Delhi brûle-t-il?
Alors que Donald Trump est reçu par le Premier ministre nationaliste indien Narendra Modi pour une visite de 48 heures, de violents affrontements ont eu lieu hier dans la capitale, visant des opposants à la loi sur la citoyenneté. Entretien avec la chercheuse Ingrid Therwath.
Pendant que les médias indiens étaient rivés sur les embrassades entre le président américain et son hôte Narendra Modi, ou sur Donald et Melania Trump au Taj Mahal au soleil couchant, d’autres images nous sont parvenues toute la nuit depuis la capitale Delhi, où des affrontements semble-t-il d’une grande violence ont eu lieu, visant des opposants à la loi de citoyenneté indienne
Cela fait maintenant plus de deux mois que se succèdent des manifestations, certaines violemment réprimées, contre un texte qui prévoit de régulariser les ressortissants de pays voisins arrivés en Inde il y a au moins cinq ans, à condition qu’ils ne soient pas musulmans.
De ces manifestations il n’a pas été question entre le président américain et le premier ministre nationaliste indien, qui ont des affaires à mener… des intérêts conjoints à défendre, mais aussi des intérêts propres.
Il faut se méfier des réseaux sociaux où s’opposent les avis les plus extrêmes, et où il y a beaucoup de faux comptes. Il faut suivre des journalistes indiens indépendants qui travaillent en Inde, qui sont sur place, qui continuent à travailler dans leurs rédactions ou en tant que pigistes, photojournalistes…, dans les conditions les plus difficiles parce qu’ils sont soumis à la censure, aux pressions. Eux et elles, racontent. Et on a vu passer des images effrayantes de musulmans tabassés dans un déchaînement de violence extrême dans certains quartiers du nord de la capitale. Beaucoup de gens sont inquiets, proposent de l’aide: “si vous devez aller à Delhi, appelez moi, dans quel quartier êtes vous?”, etc. Les affrontements de cette nuit, dont on ne sait pas encore grand chose, il faut les comprendre comme s’inscrivant dans une séquence qui dure depuis plus de six mois, depuis la réélection de Narendra Modi. Et plus généralement, ils s’inscrivent ensuite dans une idéologie, celle de l’Hindutva. Ingrid Therwath
Narendra Modi n’est pas affaibli sur la scène internationale. D’ailleurs, peu de gens s’émeuvent de la situation en Inde. On a parlé du Cachemire, de la main basse du gouvernement sur le Cachemire cet été, et puis après? Cette indifférence internationale est aussi due au fait que la plupart des gouvernements occidentaux, dont la France, ont besoin de l’Inde comme partenaire commercial. Modi n’est donc pas vraiment menacé; pour autant, ça lui est très agréable de redorer son image en invitant Trump, en se hissant sur la scène internationale comme un grand leader. C’est une façon de faire de la politique d’influence et de redorer son blason. Et pour Trump, de courtiser un électorat d’origine indienne. Ingrid Therwath