“Listes communautaires”: Retailleau veut les interdire, la liste visée répond
L'Union des démocrates musulmans français dément tout "communautarisme" et attaque les politiques "qui ont peur de perdre leurs sièges".
On ne sait même pas comment les appeler. Faut-il interdire les listes “communautaristes”, comme le demandait Xavier Bertrand sur France 2 le 19 septembre et comme l’exige Bruno Retailleau dans le Journal du Dimanche ce dimanche 20 octobre, ou bien “mener une bataille politique” contre les listes “communautaires”, comme le précise Sébastien Lecornu dans Le Parisien du 17 octobre?
Peu importe leur nom, c’est bien “l’Union des démocrates musulmans français” qui est visée à chaque fois. Ce mouvement a vu le jour lors des dernières municipales de 2014 et s’est présenté à la plupart des élections depuis, jusqu’aux dernières élections européennes de mai 2019 où il a obtenu 0.13% des voix.
Le parti fondé en 2012 et dirigé par Nagib Azergui a pour ambition de présenter de nouvelles listes aux prochaines municipales, dans une cinquantaine de villes sur les plus de 30.000 que compte le pays. L’UDMF, qui compte un peu moins de 1000 adhérents au niveau national, prépare notamment des listes dans les villes de Lyon, Villeurbanne, Marseille, Paris ou Maubeuge. “Un épiphénomène”, résume Vincent Tiberj, professeur à Sciences Po Bordeaux, cité par l’AFP.
Proposition de loi LR pour “contrer une forme de sécession”
Le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau qui vise nommément “l’Union des démocrates musulmans français” dans le JDD, a annoncé ce dimanche 20 octobre qu’il déposera, avec son groupe, “une proposition de loi pour contrer ce qui est une forme de sécession, puisque ces listes veulent privilégier une partie de la population alors que notre République est indivisible”.
“On essaie d’interdire une liste républicaine, nous ne nous sentons pas concernés par cette interdiction. Nous ne sommes pas une liste communautariste. Nous nous revendiquons comme laïcs, républicains et français”, répond au HuffPost, Nagib Azergui, le fondateur du mouvement.
“On milite pour l’unité nationale” répond l’UDMF
Dans Le Parisien, Sébastien Lecornu pointe sans la citer la liste “qui s’est présenté aux européennes” et appelle à “un front républicain” contre elle lors des municipales de 2020. “Ils sont minoritaires et doivent le rester”, ajoute le secrétaire d’État en charge des collectivités territoriales.
“La République, on n’est pas là pour la mettre en péril. On milite au contraire pour l’unité nationale”, poursuit Nagib Azergui, qui précise que parmi ses adhérents ainsi que sur les futures listes aux municipales il n’y pas “que des musulmans” et qu’il s’inscrit dans un combat “politique” et non pas “religieux”. “Dans ce pays, on a du mal à comprendre que des citoyens musulmans puissent s’adresser à toute la nation”, déplore-t-il.
“Ils ont peur pour leurs sièges”, analyse l’ex-chef de file du mouvement aux Européennes qui prend notamment pour exemple le cas du Nord. “Xavier Bertrand ambitionne de remporter les régionales de 2021 dans les Hauts-de-France afin de pouvoir se présenter à la présidentielle de 2022. Il a vu qu’un électorat se mobilisait à Maubeuge en notre faveur”. Dans la ville du Nord, l’UDMF est arrivée devant LR et le PS aux Européennes avec 6.1% des voix.
“Liberté de se présenter en soutane ou avec une grosse barbe”
De son côté, le gouvernement ne semble pas favorable à leur interdiction, notamment sur la base du droit. “On ne peut pas légiférer là-dessus, sauf à se moquer comme d’une guigne de la constitution”, fait savoir au HuffPost un proche d’Édouard Philippe. “N’importe qui peut se présenter à une élection, en soutane ou avec une grosse barbe. On ne peut pas restreindre la liberté de suffrage” explique-t-on à Matignon qui n’exclut pas en revanche de légiférer sur la neutralité religieuse dans les conseils municipaux.
