Des listes musulmanes à l’assaut des législatives sous le feu des critiques

Loin des bisbilles entre partis traditionnels qui se disputent les parts de sièges à l’Assemblée nationale, des petits mouvements tentent de donner une existence à la parole des musulmans sur le plan politique. Alors que l’islam et les musulmans sont des sujets quasi incontournables de la vie politico-médiatique française, trois récentes formations politiques à référentiel musulman veulent se faire entendre. L’Union des démocrates musulmans de France (UDMF), Français & Musulmans et le Parti Égalité Justice (PEJ) ont alimenté les colonnes de la presse. Petite revue d’effectif.

Un des mouvements hors des circuits traditionnels qui a fait le plus parler de lui durant cette campagne du premier tour des élections législatives est certainement Français & Musulmans. Le parti a été lancé début 2016 sous la férule de son président Nizarr Bourchada. Cet ancien membre de l’UDI a quitté le parti de centre-droit, allié aux Républicains, pour rejoindre l’Union des démocrates musulmans de France (UDMF) à la suite de la série d’attaques islamophobes post-attentats en janvier 2015, car il était déçu du faible engagement de l’UDI dans la lutte contre l’islamophobie. Ce sera ensuite la porte de l’Union des démocrates musulmans de France (UDMF) qu’il claquera pour fonder Français & Musulmans.

Français & Musulmans, malgré un nom explicitement identitaire, réfute toute idée de communautarisme et se décrit comme un parti politique doté d’une éthique musulmane. Il refuse de s’inscrire dans le clivage gauche-droite. Plusieurs banques ont cependant refusé d’ouvrir un compte au nom du mouvement. Le président explique qu’il a dû solliciter la Banque de France afin d’obliger un établissement bancaire à lui ouvrir un un compte.


Mettre en valeur éthique et programme

La liste est aujourd’hui modeste : six candidats représentent la formation politique pour ces législatives. Sans surprise, cinq d’entre eux candidatent en Seine-Saint-Denis, un département connu pour concentrer une forte population issue de l’immigration et à référence musulmane en région parisienne, tandis que Nizarr Bourchada se présente dans le Val-de-Marne.
Mais le président s’est fait voler la vedette durant la campagne par Hanan Zahouani. En s’affichant avec un hijab, la quadragénaire n’a pas manqué de se faire remarquer. Elle n’avait aucune expérience en politique et a été formée à l’instar de ses camarades de parti. Ils ont dû chacun financer leur campagne avec leurs fonds propres, soutenus à la marge par quelques dons d’adhérents.

« Nos sympathisants sont ravis de pouvoir voter dimanche pour des futurs élus qui leur ressemblent et qui pourront porter leurs ambitions et leurs aspirations », exprime Nizarr Bourchada, satisfait de la campagne électorale. Même le traitement de la presse lui a semblé globalement positif. « On a répondu à l’ensemble des sollicitations, mis à part Valeurs actuelles. Nous avons pu mettre en valeur notre éthique et notre programme », affirme-t-il. Le conseiller à la mairie de Brie-Comte-Robert est optimiste pour la suite : « Je pense qu’on va réveiller les consciences et s’émanciper politiquement (…) avec le résultat des législatives. On va pouvoir développer une communication et structurer les adhésions. » Son parti annonce vouloir s’étendre ensuite dans les régions lyonnaise et strasbourgeoise à l’orée des prochaines échéances électorales.


Cibles des attaques racistes

Ce sont également six candidats que présente l’Union des démocrates musulmans de France (UDMF) pour les élections législatives. Le parti, fondé en novembre 2012, présente tout de même un candidat à Mayotte (le seul en outre-mer) en la personne de Kamel Messaoudi et un autre dans la 9e circonscription des Français de l’étranger (Afrique Nord-Ouest) avec Khalid Bajjouj.
Son président Najib Azergui assure que l’UDMF a eu « de très bons retours sur le terrain ». Il reconnaît dans le même temps que la campagne, en plein mois du Ramadan, a été « éprouvante », d’autant plus qu’il a fallu essuyer de nombreuses attaques racistes au cours des dernières semaines, à l’instar d’autres listes dites musulmanes. Affiches vandalisées, insultes sur les réseaux sociaux, menaces contre les candidats… Pour l’UDMF, les attaques se sont notamment concentrées sur la plus jeune des candidats de l’UDMF, Sandra Forestier, candidate dans les Hauts-de-Seine, que sa tête voilée ne revient pas aux identitaires islamophobes. Dans le parti Français & Musulman, c’est Hanan Zahouani, candidate en Seine-Saint-Denis et tout aussi voilée, qui a été une principale cible.

