Loin des fantasmes, la réalité de l’établissement musulman Averroès racontée par un professeur
Avec « Averroès, l’ambition républicaine. Rêve ou illusion ? », Valéry Coquant livre le récit de son expérience en tant que professeur d’histoire et d’éducation civique et morale au sein de l’établissement privé musulman Averroès. « Au-delà des passions partisanes, la force de la réalité se suffit à elle-même », explique-t-il.
Face aux multiples rumeurs et fantasmes entourant l’établissement privé musulman Averroès à Lille ces dernières années, Valéry Coquant a fait le pari de ne pas se laisser gagner par les préjugés : lorsque ce diplômé en sciences politiques, qui n’est pas musulman, voit passer une offre d’emploi en 2015 pour un poste d’enseignant, il postule. Quelques jours plus tard, il est retenu en tant que professeur d’histoire-géographie et d’éducation morale et civique (EMC), le même poste que feu Samuel Paty. Depuis cinq ans maintenant, il y enseigne : Averroès est devenu son quotidien.
Aujourd’hui, Valéry Coquant a pris la plume pour livrer sa vérité, « en toute indépendance, sans demander la permission à quiconque ». Averroès, l’ambition républicaine. Rêve ou illusion ? est ainsi un témoignage qui retrace « plusieurs années scolaires réduites à quelques pages ». D’un ton taquin, il met du sien pour éliminer une à une des idées reçues. Force est de constater que, « au risque de décevoir les détracteurs de l’établissement, personne ne m’a demandé de me laisser pousser la barbe, ou de chausser des babouches. Encore moins de me convertir », déclare-t-il.
Tout au long de l’ouvrage dont la couverture est drapée des couleurs de la France, le lecteur est invité à plonger dans « une réalité basée sur l’expérience d’un enseignant qui fréquente au quotidien » Averroès, s’évertuant à montrer la rigueur de la vision pédagogique de l’école sous contrat avec l’Education nationale, qui se donne pour but premier de « préparer les jeunes à occuper une place dans la société à venir ».
Pour l’enseignant, cette école est une « initiative portée par une communauté toute entière afin de s’intégrer à notre modèle national. En aucun cas, il ne s’est agi de s’enfermer dans un communautarisme frileux, contestant l’ordre républicain. Il existe un enseignement privé juif, un autre catholique, pourquoi n’y aurait-il pas un enseignement privé musulman ? ».
Un appel à « se méfier des évidences » contre les fantasmes
« Notre enjeu est de donner aux élèves l’envie d’être des citoyens à part entière. Des membres de la communauté française de plein droit. Avec des droits et des devoirs », indique Valéry Coquant à Saphirnews.
« Dans cette optique, pour nous, tout devient occasion de faire de l’EMC. Car au fond, l’EMC, c’est quoi ? Le respect des uns et des autres, le respect des règles de la vie collective. Avec cette règle de base : si vous voulez être respecté, respectez les autres. En agissant ainsi, en sollicitant le bon sens, en le couplant avec le bon comportement, au jour le jour, nous arrivons à faire des élèves de jeunes gens dynamiques, qui ont bien compris que le monde n’est pas facile, que personne ne leur fera de cadeau dans la société… Mais on leur a transmis l’envie de mettre leur grain de sel et de prendre leur part de responsabilité dans cette société », nous déclare le professeur, pour qui « le fait de ne pas être musulman est une force ». De cette manière, les élèves voient aussi que « le dialogue, l’entente, le respect sont possibles. On s’aperçoit vite qu’on se rejoint sur plein de valeurs communes ».
Son livre « naît d’un véritable besoin » de l’auteur de partager la réalité de son vécu « aux braves gens » afin de « faire le point » sur son expérience en « fixant une fois pour toutes ses impressions et son ressenti » mais aussi de répondre aux nombreuses rumeurs qui « brouillent l’image » Averroès, plus encore après les graves accusations lancées conte l’école par un ancien professeur de philosophie en février 2015, avant l’arrivée de Valéry Coquant. « Personne n’a vu le coup venir » parmi les enseignants qui ont été nombreux « à s’estimer trahis par ce type », raconte-t-il. L’auteur rappelle de « se méfier des évidences » : « Au-delà des passions partisanes, la force de la réalité se suffit à elle-même. »
Si l’existence de cette école gène aujourd’hui, c’est qu’elle catalyse un bon nombre de peurs. « En fait, Averroès n’est pas attaqué pour ce qu’il est. Les attaques ne portent pas pour ce qu’est l’établissement mais pour ce qu’il serait », souligne l’écrivain.
Dans un contexte actuel sous tension, Valéry Coquant a souhaité « remettre les choses à leur vraie place. Pour nous affranchir des fantasmes et des délires de ceux qui ne savent rien, mais qui sont persuadés de détenir la vérité ». Et de préciser que « c’est le témoignage d’un citoyen qui en a assez de voir notre société tomber en morceaux, sous les coups du mépris et donc, de l’ignorance. Parce que nous n’avons pas à rougir de ce que nous sommes ni de ce que nous faisons ».
Le professeur, pour qui Averroès est un de ces espaces concrets qui participent au vivre ensemble, a ainsi voulu rendre « un hommage aux hommes et aux femmes qui, au quotidien, font qu’Averroès existe. Comme tous ceux qui ont le courage d’apporter leur contribution à notre société, ils méritent le respect ».
« Vu de l’extérieur, cela peut passer pour une vision angélique de la réalité. La réalité quotidienne est nuancée. Averroès a la vie de tous les autres collèges (et lycées) de France. Mais nous avons remarqué que notre volonté d’être irréprochable, de tout faire dans le respect de la République, c’est aussi une bonne façon de retirer aux contempteurs, l’opportunité de nous critiquer », nous affirme Valéry Coquant en guise de conclusion.