Sébastien Lecornu, le secrétaire d’État en charge des Collectivités territoriales a lui aussi laissé la porte ouverte à cette option, jeudi 17 octobre, dans Le Parisien: “Les maires et maires adjoints ne doivent-ils pas s’abstenir de tout signe religieux ostentatoire lorsqu’ils agissent comme représentants de l’État? Je suis prêt à ces débats”, a-t-il fait savoir. “On agite toujours la question du foulard”, regrette Nagib Azergui, opposé à cette mesure.
Un autre mouvement, issu lui de la communauté franco-turque, le Parti Égalité Justice (PEJ) est moins cité par ces responsables politiques. Il donne pourtant “rendez-vous en 2020 pour les municipales!” sur son site internet. Créé en 2015, ce parti réclame “un moratoire sur la laïcité” et combat “l’enseignement de la théorie du genre”. Il avait plafonné à 10.000 voix aux législatives de 2017 et n’avait pas dépassé les 1% dans la plupart des quelques dizaines de circonscriptions où il s’était présenté, le privant de tout financement public.
Après les déclarations de Xavier Bertrand en septembre, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, avait appelé à “ne pas faire des déclarations à l’emporte-pièce”: “il n’existe pas de listes communautaires, personne ne se revendique ainsi”. Cependant, il avait assuré que si dans une campagne “il y avait le moindre acte, la moindre parole qui mette en cause les fondements de la République, je serais le premier à interdire” la liste en cause.
En mentionnant le mot “musulman” dans le nom de son parti politique comment s’étonner que celui-ci soit perçu par certains voire par beaucoup comme communautariste et même comme excluant une partie d’entre nous? D’ailleurs en feuilletant le programme (je crois que c’était le programme) lors d’élections récentes où apparaissait la lutte contre “l’islamophobie”, je me souviens m’être interrogé à ce sujet et m’être demandé si finalement par leur démarche maladroite et grossière, ceux-ci ne participaient pas plus à celle-ci, l’islamophobie, qu’ils ne la combattaient réellement dans les esprits comme ils prétendaient le faire grandiloquemment.
Franchement, certains ignorent vraiment tout de l’autre, n’en n’ont peut-être finalement strictement rien à faire et ne jurent encore que par le passage en force politique.
L’autre a peur et cette démarche ainsi présentée n’a vraiment rien de rassurant. Il faut peut-être envisager d’autres méthodes un peu plus subtiles et prennant réellement en compte la complexité de la situation de chacun.
La représentation politique à ce sujet ne peut être qu’un aboutissement d’adhésion partagé et sûrement pas l’inverse.
Ce n’est pas par la politique que l’humain sera rassuré de ses craintes parfois les plus profondes et les plus légitimes. Dieu m’en fait le témoin ici. Pas dans ce contexte en tout cas.
Certains ont parlé par le passé “de terre de combat”, vision totalement dépassée selon moi. Aujourd’hui si je devais qualifier maladroitement l’endroit où je vis et les gens que je rencontre, je qualifierais celui-ci avant tout de “terre de peurs” et de peurs partagées par tous. N’y contribuons pas d’avantage.
Essayons d’appréhender un peu plus précisément l’endroit où on se trouve une grand partie de nos concitoyens. Interrogeons nous un peu pour savoir si ce type de proposition va contribuer à détendre la situation ou, au contraire, à la crisper d’avantage de part et d’autres.
Proposer c’est bien et je ne dirais jamais le contraire, mais vraiment, interrogeons nous sur la pertinence de nos propositions.
On aime le spectacle, on n’aime le spectaculaire, on aime le sensationnalisme, le militantisme politique, on espère “le grand soir” qu’en est-il de l’état du coeur de chacun?
S’il y a des conquêtes à faire, à mon sens, c’est à ce niveau qu’elles se situent aujourd’hui et ici et nulle part ailleurs.
N’inversons jamais les causes et les conséquences même si je reconnais que parfois on observe un phénomène plus complexe de va et vient incessant entre l’intention et l’action. Dieu Sait Mieux à ce sujet comme à tous les autres.
Que Dieu nous aide !