Le jeune Abraham face au feu
Dans le récit coranique, l’histoire d’Abraham face à son peuple est de celles qui donnent la force et le courage d’affronter les obstacles, et de se lever pour ce qui est juste et bon.
Abraham, paix sur lui, était déjà avant cet évènement du feu miraculeux un jeune homme courageux et recherchant la vérité et le sens. Il était un chercheur de vérité. Confronté aux croyances des gens de son époque, il se questionna. Il arrive parfois que, dans certaines sociétés, – y compris ce que nous pouvons nous-mêmes vivre à notre époque ! -, questionner les certitudes établies soit vivement reproché, critiqué, voire censuré ou puni.
Après avoir mûrement réfléchi, “C’est ainsi qu’il dit un jour à son père et à son peuple : “Que signifient ces statues auxquelles vous montrez tant d’attachement ?”. – “Nous avons trouvé, répondirent-ils, nos ancêtres attachés à leur culte !” – “Vous étiez assurément, répliqua Abraham, vous et vos ancêtres, dans un égarement évident !”
Bien que sûr de ses convictions, il adopte un discours empreint de sagesse et d’affirmation pour inciter son peuple à être dans une démarche de réflexion et de remise en question de l’ordre établi. Dans ces trois premiers versets, on peut déjà noter le grand courage d’Abraham, qui fait face notamment à son père, figure d’autorité, et à l’entourage dans lequel il a grandi, des personnes avec lesquelles donc il a probablement des liens d’affection. Bien souvent, quand nous ne sommes pas assez enracinés dans cette recherche de vérité et de justice, la peur de perdre l’affection et l’amour de nos proches nous fait taire, nous dissuade de nous affirmer pour le vrai. On ne veut pas “blesser”, contrarier nos êtres chers et l’on se tait. Mais en faisant cela, non seulement nous nous faisons du tort à nous-mêmes, et nous faisons aussi du tort à nos proches qui ont droit à cette porte de la remise en question, même s’ils choisissent finalement de l’ignorer ou la repousser.
Jeune homme, il a su faire le tri dans ce qu’on lui avait inculqué, et ne garder que ce qui lui paraissait juste et bon. Quand on fait ce travail de remettre en question notre héritage spirituel, familial et culturel, il ne s’agit pas de tout rejeter en bloc, mais d’examiner, pas à pas et avec sagesse ce qui constitue notre histoire et nos appartenances, et de ne garder que le meilleur.
Cela nous enseigne aussi par ailleurs que l’on ne peut vivre sereinement dans notre milieu de vie que si l’on affirme pleinement ce que nous sommes, sans l’imposer à autrui, et sans le cacher ou le diminuer non plus, dans la limite du respect de chacun et de la Vie.
Devant la réponse première de son peuple, il imagine une tactique pour les amener encore à faire bouger les certitudes. “Par Dieu, se dit-il, je jouerai un mauvais tour à vos idoles, dès que vous aurez le dos tourné !” Et effectivement, il les mit en pièces et n’épargna que la plus grande statue, pensant que les idolâtres s’en prendraient à elle.”
Chercher à “convaincre” quelqu’un, à lui faire changer de perception en lui imposant notre propre raisonnement apporte rarement ses fruits. Dans le meilleur des cas, souvent, la personne nous donnera un acquiescement de surface, juste pour que nous la laissions tranquille. Elle pourra réagir aussi en nous tournant le dos. Dans tous les cas, la résistance intérieure à notre discours sera présente. Abraham, paix sur lui, cherche donc encore à les interpeller, à piquer leur curiosité. Il ne sous-estime pas ses interlocuteurs.
Bien qu’étant convaincu de ses positions, il fait appel à leur intelligence et à leur bon sens :
“Est-ce toi, Abraham, lui demandèrent-ils, qui as fait cela de nos dieux ?” – “C’est le plus grand d’entre eux que voici qui l’a fait, répondit-il. Interrogez-les donc, si toutefois ils peuvent parler !” – “Alors, s’étant concertés, ils se dirent : “Après tout, c’est nous qui étions dans l’erreur !” Puis, changeant brusquement d’avis, ils dirent à Abraham : “Tu sais bien que les idoles ne parlent pas !” – “Comment pouvez-vous alors, répliqua Abraham, adorer en dehors de Dieu des divinités qui ne peuvent ni vous être utiles ni vous nuire ? Fi de vous et de ce que vous adorez en dehors de Dieu ! N’êtes-vous donc pas raisonnables ?”
L’approche subtile et diplomate d’Abraham porte ses fruits ! Il a bien fait bouger les lignes, il a ouvert la porte à la remise en question qui a été saisie, mais…! Mais la partie adverse n’est pas décidée à changer l’ordre établi, donc face aux enjeux de pouvoir et aux egos de chacun, elle se rétracte…
“Jetez-le au feu, s’écrièrent les idolâtres. Faites triompher vos dieux, si vous avez la volonté de les défendre !” – “Nous dîmes alors : “Ô feu ! Sois pour Abraham d’une fraîcheur salutaire !” Ils voulaient la perte d’Abraham, mais c’est d’eux que Nous fîmes les plus grands perdants.”
Quand une personne ou une société connaît son tort mais refuse d’évoluer, le dernier recours, qui est en fait un aveu de faiblesse et de défaite, est la violence.
Abraham, quant à lui, devant l’hostilité et l’obstination, aurait pu fuir, s’exiler pour vivre sa foi en paix et en sécurité, mais il est resté. Il a affronté la difficulté, il a continué à résister en ayant la confiance absolue en Dieu que l’issue serait bénéfique quoi qu’il en soit.
Pour lui, mieux vaut se sacrifier ou s’exposer au danger plutôt que se plier à l’injustice et au mensonge. La certitude de son sens de la justice et de la vérité, et sa certitude en Dieu, l’ont préparé à résister quelles que soient les conséquences. Quand on est certain d’être épaulé par Dieu, le supplice “s’adoucit” par l’Assistance et la Miséricorde de Dieu. Et Il est Capable de tout miracle qui sort de notre vision terre-à-terre.
Paix sur Abraham !
Inspirons-nous des nombreuses qualités dont Dieu lui a fait grâce : sa détermination, sa douceur, sa pédagogie, son intelligence, sa force, et tout cela soutenu par sa certitude absolue en Dieu !