Le prophète Mohamed, un modèle pour les jeunes musulmans

Une récente étude sociologique souligne la centralité de Mohamed dans la vie quotidienne d’enfants et d’adolescents musulmans pratiquants en France.

« Le prophète Mohamed est un modèle, une source d’inspiration », voilà le type de réponse qu’ont pu collecter le duo de sociologues Vincent Geisser et Youssef Nouiouar en interrogeant des jeunes musulmans pratiquants dans le sud de la France. Dans le cadre d’une vaste enquête sociologique, centrée sur les représentations et pratiques entourant le prophète, et dont les résultats s’apprêtent à être diffusés, les chercheurs ont mené une trentaine d’entretiens semi-directifs. « Comme certains chrétiens avec Jésus, ces musulmans témoignent d’un rapport intime et profond avec le messager de l’islam qu’ils invoquent lors de moments cruciaux ou de questionnements », souligne Vincent Geisser, membre de l’Iremam d’Aix-en-Provence (Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman, rattaché au CNRS) avant de préciser qu’au sein de cette relation, la dimension affective l’emporte sur la sphère cognitive : « Quand on les questionnent concrètement sur les épouses du prophète ou ses compagnons, leurs réponses sont très lacunaires. » Soulignons que les élèves de primaire du cycle 3 (du CM1 à la 6e) n’abordent aujourd’hui plus la figure du prophète dans un chapitre consacré à la naissance de l’islam et son extension.

Personnage extraordinaire de la vie ordinaire

En plus des entretiens, Vincent Geisser s’est plongé dans la littérature enfantine musulmane qui a beaucoup évolué. Dans les années 1980, explique le sociologue, il s’agissait de petits opuscules austères. Aujourd’hui, ce sont des livres avec des couleurs, des textes simples, des images de paysages ou d’animaux sans figuration humaine du prophète. Au sein de ces livres éducatifs, proches de la littérature catéchétique relatant la vie de Jésus, Mohammed est présenté sous les traits d’un homme pacifique, vertueux et compréhensif, un bon mari, un père aimant et un agréable conseiller. « Depuis les années 2000, Mohamed est un personnage extraordinaire de la vie ordinaire de nombreuses familles pratiquantes, invoqué quasi quotidiennement comme une forme de code moral par des phrases du type : Ne commets pas de bêtise conformément à ce qu’a dit le prophète », relate Vincent Geisser.

L’association Enquête, à l’initiative d’outils pédagogiques sur les religions et la laïcité à destination des élèves de primaire, constate que les enfants de confession ou de culture musulmane sont contents quand le prophète est évoqué. Ils ont des connaissances à partager sur sa vie, des récits, et apprécient que ce personnage religieux soit abordé comme un sujet de connaissance. « Parler des croyances et de ce qu’on sait de Mohamed les aide à se sentir intégrés parmi les élèves de la République », complète Lola Petit, membre de l’association.

Mohamed, un modèle moins figé qu’il n’y paraît

En complément, les chercheurs ont passé au peigne fin les sites et réseaux sociaux consultés par les 16 – 30 ans en quête de connaissances sur l’islam. Leur constat est sans appel : la Toile est dominée par les courants salafiste ou néo-salafiste. On y retrouve des hadiths sortis de tout contexte, des interprétations rigoristes, une vision plus orthodoxe du prophète. Mais Vincent Geisser se veut rassurant : « Les jeunes font leur marché et ne suivent pas tout à la lettre. D’ailleurs, pour la majorité d’entre eux, rien ne sert de défendre le prophète par les armes ou en manifestant car Mohamed est inatteignable. »

Si Mohamed est un modèle moral pour les jeunes, il l’est aussi pour les adultes. Selon Haoues Seniguer, maître de conférence à l’IEP de Lyon, la vénération du prophète s’est accentuée ces trente dernières années chez les musulmans avec une pratique assidue. « Mohamed a presque supplanté Allah », soulève-t-il, tout en précisant que les termes employés sont peut-être forts. Si cette figure est prééminente aujourd’hui parmi les observants, c’est en raison, toujours selon le chercheur, de l’importance de plus en plus forte de la sunna, le corpus de traditions attribuées au prophète de l’islam, plus dogmatique que le Coran.

Dans les prochains mois, les premiers résultats de l’enquête sur Mohamed commenceront à paraître dans des revues scientifiques et combleront une lacune scientifique. Peu de travaux s’intéressent, en effet, aux représentations, discours et pratiques sociales des musulmans européens autour du prophète Mohamed, et encore moins parmi la jeunesse. La raison ? Aux yeux de nombreux de islamologues à l’instar d’Anne-Marie Delcambre, la figure prophétique est un modèle intemporel qui s’est imposé, puis figé dans la oumma – la communauté de croyants musulmane – à partir du VIIIe siècle. Cette étude semble pourtant montrer que le modèle est évolutif.

Source
https://www.reforme.net/

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