L’épreuve palestinienne, pour une lecture apaisée et lucide d’une situation devenue insoutenable
A travers le présent article, nous invitons le lecteur à laisser un bref instant de côté les analyses géopolitiques, économiques et stratégiques qui inondent nos réseaux sociaux et envahissent nos esprits pour passer en revue les histoires des Prophètes et les sagesses de La Révélation qui nous rappellent les lois universelles de l’histoire des Hommes et le déclin inévitable des civilisations imbues de leur arrogance et de leur puissance.
Après l’arrogance, le déclin
Le désastre humanitaire et la furie meurtrière que subit le peuple martyr de Palestine, et qui ont soudain réveillé les consciences à travers le monde, sont l’expression même d’une arrogance qui se considère hors d’atteinte de par son arsenal militaire et le soutien inconditionnel des puissances extérieures. Cette folie des grandeurs d’un Etat qui se place au-dessus des lois internationales, pour déposséder de sa terre un peuple innocent d’un point de vue historique de la persécution des juifs subie en Europe, sera-t-elle éternelle ?
Le langage des puissants asséné par les médias de masse pour rendre ce génocide acceptable, voire moral, peut-il encore prospérer ?
Pour les croyants en un Dieu Unique, toute forme vivante connait une naissance, un essor puis une fin. Une civilisation (forme vivante collective) qui oublie sa finitude et sa place dans la création s’aveugle et ignore qu’elle se trouve être au soir de sa vie sans forcément en prendre conscience :
« Et que tout aboutit, en vérité, vers ton Seigneur, et que c’est Lui qui a fait rire et qui a fait pleurer, et que c’est Lui qui a fait mourir et qui a ramené à la vie » (1)
Chaque fois qu’une cité injuste atteint l’apogée de sa puissance et de son arrogance et se rebelle contre Dieu en tuant, en asservissant, en dépossédant des innocents de leurs biens, elle est frappée par le destin qui régit le royaume de Dieu pour laisser place à d’autres peuples plus justes. Dieu, qui S’est interdit à Lui-même l’injustice et l’a interdite à Ses créatures, est très attentif au sort des éprouvés à qui Il a promis une issue heureuse lorsque ces derniers se montrent endurants : « T’a, Sin, Mim. Voici les versets du Livre explicite. Nous te racontons en toute vérité, de l’histoire de Moïse et de Pharaon, à l’intention des gens qui croient. Pharaon était hautain sur terre ; il répartit en clans ses habitants, afin d’abuser de la faiblesse de l’un d’eux : Il égorgeait leurs fils et laissait vivantes leurs femmes. Il était vraiment parmi les fauteurs de désordre. Mais Nous voulions favoriser ceux qui avaient été faibles sur terre et en faire des dirigeants et en faire les héritiers, et les établir puissamment sur terre, et faire voir à Pharaon, à Haman et à leurs soldats, ce qu’ils redoutaient. (2)
Lecture méditative de l’histoire
L’histoire des Prophètes dans le Saint Coran n’a pas pour rôle, dans la vie des croyants, de nous extraire de la réalité et fuir vers un monde imaginaire fait de légendes pour apaiser nos émotions. Elle nous est au contraire relatée en s’adressant au cœur et à l’esprit, pour en tirer des leçons et des exemples qui nous font prendre de la hauteur, nourrissent nos volontés et orientent notre agir pour dépasser les difficultés. La résistance du peuple martyr palestinien en est un exemple édifiant !
C’est avec un double regard que les croyants doivent lire la situation tragique en terre de Palestine : une lecture coranique qui nous rappelle que rien n’échappe au dessein de Dieu et que toute situation aussi pénible soit-elle ne dure qu’un temps, et une lecture responsable qui mobilise toutes les facultés humaines et les moyens disponibles pour agir avec courage et sagesse.
Citons à ce titre l’imam Abdessalam Yassine qui écrit dans l’un de ses ouvrages : « Dieu dit dans ce hadith qodsi rapporté par le Prophète « Je traite Mes serviteurs selon l’opinion qu’ils ont de Moi. Je suis avec eux quand ils invoquent Mon Nom ». Les absents sont solidement carrés dans leur individualité superficielle, confiants en leurs forces. Ils ne comptent que sur eux-mêmes pour pousser leur barque. Le fidèle, lui, se confie à Dieu et Lui expose continuellement les difficultés qui le distraient de Son chemin. Demander aide et assistance à Dieu est une manière de ne pas perdre de vue la Volonté qui dirige tout au moyen des nomos (lois naturelles) réguliers. Respecter les lois de la causalité est un devoir pour le fidèle ; il faut qu’il fasse effort, il faut qu’il aille jusqu’au bout de ses forces dans l’accomplissement du devoir. Mais en même temps, il doit se souvenir, par l’invocation de Dieu répétée à longueur de journée, que toute loi et toute force viennent de Lui. Dans les actes d’adoration comme dans l’action ordinaire, la présence du fidèle à Dieu ne laisse pas les vents violents de la conjoncture nous emporter ni l’arrogance égoïste nous imposer sa souveraineté. » (3)
Rappelons que le monde musulman, aujourd’hui blessé par l’état d’occupation de la Palestine et du troisième lieu saint de l’Islam à Jérusalem, a connu des périodes bien plus sombres dans l’histoire comme ce fut le cas de l’invasion des Tatares au quatorzième siècle. Les armées mongoles, menées par Gengis Khan, détruisaient toutes les capitales de l’Orient musulman, y répandirent la terreur en exterminant les populations sans épargner personne et en supprimant toute trace de civilisation. En 1258, Baghdad, capitale abbasside, fut littéralement détruite: on comptabilisait plus d’un million de morts en à peine 40 jours ! Le sort des musulmans de cette époque en Orient fut aggravé par l’alliance organisée entre les Tatares et les chrétiens qui avait pour dessein d’éradiquer la présence des Musulmans (considérés comme infidèles) du continent asiatique et de récupérer la Ville sainte de Jérusalem.
