Un Voyage Spirituel : Souvenirs et Héritage d’Abdessalam Yassine
Quand j’avais 13 ans, Dieu a insufflé dans mon cœur l’amour de ma religion. J’ai connu des hauts et des bas. J’ai fréquenté les mosquées et rencontré beaucoup de gens. Cependant toutes ces rencontres n’ont pas su étancher ma soif, n’ont pas absorbé cette fougue qui s’était emparée de mon âme. J’étais dispersé et il y avait tellement de choses à savoir, tellement de chemins à parcourir.
A l’âge de 16 ans j’ai eu une rencontre décisive : un étudiant marocain (Mohamed) à qui je dois ce que je suis aujourd’hui. Il m’a pris par la main et m’a fait rencontrer un homme… Une porte de sortie à ce tourbillon dans lequel je me débattais. J’ai fait sa connaissance à travers cet étudiant. Je me disais que si Mohamed était si extraordinaire, que dire de l’homme envers qui il avait tant d’admiration. Il m’a offert ce contact direct avec ce maître et c’est le plus beau cadeau qu’on m’aura fait. Je lisais beaucoup et c’est d’abord à travers un livre « La Révolution à l’heure de l’Islam » que je découvrais Abdessalam Yassine (que Dieu lui accorde Sa miséricorde). Ce qui m’a impressionné à travers cet ouvrage c’est le niveau intellectuel avec lequel l’auteur analyse l’actualité, cette hauteur avec laquelle il observe le monde, son passé, son présent et son futur. Mais ce qui m’a le plus ému, du haut de mes 17 ans, c’est l’importance que Dieu avait pour lui. Il ne laissait jamais sa raison dériver loin de la berge de l’amour de Dieu. Il revenait sans cesse à l’essentiel quel que soit le sujet évoqué…
Aujourd’hui, j’ai 45 ans. Je suis loin du temps de la fougue de la prime jeunesse. Que me reste-t-il de cette voie que j’ai empruntée ? C’est cela que j’aimerais partager. Je ne vous invite à rien de construit, rien d’organisé, un simple voyage dans une mémoire défaillante.
Après avoir été complètement séduit par le projet d’éducation et la vision éclairée de cet homme, j’ai cheminé au milieu de mes frères et sœurs. Et puis, mes premières rencontres avec Abdessalam Yassine… Je me souviens qu’à ma première rencontre j’avais à l’esprit l’auteur de ce livre qui m’avait profondément bouleversé. Un homme très intelligent, exprimant ses idées avec beaucoup de profondeur, beaucoup d’éloquence. Le leader d’un grand mouvement, d’une école qui a traversé les frontières et qui se mondialisait.
Quand je l’ai rencontré pour la première fois, j’ai vu un homme d’une grande simplicité, parlant avec simplicité et sans protocole. Il s’intéressait aux personnes présentes et les questionnait. Il souriait beaucoup et s’assurait que tout le monde l’entende, que tout le monde le comprenne. On entrait chez lui avec beaucoup d’appréhensions et on ressortait apaisé. J’étais toujours avec d’autres compagnons de voyage quand je le rencontrais et on ressortait avec un amour décuplé les uns envers les autres.
Je me souviens d’un jour où nous étions moins nombreux à le rencontrer. Je suis entré dans la petite pièce où il était déjà assis et on lui serrait la main les uns après les autres. Je ne sais pas pourquoi mais dans l’émotion du moment j’ai pris sa main et j’ai voulu l’embrasser, alors il a tiré ma main vers lui et il l’a embrassée avant que j’ai le temps de le faire ; la tendresse d’un père aimant sincèrement ses enfants. Ce jour-là il y avait d’autres personnes avec moi que je ne connaissais pas. Il nous questionnait un par un et j’étais marqué par un frère très grand qui était incapable de lui répondre, tétanisé par ce moment indescriptible. Abdessalam Yassine lui a parlé et voyant qu’il ne répondait pas il a souri, nous a regardés tendrement, et est passé à quelqu’un d’autre.
Un autre jour, je suis entré le visiter, fort de la compagnie de mes frères et sœurs et de sa fille Nadia. Quand il m’a vu et que je me suis présenté il a dit : « Vous êtes l’homme aux visions extraordinaires ? » J’avais partagé avec lui quelques rêves, de France par mail. Il faut avouer qu’à cette époque je voyais tellement de rêves. Je ne savais pas quoi lui répondre. Il a répété plusieurs fois sa question puis il m’a dit : « Je vais vous enseigner quelque chose de très important. Le jour du jugement, tous les rêves extraordinaires que vous avez faits ne pèseront rien sur la balance. Ce qui aura du poids ce jour-là ce sont les adorations tels que les ablutions, le Coran, la prière etc ».
