Ecoles ouvertes: quoi qu’il en coûte!
Reconfinés ? Mais pas les enseignants. C’est à nouveau le souhait qu’a exprimé leur Ministre de tutelle ce jour. Responsable de la santé au travail de près de 850.000 de ses agents en poste devant élèves, que propose-t-il alors ? La fourniture de deux masques chirurgicaux par jour en remplacement des « masques-slips » ? Une priorité pour la vaccination de ceux qui seraient volontaires ? Non, rien.
Ca a été d’abord un bruissement. « On va être reconfinés… Autour des vacances de Février ». Puis ça a été un bruit, comme une pré-annonce, dans les médias. On serait reconfinés. Mais pas les écoles – c’est du moins le souhait exprimé clairement à de nombreuses reprises par Jean-Michel Blanquer et réaffirmé dans le Journal du Dimanche de ce jour.
Reconfinés… mais… de quoi parle-t-on, quand ce mot fini par être polysémique ? De ce confinement de Mars, où chacun restait chez soi, écoles fermées, sorties d’une heure réduites aux courses, à l’activité sportive – seuls allant au travail ceux qui relevaient des domaines essentiels à la vie de la Nation ? Ou de celui de Novembre, télétravail encouragé mais pas obligatoire, transports en commun bondés en région parisienne, écoles ouvertes, magasins ouverts, vie réduite à travailler et consommer, visites aux amis de fait interdites, tous les lieux de convivialité fermés, balades dans les rayons des librairies prohibées ?
Serons-nous confinés ou semi-confinés ? Les écoles seront ouvertes, en tout cas, quoi qu’il en coûte – c’est du moins ce qu’on annonce. Devant les élèves, ils seront. Devant les élèves, dans 45 m2, hauteur sous plafond de 2 mètres 50/ 3 mètres, à 30 dans les écoles et collèges des régions fortement urbanisées, ils seront – alors que la fréquentation à plus de 12 personnes dans une célèbre librairie de Tours, par exemple, 100 m2 et 5 mètres de hauteur sous plafond, n’est pas autorisée à plus de 12 personnes en même temps. Les enfants sont-ils moins contaminés et moins contaminants que les adultes ? Si c’est le cas, pourquoi le Ministère de l’Education Nationale a-t-il autorisé les élèves à ne pas venir les deux jours précédents les vacances de Noël, pour ne pas aller contaminer Mamie et Papy ? Pourquoi, ces derniers temps, a-t-on entendu que l’on envisageait de proposer la vaccination aussi aux enfants ?
A-t-on alors dit aux 850 000 enseignants en présence d’élèves qu’ils auront désormais au moins deux masques chirurgicaux par jour, voire des FFP2, les seuls à même de leur apporter une sécurité réelle dans la mesure où ils sont les seuls salariés contraints de se trouver « confinés » dans 45m2 avec 30 individus potentiellement transmetteurs pendant plus d’une heure. Non. Une telle annonce n’a pas été faite. Ils garderont leurs « masques-slips » généreusement octroyés récemment en remplacement des masques-slips version 1 potentiellement toxiques distribués en Septembre.
A-t-on prévu qu’ils puissent être prioritaires pour la vaccination, au moins pour les volontaires ? Non. Ils continueront de grouillotter parmi les 700 élèves de leur collège qui baissent leurs masques pour nombre d’entre eux dès la porte du collège passée, ou même à l’intérieur s’ils sont hors de portée de vue des enseignants, alors qu’il a été envisagé de demander aux voyageurs des transports en commun de cesser de parler pour ne pas s’entre-contaminer, malgré le masque… Ah, comme il était drôle et tragique d’entendre nos gouvernants récuser l’idée de transmission dans les établissements scolaires ( les enfants sont asymptomatiques, petits messagers fantômes du virus..) et parler de contamination intra-familiale ( au pays de Pasteur, l’idée de génération spontanée étant, quand même, une insulte au savoir transmis par l’école….mais qu’importe…on est déjà dans un au-delà…)!
L’école doit rester ouverte. On entend bien et on comprend bien. Et les enseignants sont les premiers à soutenir cette idée, souvent. Mais…
Mais… Comment ne pas voir que soutenir cette idée, sans contreparties des protections assurées, sous peine de sanction, dans les autres entreprises, est renoncé à tout et entériner le mépris patent que leur Ministère de tutelle a pour eux ? Comment ne pas voir qu’accepter tout, « quoi qu’il en coûte » – et il en coûtera à la santé des enseignants eux-mêmes – , c’est accepter aussi la condition de sous-salarié qui est la leur, salaires indécents au regard de leur qualification et de la somme de travail que les parents ont enfin pu voir lors du premier confinement, salaires en baisse dans le temps avec des difficultés à se loger dans les grandes métropoles, matériel qu’ils se payent eux-mêmes, absence de prise en compte du travail à distance tout au long de l’année, absence de médecine du travail, absence de matériel informatique décent et suffisant au sein des établissements scolaires, etc.
Ne pas exiger la protection sanitaire minimale dans l’obligation qui va leur être faite de continuer de travailler en présence d’enfants potentiellement contaminants – et plus encore avec les variants du Covid – , masques décents, études scientifiques sur l’aération des classes ( des études ont été menées pour l’Opéra ou un opéra, pourquoi pas dans des classes, des cantines solaires ? ), priorité pour le vaccin, c’est renoncer à tout. Pas la peine d‘être en grève mardi 26 Janvier, comme les syndicats y appellent… Ne pas exiger un plan d’urgence pour les enseignants, si les écoles doivent rester ouvertes, c’est à la fois renoncer à leur sécurité et avaliser ce que le Ministère de l’Education Nationale semble penser d’eux , qu’ils seraient de facto des nonnes et moines, salariés pour ainsi dire « hors-normes », terriblement investis dans leur tâche ( ce qui est majoritairement vrai) et subséquemment que l’on peut mépriser en tant que salariés puisqu’ils se sentent investis d’une mission au point d’en perdre l’idée qu’ils sont aussi des salariés, dotés de droits et d’attentes légitimes, dont celle d’un salaire décent et de conditions de travail décentes afférentes à leur condition de salarié.
Pas d’exigence de masques protecteurs, pas de priorité pour la vaccination pour les volontaires = pas d’augmentation des salaires, pas d’amélioration des conditions de travail, moins de respect, si c’est possible, de la part de leur Ministère de tutelle. L’équation est simple. Et la grève du 26 est déjà un échec annoncé si le Ministère sait que les enseignants n’ont aucunes exigences en termes sanitaires au regard du sacrifice d’eux-mêmes qui se profile très prochainement : s’ils sont prêts à jouer leur vie contrairement aux autres salariés majoritairement, pourquoi les payer de façon décente, puisqu’ils sont prêts à tout au bénéfice de leurs élèves ?
POST-SCRIPTUM : Chacun devrait lire le commentaire N°2 actuellement de mon modeste billet, un commentaire de David L. , remarquable à tous points de vue. Qu’il soit remercié ici de toute l’intelligence de la situation qu’il nous offre.