Ce sont deux phénomènes historiques marquants qui mirent un terme à la catastrophe. Tout d’abord la bataille de `Ayn Jâlût (en actuelle Cisjordanie) en 1260 où les troupes musulmanes mobilisées depuis l’Egypte par Sayf Ad-Dîn Qutuz (4) remportèrent une victoire définitive alors que nombre de villes s’étaient résignées à la soumission des Tatares avant d’être massacrées. Puis par la suite, les Mongols embrassèrent l’Islam.
Ce renversement de situation sauva à la fois la civilisation musulmane de la destruction et de l’anéantissement et protégea également le monde occidental de l’invasion Tatares à laquelle aucun roi d’Europe n’aurait pu échapper.
Apprendre et développer la Certitude
L’attitude des croyants, vis-à-vis de la Parole divine qu’est le Saint Coran, est de se laisser guider et pénétrer par la lumière et la force spirituelle qu’il contient. Sa force spirituelle nous permet de refouler les peurs et sentiments négatifs qui poussent à la passivité et au désespoir et qui paralysent notre volonté d’agir et d’être acteur.
« Apprenez la certitude [Yaqine] de la même façon que vous apprenez le Coran, quant à moi je l’apprends sans cesse » (5), enseignait le Prophète (paix et Bénédiction sur lui) à ses compagnons. Développer une relation personnelle avec le Coran nous donne l’occasion de construire, au fil des évènements de notre vie, une foi sans faille et pleine de certitude. Cet apprentissage du Coran se fait avec l’apprentissage de la Foi. Ce dernier ne s’acquiert pas à travers les livres mais à travers des cœurs vivants et la bonne compagnie [Sohba].
L’exemple des compagnons du Prophète (paix et Bénédiction sur lui) est édifiant. Ils subissaient à la Mecque des épreuves pénibles mais avaient la certitude d’un changement en écoutant et apprenant les versets qui étaient révélés. Il leur arrivait de découvrir la profondeur et la réalité d’un verset des années après sa descente comme ce fut le cas du verset suivant : « Leur rassemblement sera bientôt mis en déroute, et ils fuiront » (6).
C’est quand l’étau semble se resserrer que l’ouverture et le secours de Dieu sont proches : le Prophète Ibrahim, paix sur lui, a été sauvé en étant jeté dans le feu. L’attitude des croyants est de se mettre au diapason avec la Promesse divine et ne pas succomber à la pression du « Quand viendra le secours ?!!! » (7). Face à la mer, encerclés par Pharaon et ses armées, les gens dirent : « Nous allons être rattrapés » alors que Moïse déclara avec force-certitude : « Jamais, car j’ai avec moi mon Seigneur qui va me guider ». (8)
Cette démarche prophétique qui conjugue la patience et la certitude confère aux croyants un rôle de guidance et de leadership au sein de la cité : « Et Nous avons désigné parmi eux des dirigeants qui guidaient (les gens) par Notre ordre aussi longtemps qu’ils enduraient et croyaient fermement en Nos versets ».(9)
Le monde est aujourd’hui en convulsion et à la croisée de deux chemins possibles entre un naufrage si rien n’est fait ou une renaissance civilisationnelle d’un monde apaisé et reposé de la folie trépidante qui empêche les Hommes de vivre en paix. Un monde assagi qui donnera l’occasion aux Hommes de s’interroger sur le sens de l’existence dans ce court passage sur Terre et de retrouver le chemin d’une réconciliation avec le Créateur débordant d’amour. Un monde ouvert à la sympathie et à la compassion pour l’Homme qui tourne définitivement le dos au paradigme du « choc des civilisations », et où les bonnes volontés orientent leurs efforts vers un projet commun utile pour l’Homme. Cet Homme qui passera un court séjour sur terre, qui mourra et ressuscitera pour rendre compte de ses actes ici-bas, qui pèseront sur son devenir éternel.
Nous prions Dieu le Très Haut qu’Il nous accorde la certitude, la guidance et la persévérance dans le Bien, Amine.
Article paru en novembre 2023
- Coran : Sourate L’étoile, versets 42 à 44
- Coran : Sourate Le récit, versets 1 à 6
- La révolution à l’heure de l’islam – page 186-187
- Vendu comme esclave par les mongols à Damas dans son enfance, il partit ensuite au Caire où le destin l’amena à être service du général des armées `Izzeddîn Aybak pour se voir par la suite obligé de prendre la gouvernance du Sultanat en déposant l’enfant Sultan héritié du trône et répondre à l’urgence de mobiliser les troupes et défendre la Syrie et l’Egypte de la menace Tatare qui avait envahi et saccagé les terres d’Irak. En dépit de la psychose qu’avaient insufflée partout les tatares, il réussit à convaincre les princes à la mobilisation et préparer la bataille qui se déroula durant le mois du Ramadan. Cette journée qui fut marquée par son cri de mobilisation « Wâ Islâmâh ! » qui fut décisif pour renforcer le moral des troupes et regagner la confiance. Ce fut une première depuis longtemps où les mongoles étaient défaits et leur expansion inhibée. Cette victoire fut salvatrice pour le monde musulman et la civilisation humaine.
- Hadith rapporté par Ibnou Abou Dounya
- Coran : Sourate la Lune, verset 45
- Coran : Sourate la Vache, verset 214
- Coran : Sourate les Poètes, versets 61-62
- Coran : Sourate la prosternation, verset 24