Voyage en compagnie du Coran par les concepts et le lexique
Le Coran, dernière Parole révélée en langue arabe
Lorsque Dieu décida d’établir le contact, à nouveau, avec l’humanité, cette fois-ci, et pour la dernière fois, Il utilisa la langue arabe. Si au moment de Sa révélation au Prophète Mohammed (paix sur lui) cette langue n’avait pas atteint sa pleine maturité dans son écriture, il en est tout autrement dans son expression orale. Un poète avait le pouvoir dans cette société de lancer une guerre ou de l’arrêter. On s’inclinait devant des paroles bien tournées.
C’est dans ce contexte que Dieu offrit au monde le Coran.
A travers cette série d’articles envisagée, je me circonscrirais au mot, composé d’un ensemble de lettres combinées et qui peuvent susciter l’émoi, la colère, l’amour, l’aspiration ou la terreur. C’est dire la puissance du mot sur l’être humain. En effet, il perçoit le monde qui l’entoure et se le représente grâce à ces concepts. Le Coran a été traduit dans une multitude de langues au cours des derniers siècles mais quelle levée de boucliers cela a généré ! Pourquoi ?
Aujourd’hui, le débat est d’actualité ! Faire voyager la Parole de Dieu de sa langue d’origine, l’arabe, à une langue profane, telles que l’anglais ou le français est un voyage périlleux. Je ne reviendrai pas sur ce débat, j’ai pris position, si Dieu est venu vers nous pour nous rappeler à notre allégeance première : « Et quand ton Seigneur tira la descendance des reins des fils d’Adam et les fit témoigner sur eux-mêmes :« Ne suis-Je pas votre Seigneur ? » Ils répondirent : « Mais si, nous en témoignons…» afin que vous ne disiez point, au Jour de la Résurrection: «Vraiment, nous n’y avons pas fait attention » (1)
Il est de notre responsabilité de réduire le fossé entre nos frères et sœurs adamiques et cette Parole sacrée, et cela passe par l’effort de traduction.
Entrons maintenant dans l’intimité de celles et ceux qui reçurent le message divin, à la Mecque.
Les suspendues
« Les Mu’allaqāt, les Suspendues ou les Pendentifs, sont un ensemble de qasidas préislamiques jugées exemplaires par les poètes et les critiques arabes médiévaux. Rassemblées à la même époque que les Asma’iyyât et les Mufaddaliyyât, les Mu’allaqât constituent la plus célèbre des anthologies de la poésie jâhilite. Elles occupent une place centrale dans la littérature arabe, où elles représentent les pièces les plus excellentes d’une poésie qui fournit à l’époque classique ses genres majeurs, ses valeurs et ses thèmes paradigmatiques.
Le terme Mu’allaqât signifie littéralement « Suspendues ». L’interprétation la plus ancienne et la plus populaire, apparue au IXè siècle, veut que ces odes aient été jugées si excellentes qu’elles auraient été brodées en lettres d’or puis suspendues à la Ka’ba de La Mecque. » (2)
Les Arabes de l’époque, pourtant farouchement opposés au message de Mohammed (paix sur lui) succombèrent à la beauté du Coran, au point qu’ils ajoutèrent la sourate « l’éléphant » aux Mou’alaqates sur la Ka’ba. Une sourate qui mentionnait un événement historique encore frais dans les esprits, dans une concision et une beauté à toutes épreuves : « Au nom de Dieu, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux. N’as-tu pas vu comment ton Seigneur a agi envers les gens de l’Eléphant ? N’a-t-Il pas rendu leur ruse complètement vaine ? Et envoyé sur eux des oiseaux par volées, qui leur lançaient des pierres d’argile ? Et Il les a rendus semblables à une paille mâchée » (3)
Certes ils accusèrent l’Envoyé de Dieu de sorcier, de magicien, de possédé, de poète… mais ils n’avaient aucun doute sur la beauté de ces paroles au point qu’ils mettaient en garde les pèlerins, venus de loin, d’écouter ces mots envoûtants.
Le miracle du Prophète (paix sur lui) est le Coran. Dieu lança un défi à tous les êtres humains de pouvoir produire des paroles aussi belles que profondes. Le défi n’est pas relevé jusqu’à nos jours. C’est ainsi que certains savants expliquent le sens des lettres liminaires, ces fameuses lettres isolées au début de quelques 29 sourates, comme fonction d’attirer l’attention de l’auditoire grâce à leur caractère particulier et curieux. « Alif. Lam. Ra. Voici un Livre [le Coran] ! Nous [Dieu] l’avons fait descendre sur toi [Moḥammad] pour que tu fasses sortir les hommes des ténèbres vers la lumière. » (4)
Comment des lettres utilisées par tous, Créateur et créatures, peuvent donner des sens si différents… Dieu nous interpelle à travers ces lettres, ne réfléchissez-vous donc pas ! Ces quelques lettres ont donné corps à des Paroles merveilleuses qui ont, non seulement, ouvert l’esprit humain à un monde bien plus vaste, enveloppant sa vie terrestre sur une ligne ou deux d’un livre éternel, mais ces mêmes Paroles merveilleuses sont aussi les clés et les ailes qui permettent de franchir, les unes après les autres les portes célestes afin de rencontrer, enfin, notre Concepteur et Créateur.
