Attentat de Barcelone : les dangers d’une mauvaise communication

La Guardia Civil a diffusé la photographie et le nom d’un suspect de l’attaque, qui affirme s’être fait voler ses papiers d’identité…

Il a été présenté dans les médias européens comme le principal suspect des attentats de Barcelone. Vendredi en fin de journée, la photographie de Driss O. était partout : sur les réseaux sociaux et les chaînes de télévision, dans les directs des sites d’information, à la une de plusieurs journaux. La faute à un tweet de la Guardia Civil, l’équivalent en Espagne de la gendarmerie, qui annonçait juste après l’attaque que la fourgonnette ayant foncé sur la Rambla avait été louée par le jeune homme.

Une communication critiquable et extrêmement étonnante. D’abord parce qu’à ce moment précis, plusieurs suspects étaient recherchés et qu’aucune interpellation ni perquisition n’avait encore été menée. Ce faisant, les investigations devenaient plus difficiles… Ensuite, parce que rien n’indiquait que Driss O. avait loué le véhicule. Les seules informations disponibles, à ce stade, étaient que le véhicule avait été loué grâce aux papiers d’identité de Driss O. Une nuance importante.

Driss O. victime d’un vol de papiers ?

Très vite, pourtant, la page Facebook de Driss O. est inondée de milliers de commentaires injurieux, comme a pu le constater Le Point.fr en début de soirée, avant que les autorités ne clôturent le compte. Chaque vidéo partagée (la plupart étant des clips de rap), chaque image de Driss O., en maillot de bain à la plage, devant sa voiture, ou posant devant son miroir, ont été commentées par des internautes criant leur haine et leur dégoût du personnage.

Or, à en croire les informations de La Vanguardia, un des premiers quotidiens de Catalogne, le fameux Driss O. se serait présenté vendredi soir à la police de Ripoll, où il vit, pour signaler un vol de papiers d’identité. Le jeune homme aurait décidé de se rendre lui-même au commissariat après avoir vu son visage diffusé sur toutes les chaînes de télévision, le présentant comme le suspect numéro 1 de l’attaque.

Atteinte à la présomption d’innocence

La version des faits du jeune homme doit être minutieusement corroborée. Et les soupçons des enquêteurs semblent également s’orienter vers le petit frère de Driss, Moussa, 18 ans, vivant à Barcelone. Mais là n’est pas le problème : que l’implication des deux frères dans les attaques de Barcelone se vérifie ou pas par la suite, l’anecdote illustre parfaitement les ravages que peut causer une communication intempestive, aussi bien pour le bon déroulement des investigations que pour la protection de la présomption d’innocence.

Sur Twitter, Emmanuel Domenach, administrateur d’une association de victimes du 13 novembre 2015, a fait part de sa colère jeudi soir. Agacé par ces « justiciers » qui se lancent dans une course au scoop en diffusant des informations non vérifiées, ou en retweetant les photos du drame, en exposant les corps des victimes « au monde entier » sans égard pour la douleur des familles. « Je peux continuer des heures sur cette précipitation générale pour être le premier à réagir et à exister […] Mais vu que l’on va vivre avec cela encore longtemps, il faudrait vraiment qu’on se pose de bonnes questions sur notre relation aux attentats », a-t-il conclu.

Source : http://www.lepoint.fr/

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