Le massacre de Fajr : chaque sac de 70 kg de restes humains est considéré comme un corps

Zainab al-Jaabari, 79 ans, est assise à quelques dizaines de mètres du lieu du massacre. Elle attend le retour des membres de sa famille qui sont allés chercher ses sept fils et petits-enfants, qui se trouvaient dans la salle de prière pour la prière du Fajr au moment des faits.

Les membres de sa famille sont partis voir de leurs propres yeux la réalité du massacre : plus d’une centaine de personnes ont été tuées, et leurs corps sont maintenant dispersés et mélangés dans la salle de prière du quartier de Daraj, dans la ville de Gaza. Leur retard est peut-être dû à l’horreur de ce qu’ils ont découvert, ou peut-être parce qu’ils ne savent pas comment annoncer à Zainab que ses sept fils et petits-enfants ont été tués.

À l’aube du samedi 10 août, l’armée israélienne a bombardé une mosquée alors que des dizaines de personnes déplacées accomplissaient la prière du Fajr, la prière islamique quotidienne du petit matin. Le bombardement a tué plus d’une centaine de personnes, dont la plupart ont été démembrées ou détruites au point d’être méconnaissables. C’est pourquoi l’identification des corps est encore en cours.

La majorité des victimes de ce dernier massacre sont des parents au premier ou au second degré, car la salle de prière que l’armée israélienne a bombardée appartient à une école abritant des familles déplacées de la ville de Gaza. La salle de prière détruite appartient à l’école Tabi’in et n’est utilisée que par les personnes déplacées hébergées dans l’école.

Au moment du bombardement, la salle de prière était remplie d’hommes. Aujourd’hui, de nombreuses femmes, devenues veuves, et de nombreux enfants, devenus orphelins, sont assis devant les salles de classe qui n’ont pas été touchées par le bombardement et attendent de connaître le sort de leur famille.

L’armée israélienne a déclaré avoir bombardé la salle de prière parce que des éléments armés du mouvement du Jihad islamique et du Hamas s’y trouvaient, mais les personnes déplacées qui se trouvaient dans l’école ont confirmé qu’il n’y avait pas d’hommes armés parmi elles. Le Hamas a également démenti les allégations israéliennes et a publié un communiqué affirmant qu’il n’y avait pas d’hommes armés dans l’école.

« Nous vivons dans l’école, plus d’une centaine de familles, il n’y a pas de combattants parmi nous, il n’y a pas d’hommes armés parmi nous, ce sont tous des enfants », a déclaré Zainab al-Jaabari à Mondoweiss.

« L’armée israélienne ne nous a rien laissé ; elle a brûlé les arbres, détruit les maisons, tué les gens et détruit la terre ; que pouvons-nous faire ? Il n’y a rien que nous puissions faire ; nous sommes des enfants et des femmes ici ; nous ne pouvons pas nous battre. Avez-vous déjà vu un pays commettre tous ces actes criminels ? Avez-vous déjà vu des gens à qui tous ces crimes arrivent ? » dit-elle.

« Nous n’avons plus que la prière. Nous prions contre l’Amérique qui aide Israël à nous massacrer, et nous prions contre tous ceux qui nous regardent nous faire massacrer et ne font rien pour nous aider. Nous n’avons plus rien, et il n’y a nulle part où aller ; la seule chose qui nous reste, c’est la mer, et même là, nous trouverons la mort. »

Les filles d’Al-Jaabari se sont rendues à l’hôpital près de l’école bombardée, afin d’identifier leurs frères et sœurs. « Je ne peux pas bouger beaucoup. J’ai envoyé mes filles à l’hôpital pour prendre des nouvelles du reste de mes enfants, mais aucun d’entre eux n’est encore revenu ; tous mes fils et petits-enfants étaient en train de prier au moment du bombardement. »

Quelques heures après le massacre, les noms des corps identifiés ont été annoncés, et parmi eux se trouvaient sept membres de la famille Al-Jaabari. Il s’agit des fils et des petits-enfants de Zainab.

Chaque 70 kilogrammes de restes humains est considérée comme un corps

Dans la mosquée, les gens priaient debout, les uns à côté des autres, et après le bombardement, les fidèles sont restés entremêlés, sous forme de restes et de cadavres. Un grand nombre de palestiniens assassinés n’ont pas pu être identifiés et des familles entières ont été décimées.