Il me rappelait en douceur à l’essentiel, notre cheminement c’est du concret. Combien de fois nous répétait-il l’importance d’apprendre le Coran ? Je ne saurai dire. Cela avait de l’importance pour lui, qu’on apprenne le Coran en entier. Qui d’autre dans mon parcours avait autant insisté jusqu’à ce que je me regarde un jour et que je me dise il est temps de s’y mettre ? Jusqu’à ce que le Coran ait pris une telle place dans ma vie.
Un jour on m’a rapporté qu’une personne conduisait Abdessalam Yassine à une rencontre après la sortie de son assignation à résidence. Dans la voiture ils étaient en intimité. Abdessalam Yassine lui a demandé : « Quel programme on se donne ? » Le frère lui a répondu spontanément : « On peut répéter la formule la ilaha illallah (profession de foi) ». Abdessalam Yassine, satisfait de cette proposition lui a demandé alors : « jusqu’à quand ? » Il a répondu : « Jusqu’à ce qu’on arrive à notre rencontre ». Il a dit : « Non ! Jusqu’à la mort ! »
Une telle ambition ! Un souffle qui porte et transporte ! Ainsi était Abdessalam Yassine (puisse Dieu lui accorder le meilleur !). A la sortie d’une rencontre il nous a demandé de lui faire des invocations.
Aujourd’hui, les années ont passé et il est retourné à son Seigneur. Il a laissé derrière lui des frères et des sœurs qui s’aiment en Dieu. Et je n’ai jamais ressenti le besoin de chercher ailleurs ma subsistance spirituelle. Il y en a toujours plus que je ne peux prendre ! Un milliardaire. C’est comme ça que je me vois. Là où beaucoup se sont laissés aller, se sont perdus, se sont appesantis, je suis resté dans cette merveilleuse compagnie renouvelée par cet homme. Il nous a invités à rechercher la compagnie des prophètes (paix sur eux) et des pieux prédécesseurs que Dieu les ait tous dans Sa miséricorde. De préparer notre place parmi eux en invoquant chaque jour pour eux, dans une invocation qu’il ne cessait de nous appeler à instaurer dans notre vie (L’invocation de liaison). Un jour, lors d’une rencontre dédiée aux frères et sœurs d’Europe, il nous a dit : « Ne faites pas la petite politique ! Mais faite la grande politique. » Et de nous expliquer que la grande politique c’est de rappeler à nos frères et sœurs adamiques qu’ils ne sont pas créés en vain, que Dieu existe et qu’Il attend leur retour, jour après jour.
Il est des hommes dont le simple souvenir te tourne vers Dieu. Je ne me souviens pas de lui sans que Dieu ne soit présent, dans ses mots, dans son cœur, dans son être tout entier. J’ai rencontré cet homme et j’en suis rempli de fierté et de reconnaissance. Son influence dans ma vie est grande, il n’y a pas une réussite dans ce que j’ai pu faire dans ma vie à laquelle il n’est pas associé. Ma clôture du Coran, ma relation avec mes parents, avec mes enfants, avec mes voisins, avec mes collègues, avec mes frères et sœurs, mon ambition restée intacte pour la vie dernière, mon envie d’être dans le voisinage de Dieu et de Ses bien aimés, je lui dois tout ça ! Je suis endetté envers cet homme. Et cela peu de personnes peuvent le comprendre. Seul Dieu sera en mesure de payer ma dette, moi faible créature ne possédant rien.
J’essaie de mon côté de partager ce bien avec d’autres, encore et encore. Et je ne finis pas de comprendre un peu plus son héritage intellectuel et spirituel. C’est en grandissant que je saisis un peu mieux tel et tel conseils. Puisse Dieu nous accorder Sa miséricorde et Son amour.
Lire aussi les articles dans la rubrique :
Mâcha Allah
Barakallah fihk pour ce beau témoignage
Assalam Aleykoum
Merci pour ce joli témoignage qui nous emporte dans ce chemin de vie. Merci cher Farid d’avoir offert un peu de toi dans ces lignes.
Puissions-nous être dignes de cet héritage spirituel, le pratiquer, le vivre, le transmettre aux générations futures.
Que Dieu répande Sa miséricorde sur l’âme de cet homme qui a tant œuvré, une vie durant…