« Islamiser les débats pour ne pas avoir à s’occuper des vrais débats », c’est le problème qu’entend pointer l’UDMF. C’est parce que « le musulman est devenu un enjeu et un argument électoral » que le mot « musulman » placé au cœur du sigle est important, pour l’heure, selon Najib Azergui. Il a « vocation à interpeller la nation » face à la stigmatisation des musulmans. « Tant que notre nom suscitera la controverse, c’est qu’il y a un problème », estime Najib Azergui, qui déplore combien « la laïcité, outil de liberté, est devenu un bouclier contre l’islam » et « l’islamophobie, une forme de racisme acceptable ».


Loin derrière le Parti Français & Musulman et l’UDMF, le Parti Égalité Justice (PEJ), qui revendique être « le fruit du rassemblement d’acteurs politiques issus de la société civile qui œuvrent pour l’intérêt général », présente 52 candidats à travers la France, et plus particulièrement dans l’est de la France.

Le qualificatif « musulman » est absent du nom même du parti, mais des points de similitude avec les listes précédemment citées sont bel et bien présents, à la principale différence que les aspirants députés sont majoritairement issus de la communauté turque. Son fondateur Fatih Karakaya indiquait à Saphirnews en 2015 que le PEJ avait pour objectif de « défendre les banlieues, les plus démunis (et) les valeurs des musulmans ».


Avec le PEJ, l’ingérence de la Turquie dans les législatives ?

Depuis sa création en janvier 2015, le PEJ n’est pas épargné par le flot de critiques à l’occasion des élections auxquelles il a participé. Les législatives ne font pas exception. Le PEJ a ainsi été accusé par le Parti communiste d’être une « organisation islamo-conservatrice » et un « représentant officieux du parti du président turc Recep Tayyip Erdogan, l’AKP ».

« Il s’agit sans aucun doute de la part du président Erdogan et de son parti l’AKP de peser sur les orientations de notre politique internationale, en particulier vis-à-vis du régime turc qui verse à pas accélérés dans la dictature. La même stratégie a été utilisée aux Pays-Bas ; il faut y mettre un terme », a signifié le secrétaire général du PCF Pierre Laurent dans une lettre adressée en mai au ministère de l’Intérieur. S’est notamment ensuivi un article assassin paru sur Marianne dans lequel le PEJ est décrit comme la « main d’Erdogan dans les urnes de France » et une « drôle d’officine (qui) investit barbus et voilées ».

Des accusations « sans fondement » et « diffamatoires » selon le PEJ, qui accuse à son tour le PCF d’une « allégeance au groupe terroriste du PKK ». « Le PEJ est un parti libre ayant pour objectif de répondre aux besoins de la société française », qui « incarne l’alternative politique dont a besoin la société française » et qui, « contrairement aux partis ordinaires, est un parti ouvert », fait savoir, face aux attaques, le parti par voie de communiqué à notre rédaction. « Si aujourd’hui notre pays va mal, c’est uniquement la conséquence de la mauvaise gestion politique (…), de la crise économique et du fait de certaines personnes qui cherchent à asseoir leurs privilèges. Cessons donc ces manœuvres dont le but n’est que de diviser la France, en marginalisant certaines catégories de population », ajoute son président Sakir Colak, qui dit se réserver le droit de porter l’affaire en justice.

Pérenniser son existence, tel est l’objectif déclaré des trois partis. Les électeurs donneront leur verdict les 11 et 18 juin.

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