L’hospitalité, une vertu reconnue
Le mot hospitalité vient du latin hospitalistas. Il désigne la charité ou la politesse dont on fait preuve en recevant, logeant gratuitement les étrangers, les passants. Plus largement, ce mot désigne l’action de recevoir autrui chez soi. Pendant longtemps elle a été considérée comme un geste charitable qui consistait à recueillir, loger et nourrir gratuitement les pauvres et les voyageurs, en particulier les pèlerins.
Ainsi chez les chrétiens, certaines abbayes avaient l’obligation de les accueillir pendant quelques jours. Exercer l’hospitalité c’était donc faire preuve de vertu. Ainsi l’hospitalité est une qualité sociale avant d’être une qualité individuelle. L’accueillant et l’accueilli peuvent tous deux être appelés « hôte ».
En Islam, l’hospitalité est aussi une qualité à acquérir par tout croyant ayant le désir de cheminer vers Dieu. Ainsi le Coran en relate un exemple à travers le prophète Abraham, qui est un modèle d’hospitalité, de charité et de générosité à l’égard des hôtes ; « Le récit des honorables hôtes d’Abraham t’est-il parvenu ? Quand ils entrèrent chez lui et dirent : ‘Paix !’, Abraham leur répondit : ‘Paix, gens inconnus !’ Puis il alla discrètement trouver les siens et apporta un veau bien gras, qu’il présenta à ses hôtes, puis leur dit ensuite : ‘Vous n’en mangez pas ?’ »[1]. Ces invités qu’Abraham ne connaissait pas étaient en fait des anges. C’est à cette occasion que lui fut annoncée la bonne nouvelle de la venue prochaine de son fils Isaac. Offrir le repas à son hôte relève donc de l’hospitalité et de la solidarité comme l’écrit le professeur Abdessalam Yassine : « Manger et donner à manger sont des actes simples par lesquels s’éprouve en premier le bien-être et se vit la solidarité. »[2] Cette vertu d’hospitalité est donc également liée à d’autres vertus telles que la solidarité, le don, la fraternité (au sens large).
Le Prophète Mohammed, paix et salut de Dieu sur lui, est tout comme Abraham (et bien d’autres Prophètes, hommes et femmes pieux), un modèle d’hospitalité. « Quiconque a foi en Dieu et en la vie dernière doit honorer ses hôtes, faire des dons à sa parenté et se taire tant qu’il n’a rien d’utile à dire. »[3] dit le Prophète. Son hospitalité n’était pas réservée aux musulmans, mais il accueillait volontiers tout être humain quels que soient son statut social et ses croyances. Un jour un groupe de chrétiens venus d’Abyssinie arriva à Médine, il les accueillit chez lui et se chargea personnellement de les servir jusqu’à la fin de leur séjour.
La vertu d’hospitalité en Islam fait donc abstraction du statut social ou de la confession de l’hôte; ainsi « l’effet social [du don et de la générosité] se manifeste par la disparition de la haine entre les pourvus et les dépourvus […] »[4]
Comme observé à travers les récits de nos pieux prédécesseurs, l’hospitalité est régie par des règles de bonne conduite. L’hôte doit tout d’abord accueillir son invité avec un visage souriant et être à l’écoute de ses besoins. Il est souhaitable qu’il lui offre un repas en le servant généreusement sans pour autant être excessif ou se mettre dans la gêne ; l’hôte doit donner ce qu’il peut dans ses moyens et l’invité ne doit pas mépriser ce qu’on lui offre (aussi modeste soit le don). L’hôte doit également lui réserver un lit ou un espace où il se sentira à son aise. De son côté, l’invité doit s’efforcer d’être ponctuel pour ne pas incommoder son hôte par son retard ou son avance. Son comportement doit être humble et modeste.
Concernant la durée du séjour, le Prophète dit : « Que celui qui croit en Dieu et au jour dernier reçoive généreusement son hôte avec ce qui lui revient de droit. ». Certains demandèrent : « Et quel est son droit, Prophète de Dieu ? » – « Une nuit et un jour. L’hospitalité étant de trois jours, tout ce qui excède cette période constitue alors une aumône »répondit le Prophète. [5]. A la fin du séjour de l’invité, l’hôte se doit de le raccompagner jusqu’à l’extérieur de la maison, c’est une marque de respect à son égard.
En conclusion, le croyant doit être, fort de cette qualité, un refuge pour ses frères et sœurs en Islam comme en humanité. Ainsi le Professeur Abdessalam Yassine écrit : « Le passant, ami ou inconnu, doit trouver, partout chez ses frères, abri et nourriture. L’hospitalité est une vertu institutionnalisée en Islam. »[6].
Au temps de la covid-19, avec les récents confinements, les mesures barrières (aussi nécessaires soient-elles), cette pratique de l’hospitalité est menacée et risque d’être délaissée en vue de protéger notre santé. Aujourd’hui, avec la crise économique et l’individualisme qui règnent déjà depuis un certain temps, et la nette augmentation du repli sur soi lié à la pandémie, ouvrir sa demeure à un étranger dans le besoin comme à un ami ou à un parent, relève de l’effort, du don de soi, de son temps et de ses biens ; œuvre aimée de Dieu le Très-Haut.
C est vraiment très intéressant, merci de ces explications. L hospitalité des musulmans m est apparue il y a longtemps et j en avais presqu été gênée à l époque, n ayant pas l habitude d être reçue avec autant de spontanéité et d attention.
Ce que vous dites en fin de texte sur le danger de repli sur soi et de perte de ces belles valeurs dans ce contexte de crise et de retour à l individualisme est important, voire capital.
Néanmoins j ai confiance en l être humain. Il sait où se situe le bon chemin