Les survivants de ce massacre décrivent une expérience nouvelle et horrible qu’ils sont contraints d’endurer à la suite des bombardements israéliens dans la bande de Gaza : ils ne peuvent même pas identifier les restes de leurs proches.

L’intensité des bombardements ayant empêché les équipes de secours d’identifier de nombreux restes humains, les médecins de l’hôpital baptiste n’ont pas été en mesure d’identifier chaque personne assassinée individuellement. Au lieu de cela, les médecins ont commencé à collecter des parties de corps dans des sacs en plastique et à donner 70 kilos de restes humains à la famille d’un porté disparu.

Hassan Ahmad a expliqué à Mondoweiss avoir longuement cherché le corps de son fils Ali, âgé de 6 ans, mais il n’avait pas trouvé la moindre trace de lui après des heures de recherche. Il s’est alors rendu à l’hôpital baptiste pour demander des nouvelles de son fils ou pour trouver une partie de son corps afin de pouvoir l’identifier et l’enterrer. Après de longues recherches infructueuses, les médecins de l’hôpital baptiste lui ont remis un sac en plastique contenant 18 kilogrammes de restes humains et lui ont dit : « C’est votre fils, allez l’enterrer ».

« Je ne sais pas si c’est mon fils ou non, je ne sais pas ce que je transporte dans ce sac. Ils ont dit que c’était mon fils, mais je ne sais rien et je ne vois rien de mon fils dans ce sac », a expliqué Ahmad.

« Je ramasse les parties du corps de mon mari ».

La voix de Manar Al-Zaim est rauque à force de crier. Elle tremble encore de peur. Manar Al-Zaim, 43 ans, raconte à Mondoweiss comment elle s’est précipitée dans la salle de prière immédiatement après le bombardement pour chercher son mari.

« Les gens priaient là ; ils les ont bombardés avec trois missiles quand le bombardement a commencé, et j’ai vu le feu ; je n’ai pas pu me contrôler ; mon mari était parmi eux. J’ai couru comme une folle pour trouver mon mari ; je suis entrée dans la salle de prière, et le feu y brûlait ; j’ai trouvé un grand nombre de jeunes hommes dont les corps étaient en feu, j’ai essayé d’éteindre les feux dans leurs corps, puis j’ai commencé à chercher mon mari, je ne l’ai pas trouvé, j’ai trouvé certains de ses restes et je les ai reconnus, mais je n’ai pas trouvé mon mari en entier. »

« Nous sommes tous des civils ici, fuyant la mort, les bombardements et la destruction, nous n’avons plus d’endroit sûr, nous n’avons plus d’endroit où aller, voici l’armée israélienne qui tue des centaines de personnes dans la mosquée alors qu’elles priaient, et qu’a fait le monde après ce crime ? »

J’ai vu le carnage de mon père

Muhammad Hamida, 12 ans, raconte à Mondoweiss comment il a retrouvé son père, qui avait été déchiqueté lors de l’attaque israélienne. Il raconte qu’il s’est rendu avec son frère aîné dans la salle de prière après l’attentat pour sauver leur père, qui priait à ce moment-là.

« Lorsque nous sommes arrivés, nous n’avons pas pu entrer à cause de l’intensité du feu, du sang et des morceaux de corps, mais nous voulions vérifier que mon père allait bien. Quelques instants plus tard, nous avons pu entrer dans la salle de prière, mais nous ne pouvions pas supporter la scène. »

« Les gens étaient découpés, il y avait beaucoup de sang sur le sol, et des parties de corps et des petits morceaux de corps d’adorateurs étaient éparpillés partout. Nous avons trouvé mon père allongé sur le sol. Nous l’avons reconnu et nos proches nous ont aidés à le sortir de la salle de prière. Lorsque nous l’avons sorti, nous avons trouvé une tête humaine coincée entre ses pieds. J’étais abasourdi par la peur. Je n’avais jamais vu de telles scènes de ma vie. J’espère ne jamais les revoir. »

« Ils nous tueront tous, nous sommes seuls ici, personne ne se soucie de nous. Ils ont tué mon père, et il y a un mois, ils ont tué mes deux oncles, et ils tueront tous ceux qui restent à Gaza ».

Via
https://agencemediapalestine.fr/

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