Après le pèlerinage
Cher lecteur. Cette lettre, qui t’est adressée en personne, s’est d’abord présentée à moi sous la forme d’une information troublante, puis s’est suivie de réflexions obsédantes et enfin a débouché sur une inspiration apaisante que je couche sur cette page et que je te transmets. J’ai découvert, depuis peu, que le territoire de ARAFAT, ce lieu où Dieu a donné rendez-vous à tous les êtres humains à travers l’appel éternel de notre Maître Ibrahim (paix sur lui et sur notre Messager) pour le pèlerinage, n’est pas une terre sacrée. J’ai vérifié cette information tellement elle dénotait du reste du contexte (mois sacré de Dhoul Hijja, état de sacralisation ihram, proximité de la Mecque, Mina et Muzdalifa qui font partie du territoire sacré…) Alors plusieurs jours se sont écoulés sans que cette information ne me quitte. Il y a forcément une raison ! Pourquoi Dieu nous donne ce grand rendez-vous à cet endroit précisément et non sacré qui plus est ? Sans un flash lumineux échappé du cœur qui a touché la raison empêtrée qu’elle était à chercher, seule, la réponse j’aurais probablement traîné cette interrogation longtemps dans mes bagages. C’est en rapprochant cette information d’une autre information qui avait eu le même effet sur moi que les choses commencèrent à s’articuler. Le mois de Ramadan, mois le plus important de la communauté musulmane et moment le plus intense au niveau spirituel n’est pas compté parmi les 4 mois sacrés. Il serait long et fastidieux d’insister et de définir la question de sacralité et ce qu’elle représente dans l’espace et dans le temps, mais ce qui est important ici c’est de retenir que les rendez-vous les plus fondamentaux et populaires chez les Musulmans ne se font pourtant pas dans un contexte de sacralité complet. Gardons ceci à l’esprit…
Ceci m’amène à vous présenter le troisième (et dernier) événement à rapprocher de ceux précités. Adam et son épouse (paix sur eux et sur notre Prophète) étaient dans un lieu parfait (sacré à tous points de vue), et de ce jardin du Paradis ils ont été déplacés vers la terre. De cette descente la plume chrétienne en fit une interprétation très particulière qui orienta toute leur doctrine. L’Islam trancha de cette vision chrétienne par le pardon de Dieu accordé dès le premier repentir de notre père Adam. Il fallait donc chercher la raison de cette descente ailleurs que dans un châtiment de Dieu qui aurait poursuivi toute la descendance d’Adam jusqu’à la fin des temps si ce n’était le sacrifice salvateur de Jésus (selon l’approche chrétienne). En réalité, la descente d’Adam sur terre émane évidemment d’une volonté divine, dans la continuité de la création extraordinaire qu’Il a faite et devant laquelle Il a demandé à tous Ses Anges de se prosterner (et absolument tous, les immenses porteurs du trône, l’immense Djibril (paix sur lui), Malik l’immense ange gardien de l’Enfer y compris) le firent (excepté Ibliss).
Cette création nouvelle et extraordinaire allait démontrer une capacité d’aimer inconnue jusqu’à présent. Mais le cadre de cet amour hors du commun ne pouvait être que la terre d’où ressortiraient les meilleurs et les plus vils. C’est dans la désobéissance que notre père Adam découvrit la grande miséricorde de Dieu, c’est dans la faim et le froid qu’il découvrit la bienveillance divine et Sa générosité.
Mais nous nous perdons déjà dans la mémoire de notre père Adam. Ce qui m’intéresse dans cette lettre que je t’adresse c’est d’enfoncer les portes de Ramadan. Cette image peut choquer mais c’est pourtant la réalité ! Combien ont laissé mourir leur ferveur avec le dernier jour de Ramadan comme s’il s’agissait de la citadelle imprenable du témoignage de leur amour dont les murs se sont effrités avec Chawwal ! Apprends donc qu’il n’y avait pas de murs ! Ce mois n’était pas sacré ! Tout comme celui ou celle qui revient déprimé de son pèlerinage, la nostalgie de Arafat dans le cœur.
Apprends donc cette bonne nouvelle !
Arafat n’était pas sacré et si Dieu t’a donné rendez-vous là-bas Il est toujours là, où que tu sois, à t’attendre. Tu es extraordinaire ! Le Créateur des cieux et de la terre descend chaque dernier tiers de la nuit pour t’appeler, dans le silence de l’humanité. Si tu as fait autant d’efforts pendant le pèlerinage ou durant le ramadan, qu’est-ce qui a changé aujourd’hui ? La nuit du destin n’est plus là ? Si elle est un joyau offert par le Tout-Puissant et qu’il ne faut pas refuser, qu’est-elle, finalement, sinon la promesse de quelques centaines de mois d’adoration ? Je ne changerais pour rien au monde un instant de proximité avec mon Créateur, un moment où je ressens Sa compassion descendre sur moi contre mille nuits du destin qui m’enfermeraient pour le reste de l’année. Si c’est l’ampleur des récompenses qui déteignent sur le reste de l’année qui a éteint ta flamme alors sache que Celui qui récompense te demande chaque nuit ce que tu désires ! Qu’est-ce qui t’empêche de Lui réclamer une nuit du destin chaque nuit que tu passes avec Lui ? Mais à quoi servent toutes ces adorations si ce n’est passer du temps avec Celui qui nous a aimés bien avant que nous n’existions ?
Voici donc, en résumé mon point de vue. Ces rendez-vous ont été donnés dans des moments non sacrés pour que nous prenions conscience que ce qui est extraordinaire c’est notre rencontre avec Dieu. Tout est fait pour que nous Lui tournions le dos, éblouis par ce bas-monde, noyés dans les idées destructrices du positivisme, et pourtant, nous avançons à contre-courant. Quel est le moment le plus important de l’être humain ? Est-ce sa tenue dans un lieu sacré, où il a laissé derrière lui tout son appétit de ce bas-monde, ses sandales, ses idées noires, pour quelques instants sacrés, dans une posture noble et bien vue ? Ou est-ce ce moment, où revêtu de tous ses défauts, de toute sa faiblesse, de tous ses regrets il s’est adressé à Dieu et lui a demandé pardon… Ce moment c’est la rencontre de deux joies ! Celle de Dieu et de Sa créature !