Comme les Etats-Unis, la France enferme les enfants migrants
Les images d'enfants migrants séparés de leurs parents et enfermés aux Etats-Unis ont déclenché une vive polémique au pays de l'oncle Sam et jusqu'en France. Pourtant, dans la patrie des droits de l'Homme aussi des enfants sont placés dans des prisons qui ne disent pas leur nom au mépris du droit international.
Les images ont fait le tour du monde. Des enfants, parfois tout jeunes, enfermés dans des cages d’acier avec pour seul “confort” des matelas posés à même le sol, des couvertures de survie, un peu d’eau et des chips.
Leur crime? Aucun au regard de la loi américaine, ce sont leurs parents qui sont coupables d’avoir franchi illégalement la frontière américaine. Ces adultes sont donc enfermés dans des prisons fédérales, établissements où ne peuvent être placés des enfants qui sont donc placés dans des centres “spécialisés”.
Une “mesure dissuasive” contre l’immigration illégale, a défendu le gouvernement américain, qui a déclenché une vive polémique et des haut-le-cœur exprimés par une large partie de la classe politique aux Etats-Unis, jusqu’à la Première dame, Melania Trump.
Un jeu politique pourtant mené par son mari qui exploite l’émotion pour faire pression sur les Démocrates, accusés d’être les vrais responsables du drame, pour qu’ils votent sa réforme de l’immigration (prévoyant notamment une révision drastique du regroupement familial).
L’émotion a rapidement traversé l’Atlantique et essaimé sur le Vieux continent. En France notamment, patrie des droits de l’Homme, de nombreuses personnalités ont dénoncé cette prise en otage des enfants à des fins politiques. A juste titre. Séparer des enfants de leurs parents au seul motif de l’immigration illégale est “cruel” et “inadmissible“, a même dénoncé le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme Zeid Ra’ad Al Hussein, se disant également “profondément inquiet par les politiques adoptées récemment qui punissent des enfants pour les agissements de leurs parents“. Il a ainsi appelé l’administration Trump à cesser ces “séparations forcées” et à ratifier “enfin” la Convention sur les droits des enfants que les Etats-Unis sont le seul pays au monde à ne pas avoir signé.
Et pourtant. Enfermer derrière des barreaux des bambins, et même des nourrissons, n’est pas réservé aux seuls Etats-Unis ou autres pays peu regardants sur les droits de l’Homme. La France aussi est régulièrement condamnée pour détention de candidats à l’immigration mineurs. Ce qui pourrait expliquer l’absence de réaction de la part de la classe politique française.
La situation est ainsi “extraordinairement dramatique” dans les centres de rétention administrative (CRA) français, les prisons pour sans-papiers en passe d’être expulsés, selon le secrétaire général de la Cimade Jean-Claude Mas. Cité par le site spécialisé InfoMigrants, le responsable assure même que “le nombre d’enfants enfermés est en constante évolution (en France) depuis des années mais on note une nette accélération depuis l’arrivée de Macron. Aujourd’hui, on enferme tous azimuts“.
L’histoire d’un nourrisson de trois mois, médiatisée fin février, a donné un visage à ces 305 enfants qui ont été retenus en CRA en France métropolitaine en 2017 et déjà 117 autres depuis le début de l’année 2018, selon les chiffres communiqués par la Cimade, contactée par France-Soir. Une vieille habitude (et transpartisane) puisque le pic date de 2010, lorsque Brice Hortefeux était ministre de l’Intérieur, avec 356 enfants enfermés. Et ce sans compter les autres locaux de rétention, des CRA “low-cost” sans médecin, présence associative, ni cour de promenade, ni les milliers d’autres enfants détenus outre-mer (4.285 enfants à Mayotte en 2016!).
Hasard du calendrier, ce mardi 19 le projet de loi Asile et Immigration est examiné par le Sénat après avoir été voté par l’Assemblée nationale. Rafael Flichman, de la Cimade, veut espérer que ce sera l’occasion de voir des sénateurs se saisir de ce sujet qui, parmi d’autres, fait que la France a déjà été condamnée plusieurs fois par la Commission européenne des droits de l’Homme (CEDH).
Même si des amendements sont déposés, il y a toutefois peu de chances que le gouvernement les laisse passer. Outre les députés En Marche qui ont assuré que l’interdiction de la rétention des mineurs serait “instrumentalisée par les filières de passeurs“, Emmanuel Macron a en personne affirmé que cela placerait la France “dans la situation de ne plus (pouvoir) expulser quelque famille que ce soit“.
A noter que la France “compte parmi les trois seuls pays européens qui recourent systématiquement à la rétention de mineurs accompagnés” selon la CEDH. C’est à se demander comment font les autres Etats membres pour gérer les flux migratoires tout en respectant le droit international et en préservant les enfants du traumatisme d’un passage derrière les barreaux.