabiliser car des exemptions existent au nom de la préservation de sa santé. « Si un malade fait le jeûne contre l’avis de son médecin et se met en danger, il aurait commis un péché », note Mohammed Moussaoui.