Qu’est-ce que s’engager pour Dieu ? (4/4)

Les obstacles à l’engagement.

Dieu guide aux chemins du salut ceux qui cherchent Son agrément. Et Il les fait sortir des ténèbres à la lumière par Sa grâce. Et Il les guide vers un chemin droit.” (Sourate 5 ; verset 16). L’essentiel des « ténèbres » qui font obstacle à l’engagement pour Dieu sont en nous-mêmes.

Elles se sont accumulées au fil du temps et menacent constamment de reprendre épaisseur. De quoi ces ténèbres sont-elles constituées ? Le premier niveau constitutif, la première épaisseur, la plus difficile à dépasser est l’égo. Le Prophète (SAWS) nous a dit à ce sujet : « Celui qui se connait, connait alors son Seigneur ». La connaissance de Dieu est donc conditionnée par la connaissance de soi. Cette connaissance a une visée : la maîtrise de soi. Elle seule permet l’orientation de la personne vers son Seigneur. L’égo est centripète. Il nous pousse loin de l’essentiel, de ce cœur de l’être qui veut Dieu. Alimenté par nos vaines peurs, nos envies, nos passions, nos impatiences, il nous disperse, nous épuise, nous prive de la meilleure part de nous-mêmes, qui est désir de Dieu.

Le deuxième niveau constitutif des ténèbres personnelles est formé par les habitudes. Ces dernières pourraient être définies comme la cristallisation des passions, leurs solidifications. Quand l’habitude s’enracine dans le cœur, il devient extrêmement difficile de l’en déloger, tant elle apporte de bénéfices à l’égo, quand bien même ses conséquences néfastes apparaissent clairement. La difficulté à se débarrasser de ces habitudes, dont les caractéristiques sont d’être chronophages et centripètes, est triple : la plupart du temps, une habitude est largement inconsciente (pour autant qu’elle ne soit pas manifestement néfaste), ensuite, elle apporte un certain nombres d’avantages à l’égo (elle détourne des questions essentielles : qui suis-je ? quel est le sens de mon existence ? etc.), enfin, elle est « installée ». On pourrait rajouter une quatrième difficulté à quitter une habitude : certaines d’entre elles ne sont ni néfastes (à la santé, par exemple), ni, a priori, mauvaises en elles-mêmes (en quoi regarder la télévision, ou consulter mon compte Facebook, un peu tous les soirs serait-il une mauvaise habitude dont je devrais me débarrasser ?). Ces petites habitudes quotidiennes deviennent de grands obstacles au cheminement dès lors qu’il devient difficile de s’en passer, dès lors qu’elles constituent des passages obligés dans mon quotidien, et ce quelle que soit la quantité de temps consacré. L’habitude est la conséquence d’une perte, fut-elle partielle, de maîtrise de soi. Quand l’habitude s’installe, ce n’est plus moi qui me dirige vers une activité particulière, c’est en quelque sorte cette activité qui se dirige vers moi. A ce stade, il n’est pas question de quantité. Même dans le cas où je ne consacre que dix minutes à mon compte Twitter, si je ne réalise pas que je ne sais plus me passer de ces dix minutes, cette activité est devenue une habitude et en tant que telle constitue une obscurité de plus entre moi et Dieu. Le propre de l’habitude étant par nature de priver celui qui en est l’objet de toute intentionnalité, il va de soi qu’aucune intention pour Dieu ne peut être formulée…

Le troisième niveau constitutif des ténèbres personnelles est formé par les mentalités propres au groupe originel, qu’il soit social, culturel, national ou autre. On pourrait définir les mentalités comme des habitudes de pensée. En philosophie, cette notion correspond en partie au concept d’opinion, communément définie comme un ensemble d’idées que l’on se fait à propos de telle ou telle chose tout en exerçant sur cette chose un jugement. La différence, néanmoins, réside dans le fait que les mentalités ressortent, presqu’exclusivement, du domaine collectif. Les mentalités sont, en effet, le fruit de modes de pensée préétablis qui dispensent de toute réflexion. Mais les mentalités ne sont pas exclusivement du domaine de la pensée. Elles portent à conséquences, induisent des habitus, des comportements. En tant que telles, et dans la mesure où elles sont fondées sur des habitudes de pensée collectivement admises pour vraies, valables ou justes, elles forment bien une dernière obscurité entre l’homme et Dieu, dont l’un des noms est le Vrai. Les mentalités éloignent de la Vérité puisqu’elles en font l’économie. Peu importe, du point de vue des mentalités, qu’une chose soit, en dernière analyse, fausse, l’essentiel est qu’elle soit communément admise et donnée pour vrai, du moins valable.

Nous avons esquissé trois niveaux de ténèbres qui se dressent, comme autant d’obstacles, sur la route de celui qui cherche à foncer vers le sommet, c’est-à-dire à connaître Dieu. Il s’agit bien évidemment d’obstacles intérieurs. Il est des obstacles d’une autre nature, sur lesquels nous ne nous attarderons pas, et qui, eux, sont exogènes (des contextes particuliers qui empêchent l’expression sereine et libre de la foi, etc.).

Nous terminerons notre bref exposé en évoquant une notion essentielle : l’intention. C’est en effet elle qui va faire de tel ou tel engagement un engagement pour Dieu, ou un engagement pour une toute autre raison. Comme nous l’avons rappelé plus haut, suivant en cela la définition du dictionnaire Robert, l’engagement est aussi un pacte. Il recouvre donc une dimension morale. Or la notion de pacte est récurrente dans le Livre de Dieu. Nous citons à titre d’exemple les versets 19-21 de la sourate Le tonnerre : « Celui qui sait que ce qui t’est révélé de la part de ton Seigneur est la vérité, est-il semblable à l’aveugle ? Seuls les gens doués d’intelligence réfléchissent bien – ceux qui remplissent leur engagement envers Dieu et ne violent pas le pacte, – qui unissent ce que Dieu a commandé d’unir, redoutent leur Seigneur et craignent une malheureuse reddition de compte », le verset 91 de la sourate Les abeilles : « Soyez fidèles au pacte de Dieu après l’avoir contracté et ne violez pas vos serments après les avoir solennellement prêtés et avoir pris Dieu comme garant [de votre bonne foi]. Vraiment Dieu sait ce que vous faites ! ».

Du point de vue qui nous intéresse ici, le pacte est le garant de l’intention, il en est la concrétisation et porte en lui une notion que nous n’avons pas abordé mais avec laquelle nous aimerions conclure : il s’agit de la notion de responsabilité. L’intention en islam est un engagement envers Dieu et fait de l’homme, dans le même temps, un être responsable. Pas d’engagement pour Dieu sans pacte (sous une forme ou une autre), pas de pacte sans sens des responsabilités et, enfin, pas de sens des responsabilités envers Dieu sans crainte de Lui.

 

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