Marche pour la justice et la dignité : la résistance des familles contre l’impunité policière
Halte à l’impunité de la police ! C’est derrière cette bannière que de nombreuses familles de victimes de violences policières, soutenues par des associations antiracistes et des mouvements politiques de gauche, ont manifesté dimanche 19 mars à Paris. A un mois de l’élection présidentielle, et après les affaires Adama Traoré et Théo Luhaka qui ont ébranlé les quartiers populaires, l’événement a revêtu un intérêt des plus importants pour faire connaître auprès du plus grand nombre les drames engendrés par les dérives des forces de l’ordre.
« Police partout, justice nulle part » et « Pas de justice, pas de paix » furent parmi les slogans les plus courus de la Marche pour la justice et la dignité, organisée avec succès dimanche 19 mars. Celle-ci a rassemblé plusieurs milliers de personnes (7 500 selon la préfecture de police, plus de 10 000 selon les organisateurs) entre les places de la Nation et de la République, 18 mois après une première manifestation similaire en plein cœur de la capitale.
De nombreuses familles de victimes de violences policières figuraient en tête du cortège – à l’exception notable de la famille Traoré, qui n’a pas souhaité s’associer à l’initiative – pour dire « stop à l’impunité policière », à l’instar d’Amal Bentounsi, la sœur d’Amine Bentounsi, tué d’une balle dans le dos par un policier en 2012. « Aujourd’hui, c’est nous qui avons perdu un être cher mais demain, cela peut-être vous », lance-t-elle au départ de la marche.
« On demande à la justice de faire son travail »
Selon les analyses médicales, le jeune homme n’avait pas consommé d’alcool ni psychotrope mais elle Hawa déclare toujours attendre un rapport d’autopsie. Les policiers ont porté plainte contre Babacar Gueye pour tentative de meurtre et ont ainsi invoqué la légitime défense. « Je suis le seul membre de sa famille en France, mais je ne suis pas toute seule car beaucoup de gens sont autour de moi pour m’aider. On doit continuer à se battre car tout ça n’est pas normal », déclare-t-elle, la voix chevrotante et pleine d’émotion.
« Voir autant de monde, ça réconforte. Etre aux côtés d’autres familles fait qu’on se sent moins seuls. Il faut éveiller les consciences et qu’on n’arrête de croire que ce sont des cas isolés », explique Lassana Dieng, dont le frère Lamine Dieng est mort étouffé à 25 ans dans un fourgon de police en 2007. « C’est un combat qu’on mène depuis dix ans et malgré ça, on n’a pas réussi à faire notre deuil. Le juge a relaxé les policiers et on a fait appel. On a l’impression que lorsque les affaires ne sont pas médiatisées, on n’est pas pris au sérieux », raconte-t-il avec amertume.
« On demande à la justice de faire son travail et d’incriminer les policiers en question. Une contre-autopsie nous a permis de savoir que Lamine a été étouffé pendant l’interpellation », ajoute Lassana Dieng. Le drame de son frère a par ailleurs beaucoup de similitudes avec l’affaire Adama Traoré, dont la mort pourrait être liée aux techniques d’interventions des forces de l’ordre qui ont coupé la respiration des deux jeunes hommes
« La violence de l’Etat, la partie visible de toutes les violences structurelles de notre société »
Parmi les familles de victimes, il y a aussi celles qui déplorent des grandes blessures. C’est le cas de Christian Tidjani, le père de Geoffrey Tidjani qui a perdu un œil lors d’une manifestation contre la réforme des retraites en 2010. Le policier a été condamné à un an de prison avec sursis, un an d’interdiction d’exercer et deux ans d’interdiction de port d’arme. Mais jugeant la peine trop lourde, il a fait appel et a même été promu dans la hiérarchie. De quoi révolter la famille et ses soutiens.
Vers un Observatoire national des violences policières ?
Amal Bentounsi, fondatrice du collectif Urgence notre police assassine, espère quant à elle grâce à cette manifestation impulser la création d’un Observatoire national des violences policières, une plateforme qui va cartographier les cas de morts, de blessés et de contrôles au faciès, dans le but de mettre en commun le travail des différents collectifs engagés sur la question et qui, pour la plupart, travaillent déjà en réseau depuis plusieurs années.