« Cruauté sans précédent » : la famille du Palestinien mutilé par un bulldozer condamne Israël
La vidéo montrant le corps de Mohammed al-Naem en train d’être profané a effaré sa famille et provoqué une onde de choc dans le monde entier
Belal al-Naem a été effaré lorsqu’il a vu les images : un bulldozer israélien récupérant, mutilant et laissant pendre le corps d’un Palestinien dans la bande de Gaza. Puis il a découvert qu’il s’agissait du corps de son frère.
« J’ai subi un double choc, d’abord avant de savoir qu’il s’agissait de mon frère et puis quand j’ai su que c’était lui », confie-t-il à Middle East Eye.
Le frère de Belal, Mohammed, a été abattu dimanche par des tirs israéliens à Abasan al-Kabira, à l’est de Khan Younès.
L’armée israélienne prétend que lui et d’autres Palestiniens tentaient de placer un engin explosif à la frontière entre l’enclave assiégée et Israël.
Ensuite, un bulldozer de l’armée, escorté par un char, est entré en action pour récupérer le corps et ses tentatives ont été filmées.
Les images du véhicule emportant le corps n’ont pas tardé à devenir virales.
« Je n’ai pas pu supporter la cruauté [de la vidéo], il y avait un être humain taillé en pièces encore et encore. Cette scène était insoutenable, j’ai prié pour lui et je me suis éloigné », affirme Belal, qualifiant cet acte de « cruauté sans précédent ».
« Ce n’est pas une façon de mourir pour un être humain, et cela s’est passé sous les yeux du monde entier », ajoute-t-il.
« Notre famille a vu cela et c’est gravé à jamais dans nos mémoires. »
« Qui élèvera son fils ? »
Réfutant les assertions d’Israël, la famille de Mohammed affirme qu’il ne se trouvait absolument pas près de la barrière frontalière mais dans une zone depuis longtemps utilisée pour des manifestations pacifiques.
Sa mère endeuillée décrit cet ingénieur de 27 ans comme un père dévoué à son petit fils de 10 mois.
« Il travaillait chaque fois qu’une occasion décente se présentait. Il était toujours en quête d’un moyen de subvenir aux besoins de sa famille et nous faisait plaisir à tous avec sa gentillesse et son soutien. Il ne se passait pas un jour sans qu’il prenne des nouvelles », rapporte à MEE la mère de Mohammed, en pleurs.
« Lorsqu’il est parti hier, il tenait son fils, souriant et faisant signe à la porte, annonçant qu’il viendrait le lendemain pour nous prendre », poursuit-elle.
« Qui élèvera son fils désormais ? »
Regarder la vidéo a traumatisé sa mère.
« J’ai ressenti chaque coup porté au corps de mon fils. Ils m’ont touché au cœur, j’ai ressenti la douleur comme si j’étais lui. Je n’oublierai jamais la façon dont Israël a tué mon fils », affirme-t-elle.
La famille de Mohamed a confirmé qu’il était un combattant du Jihad islamique, une faction armée de la résistance palestinienne. Sa mort a été suivie par un barrage de roquettes tirées depuis Gaza en Israël et des frappes aériennes israéliennes sur les cibles appartenant au Jihad islamique dans la bande côtière et en Syrie.
Malgré son affiliation, la famille de Mohammed insiste sur le fait que, s’il était proche de la frontière, c’était pour des raisons pacifiques.
« Il se levait tôt, allait à la mosquée pour la prière d’al-Fajr [de l’aube] et se promenait le matin près de la frontière. Il aimait regarder les terres qu’il protégeait », indique sa femme, Um Hamza.
Tenant leur enfant, sa femme dit ne pas avoir pu regarder la vidéo car sa belle-famille lui a dit à quel point c’était brutal.
« Je ne le regarderai pas être taillé en pièces, j’aimerais que cette vidéo disparaisse », confie-t-elle.
Sauvetage avorté
Moataz al-Najar a été le premier à repérer le corps sans vie de Mohammed, à 6 h du matin. Il a appelé certains de ses amis et de ses proches et, ensemble, ils ont essayé de le récupérer.
« J’ai essayé de me rapprocher de lui pour le secourir, mais les soldats israéliens tiraient sans cesse au hasard », a déclaré le jeune homme de 23 ans.
Deux heures plus tard, Najar a réussi à se rapprocher de Mohammed, qui était immobile au sol et ne respirait pas.
« Il était mort et son visage était brûlé, ses intestins sortaient de son corps. Mon cousin Ahmed et moi avons essayé de le traîner mais le bulldozer nous a attaqués », se souvient-il.
« J’ai hurlé au chauffeur que cet homme était mort mais il a continué à attaquer », continue Najar, allongé sur un lit d’hôpital à Khan Younès.
« Le bulldozer accélérait encore et encore et les tirs étaient constants. Le bulldozer m’a touché et j’ai eu l’impression que j’allais perdre ma jambe, alors j’ai été contraint de tout laisser derrière et de fuir. »
Selon Najar, cet incident s’est déroulé à près de 350 mètres à l’intérieur de la bande de Gaza et ni lui ni Mohammed n’avait franchi la barrière israélienne.
Israël détient toujours le corps de Mohammed.
« Ils doivent rendre son corps, je veux lui dire au revoir », déclare sa femme, Um Hamza.
« Sa mort est honorable, c’est un martyr et il protégeait sa nation. Je m’attendais à ce qu’il meure un jour, mais pas aussi sauvagement qu’ils le disent. »