« Il a jeté sur moi un regard de pitié »

Devant ma feuille blanche aucun mot ne vient…

Et pourtant mon esprit est plongé dans le passé, il scrute le présent et rêve de l’avenir…

Avec les années qui passent le temps n’est plus à la palabre et aux discours zélés des premiers jours. Les enfants grandissent, les cheveux blanchissent, les maladies viennent frapper à la porte pour me rappeler qu’il est bientôt l’heure.

C’est le temps du bilan.

Ma famille s’est agrandie, par la grâce de Dieu. Elle déborde d’amour, Loué soit-Il. Mes frères et mes sœurs se multiplient autour de moi, malgré ce que je suis.

Mon père qui n’avait jamais posé son front sur le sol s’est réconcilié avec les cinq piliers de l’Islam dans les dix dernières années de sa vie, emporté par une longue maladie qu’il a accueillie avec une patience déconcertante.

Atteint à la gorge, dans ses derniers instants, quand je lui ai demandé comment il allait, il pointait du doigt le ciel… Puisse Celui qu’il désignait lui faire miséricorde !

Dieu a créé ce monde avec des causes. Et il nous est demandé de reconnaître ces causes.

Abū Hurairah, que Dieu l’agrée, rapporte que le Prophète Mohammad, paix sur lui, a dit : « Celui qui n’est pas reconnaissant envers les hommes ne l’est pas envers Dieu non plus. »[1]

Mon esprit est plongé dans le passé, il cherche l’origine du bonheur actuel, du bien-être familial, de la sérénité fraternelle qui enveloppe mon foyer, ma ville, mon pays…

Malgré mon insuffisance je touche du doigt la Vie Dernière. Malgré ma paresse et mes nombreuses faiblesses je sens le parfum de la Vie Dernière. Malgré mon état pitoyable j’entends les réjouissances de la Vie Dernière. Très souvent je me repose tout entier dans des jardins splendides, que nul roi ou dictateur de ce monde n’a su annexer à son royaume. Et pourtant, s’ils pouvaient seulement sentir l’odeur d’un de ces jardins ils troqueraient leur fortune contre un instant de paix, de silence, de contemplation dans ce jardin.

Quel que soit le chemin que ma mémoire emprunte, devant moi il y a un homme, la cause que Dieu a choisie pour moi, vulgaire créature.

Un jour un homme pieux passait devant une place où un homme devait subir la peine capitale. Il se dit en lui-même qu’il avait bien peu de chance pour son avenir auprès de Dieu. La nuit venue, il vit le défunt (que Dieu lui fasse miséricorde) en rêve. « Qu’a-t-Il fait de toi ? » songea-t-il à lui demander. « Lors de mon exécution un ami (wali) de Dieu passait par là, et il a jeté sur moi un regard de pitié par lequel Dieu m’a accordé Sa miséricorde. »

Il a jeté sur moi un regard de pitié et je lui dois tout ce qui émane de bien en moi et en ma famille. Il a fait revivre l’amour de Dieu et de Son Prophète (paix sur lui) dans les cœurs de centaines de milliers de personnes.

Quel privilège ! Et pourtant je suis comme le fils d’un milliardaire qui gaspille son argent sans savoir le faire fructifier, alors que tant d’hommes connaissent la famine.

Mais ma vie à moi, je souhaite qu’elle se résume à celle de ce condamné à mort sauvé par sa rencontre in extremis avec un homme de Dieu…


[1] Hadith rapporté par Thirmidi

3 commentaires

  1. C’est magnifique mon cher Farid ! Ta plume n’a rien à envie aux plus grands !

    Tout simplement sublime… continue de nous faire voyager comme tu le fais 😉

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