Loi de 1905. Dévoyer la laïcité pour guerroyer contre l’islam
Le conseil des ministres proposera le 9 décembre, date anniversaire de la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État, un texte «confortant les principes républicains». Sous couvert de défendre la laïcité, il s’inscrit en faux contre la lettre et l’esprit de la loi de 1905, marquée par un libéralisme assumé par son promoteur Aristide Briand. Et bien étranger à l’idée d’expulsion du religieux de l’espace public que préconisent les campagnes actuelles contre l’islam et les musulmans.
«Il y a le fanatisme religieux et le fanatisme irréligieux, et le second est aussi mauvais que le premier.» Au milieu des éclats de rire, Jules Ferry s’adresse, le 19 avril 1881, au second congrès pédagogique des instituteurs et institutrices publics de France1. Ces propos du fondateur de l’école publique en France éclairent une réalité effacée : la lutte pour la laïcité en France s’est menée sur un double front. D’abord, prioritairement, contre l’Église catholique, une force pesante, arrogante et antirépublicaine qui ne voulait rien céder de ses prérogatives. Mais aussi à l’intérieur du camp républicain, contre ceux qui voyaient dans la laïcité une arme pour détruire non pas le cléricalisme, mais les religions.
Or, à chacune des deux étapes décisives de la longue marche vers la séparation des Églises et de l’État entamée après la naissance de la IIIe République — la laïcisation de l’enseignement, la loi de 1905 —, les gouvernements successifs ont préféré le compromis à l’intransigeance, le dialogue aux invectives, l’évolution des esprits à la guerre civile.