Après les propos de Pierre Manent sur le nombre de musulmans en Europe, la justice saisie
« Nous avons à prendre des décisions concernant – et je le dis brutalement – le nombre de musulmans en Europe. » Ces propos, effectivement, sont brutaux et sont ceux tenus jeudi 5 décembre par le philosophe Pierre Manent dans le cadre d’une émission animée par Le Figaro TV sur la laïcité et « le vivre-ensemble ».
« Ce que je veux dire simplement, c’est qu’il faut quand même regarder les masses, les forces, se rendre compte que la pression est telle que nous avons à prendre des décisions concernant – je le dis brutalement – le nombre de musulmans qui sont en Europe, c’est-à-dire qu’une partie de la France est musulmane. Ce sont nos concitoyens. Beaucoup, la plupart ne sont pas djihadistes, fondamentalistes, je partage tout à fait votre appréciation. Ils ont les droits des autres citoyens. Eventuellement, on peut leur faire quelques remarques concernant la civilité, mais nous partageons la même société », a-t-il affirmé.
Et d’ajouter : « Si elle (la population musulmane) croît indéfiniment, comme c’est le cas aujourd’hui en Europe, nous allons au-devant de drames qu’aucune version de la laïcité ne permettra de maîtriser. » Ses propos incongrus, d’une extrême gravité et qui font le lit de la théorie raciste et complotiste du « grand remplacement », ont provoqué un tollé.
« Les musulmans ne sont pas des “nuisibles” dont il faudrait contrôler la supposée prolifération »
« Les propos tenus par M. Pierre Manent contre nos compatriotes musulmans dans une émission du Figaro TV sont indignes », a affirmé le député (LFI) de l’Essonne, Antoine Léaument, qui a annoncé, au nom du groupe parlementaire insoumis, saisir la procureure de la République de Paris « au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale » car « la haine religieuse n’a pas sa place en République ». « Pierre Manent va peut-être nous proposer la stérilisation forcée des femmes musulmanes qui sait », a ironisé l’eurodéputée Rima Hassan sur X.
« Derrière son apparence prétendument factuelle se cache un discours explicitement discriminatoire, raciste et porteur d’une dangereuse rhétorique », a dénoncé le Conseil français du culte musulman (CFCM), qui a annoncé, lundi 9 décembre, son intention de saisir l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom).
« Les musulmans ne sont pas des “nuisibles” dont il faudrait contrôler la supposée prolifération. Aucun groupe humain ne doit être considéré comme une variable à ajuster au sein de la Nation. En démocratie, les musulmans, comme tout autre citoyen, sont des personnes à part entière, protégés par l’Etat de droit et libres de leurs croyances et convictions », a fait savoir l’instance.
Appeler à réduire le nombre de musulmans : « comment a-t-on pu oublier les leçons de l’histoire récente et les conséquences tragiques qu’ont engendré de tels discours ? », s’interroge le CFCM, qui fait le parallèle avec des propos similaires à l’encontre des juifs par le passé. « Ces discours, loin d’être anecdotiques, ont conduit à des abîmes que l’on devrait s’engager à ne jamais revivre », rappelle-t-on.
« Associer le mot “drame” à l’ensemble des musulmans révèle une vérité bien plus sombre. Derrière le prétexte de critiquer une religion, ce sont les individus qui en sont les fidèles qui se trouvent directement visés. Cette stratégie de dissimulation ne trompe personne : c’est bien la personne, et non la foi, qui est stigmatisée. Le véritable drame, c’est qu’une certaine classe d’intellectuels dépasse systématiquement les limites de la morale et de la raison lorsqu’il s’agit d’islam et de musulmans », insiste le CFCM. « Il est urgent que ces dérapages soient dénoncés et sanctionnés, afin que la République reste fidèle à ses principes de liberté, d’égalité et de fraternité pour tous. »