Des mots chargés de sens
Dans cette série d’articles, notre but est de montrer que chaque mot est chargé de sens.
Asseyons-nous un instant avec le Prophète, paix sur lui. Le soleil traverse le toit mal obstrué de la mosquée et nous aveugle un peu, nous sommes assis à même le sol, serrés autour du Prophète, paix sur lui. Il fait chaud, la voix agréable de notre maître Mohammed, paix sur lui, fait vibrer nos tympans puis fait vibrer nos cœurs. Nous sommes si proches, nous pouvons sentir son haleine agréable, parfumée du siwak fraîchement mordillé. Son parfum est caractéristique. Si tu avais gardé les yeux fermés avant son arrivée tu aurais certes deviné sa présence rien que par l’odorat, mais même si tu n’avais ni œil pour voir, ni oreille pour entendre, ni nez pour sentir tu aurais quand-même deviné le moment de son arrivée… Comment cela ? Pour la même raison, qu’à l’instant où tu lis ces quelques mots ton âme est transportée auprès de lui (paix sur lui). Il est là, devant nous, et il est sur le point de nous délivrer un enseignement très important. Soyons attentifs…
« Savez-vous qui est le « Mouflisse » [c’est-à-dire le pauvre, celui qui a absolument tout perdu] de ma communauté ? » dit le Prophète (paix sur lui). Ils dirent : ” le « Mouflisse » parmi nous est celui qui a perdu ses biens et son argent.» Il dit ” Le Mouflisse de ma communauté est celui qui viendra le jour de la Résurrection ayant fait la Salat, ayant observé le jeûne et acquitté la Zakat. Il vient après avoir insulté celui-ci, frappé celui-là, accusé celui-là de dévergondage, mangé l’argent de tel autre, répandu le sang de celui-là. On répartit donc ses bonnes actions entre ses victimes et, si elles ne suffisent pas à le racheter auprès d’elles, on prend de leurs péchés, on les jette sur lui et il est ensuite jeté en enfer.” (5)
Si en tapant ces quelques lignes je peux librement m’arrêter pour soupirer, prenez le temps de lire et de faire des pauses pour vous imprégner des conseils prophétiques…
On aimerait que cette assise avec lui (paix sur lui) ne s’arrête jamais…
On a ici un formidable exemple de la manière dont les mots peuvent se décharger d’un sens pour se recharger d’un autre sens. Un mot en arabe, adressé à des Arabes !
Que dire pour les esprits francophones, avec des mots chargés culturellement… une culture profane, qui a rompu ses liens avec le divin, la Vie Dernière…
Afin de mener à bien cette entreprise, nous allons nous aider de la magistrale œuvre de feu Maurice Gloton (que Dieu lui accorde Son infinie miséricorde !) : « Une approche du Coran par la grammaire et le lexique ».
Nous allons aborder les termes et leurs dérivés les plus utilisés dans le Coran. Notre souci ne sera pas seulement de rendre leurs différents sens, ce que Maurice Gloton a merveilleusement bien fait. Nous allons essayer de mener une réflexion sur chacun de ces mots en l’exposant au nuage de sens étymologiques qui lui ont donné naissance, en le confrontant à la culture et à la représentation du monde contemporain imprégné de positivisme dont les pays arabophones et musulmans ne sont pas épargnés. Le but est d’effriter progressivement la représentation empruntée de notre monde en rétablissant de nouveaux fondements d’une vision impulsée par le Coran. La redécouverte de ces concepts libérateurs permettront, je l’espère, la naissance de nouveaux architectes et artisans pour un monde à venir meilleur. Pour cela, nous aurons sans cesse le regard tourné vers le plus grand des modèles, Mohammed (paix sur lui) qui permettra de déverrouiller les sens étymologiques les plus proches du Coran :
La mère des croyants Aïcha (que Dieu l’agrée) la véridique fille du véridique, lorsqu’elle fut interrogée sur le comportement de son époux le messager de Dieu (paix sur lui) répondit simplement : « Son comportement était le Coran »
(1) Coran : 7.172
(2) définition dans wykipédia
(3) Coran, sourate l’éléphant
(4) Coran : 14.1
(5) Hadith rapporté par Mouslim