Gaza pour « boussole morale du monde » : le puissant prêche de Noël depuis Bethléem
A la veille de 2024, Noël avait une bien triste saveur pour les Palestiniens, victimes d’une sanglante répression d’Israël depuis trois mois, plus particulièrement à Gaza. Le révérend Munther Isaac, pasteur de la paroisse luthérienne de Bethléem, a livré pour l’occasion un remarquable sermon de lamentation et de colère qui se doit d’être écouté et partagé auprès du plus grand nombre.
Bethléem, ville de naissance de Jésus, n’a pas organisé de festivités de Noël cette année 2023. Comment peut-il en être autrement alors que les bombardements israéliens ne cessent d’éteindre chaque jour des vies palestiniennes par dizaines à Gaza ? En Cisjordanie occupée, dans l’église évangélique luthérienne de la ville de la Nativité, la traditionnelle crèche de Noël a cédé sa place à une autre mise en scène qui en dit long de l’état de tristesse et d’indignation des Palestiniens. On y voit l’enfant Jésus, emmailloté dans un keffieh, symbole de la résistance palestinienne, seul sur des décombres, les ruines de maisons bombardées. Parce que « si Jésus était né aujourd’hui, il naîtrait à Gaza au milieu des décombres ».
A l’occasion de la messe de Noël, le pasteur Munther Isaac a livré, dimanche 24 décembre, un puissant prêche qui se veut une adresse publique au monde. « Nous sommes en colère. Nous sommes brisés. Cela aurait dû être un moment de joie ; au lieu de cela, nous sommes en deuil », a-t-il introduit.
Le silence vaut pour « complicité de génocide »
« Gaza telle que nous la connaissions n’existe plus. Il s’agit d’une extermination. C’est un génocide. Le monde regarde. Les églises regardent. Les habitants de Gaza envoient des images en direct de leurs propres exécutions. Peut-être que le monde s’en soucie mais cela continue. Nous nous demandons : cela pourrait-il être notre sort à Bethléem ? A Ramallah ? A Jénine ? Est-ce aussi notre destin ? », s’est interrogé l’homme d’Eglise, qui affirme au nom des Palestiniens être « tourmentés par le silence du monde » face au drame à Gaza qui était déjà « l’enfer sur terre avant le 7 octobre ».
« Cette guerre nous a confirmés que le monde ne nous considère pas comme égaux. Peut-être que c’est en raison de la couleur de notre peau. Peut-être parce que nous sommes du mauvais côté de l’équation politique. Même notre filiation dans le Christ ne nous a pas protégés », s’est-il désolé, en accusant les dirigeants occidentaux de complicité dans le génocide en cours.
« A nos amis européens, je ne veux plus jamais vous entendre nous donner des leçons sur les droits de l’Homme ou le droit international. Nous ne sommes pas blancs – cela ne s’applique pas à nous selon votre propre logique », a-t-il déclaré.
« Gaza est aujourd’hui devenue la boussole morale du monde »
Munther Isaac n’a pas manqué d’égratigner les églises dans son prêche. « Nous sommes indignés par la complicité de l’Église. Que ce soit clair : le silence est complicité, et les appels vides à la paix sans appel au cessez-le-feu et à la fin de l’occupation, de même que les paroles superficielles d’empathie sans action directe – sont tous sous la bannière de la complicité. »
« Voici donc mon message : Gaza est aujourd’hui devenue la boussole morale du monde. (…) Si vous n’êtes pas consterné par ce qui se passe, si vous n’êtes pas profondément ébranlé, il y a quelque chose qui ne va pas avec votre humanité. »
« Nous (Palestiniens) nous relèverons comme nous l’avons toujours fait. Mais ceux qui sont complices, j’ai de la peine pour vous, vous en remettrez-vous un jour ? Laissez-moi vous dire que nous n’accepterons pas vos excuses après le génocide. Je veux que vous vous regardiez dans le miroir et que vous vous demandiez : “Où étais-je lorsque Gaza subissait le génocide ?” »
Et de conclure : « Cette crèche est notre message au monde d’aujourd’hui – et c’est simplement ceci : ce génocide doit cesser MAINTENANT. Répétons au monde : ARRÊTEZ ce génocide MAINTENANT. Ceci est notre appel, notre plaidoyer, notre prière. Écoute-nous, oh mon Dieu. Amen. »
Mise à jour : La guerre est « une folie sans excuse ». Dans sa traditionnelle bénédiction de Noël prononcée lundi 25 décembre, le pape François a dénoncé « la situation humanitaire désespérée » à Gaza et a appelé une nouvelle fois à un cessez-le-feu humanitaire ainsi qu’à la libération des otages.
Le souverain pontife a aussi émis le souhait de voir la communauté internationale s’engager pleinement dans la résolution du conflit israélo-palestinien : « Que l’on commence à résoudre la question palestinienne, à travers un dialogue sincère et persévérant entre les parties, soutenu par une forte volonté politique et par l’appui de la communauté internationale. »