Le Père, ce héros : Aimer la mère de ses enfants
Les premières années de vie d’un individu sont importantes pour son accomplissement. Déterminantes, en majorité, pour l’adulte qu’il deviendra. « L’enfant est le père de l’adulte », écrivait le poète anglais William Wordsworth. Il en est le constructeur, pour emprunter l’expression de Maria Montessori. Cela pour dire que l’adulte n’est autre que le fruit de l’enfant ; un enfant dont les besoins auraient été congrûment ou incongrûment satisfaits. De ce fait, « le bien ou le mal de l’homme mûr a des liens d’étroite dépendance avec la vie de l’enfant qui est à son origine. »[1]
Ce bon départ dans la vie est naturellement garanti par le creuset de la famille, dont les principaux architectes sont la mère et le père. En effet, l’influence des parents a une incidence importante sur cette prime nature, dont Dieu a doté chaque nouveau-né et que le Coran et la Sunna nomment « al-fitra ». Selon la parole prophétique, ce sont nettement eux qui, par leur action éducative, préservent celle-ci ou la dévient de sa destination originelle, à l’image de la bête de somme qui naît sans difformité et dont la marque à l’oreille n’est autre que l’action de son éleveur. « L’enfant est la création de Dieu et l’œuvre de l’Homme », écrit l’Imam Abdeslam YASSINE. Tout bien considéré, les parents sont les modeleurs de l’enfant qui sera l’architecte de l’adulte qu’il deviendra.
Certes, la famille c’est d’abord la mère. Elle y occupe une place centrale, notamment par son rapport à l’enfant. D’ailleurs, l’abondance des écrits et des sermons à son sujet en témoigne. Toutefois, mon intérêt portera plus sur l’autre éducateur principal, en l’occurrence le père. Aussi, cet écrit ne se veut guère être l’éloge de celui-ci comme le laisserait entendre son titre, mais il a plus pour objet de rappeler le rôle important qu’il joue auprès de l’enfant et l’impact majeur de son implication aussi bien, active que passive, dans son développement. Pour cela, je m’appuierai sur trois sagesses populaires provenant d’horizons culturels divers et riches d’enseignements. Elles sont les suivantes :
1- Le plus beau cadeau qu’un père puisse faire à ses enfants, c’est d’aimer leur mère. (T. Hesburgh)
2- La mère aime tendrement, le père aime solidement. (Proverbe Italien)
3- L’amour d’un père est plus haut que la montagne, l’amour d’une mère est plus profond que l’océan. (Proverbe Japonais)
Le plus beau cadeau qu’un père puisse faire à ses enfants, c’est d’aimer leur mère.
La manière dont le père et la mère interagissent et se soutiennent dans leurs fonctions parentales semble bien avoir un impact sur le développement de l’enfant. « Les parents s’aiment et les enfants récoltent », s’intitulait dûment un article. Lorsqu’ un père aime tendrement son épouse, on peut en effet dire qu’il fait d’une pierre plusieurs coups.
Tout d’abord, il encourage la mère à lui aménager une place entre elle et l’enfant, transformant ainsi la dyade mère-enfant en une triade mère-père-enfant, celle-ci étant nécessaire pour tempérer l’union fusionnelle mère-enfant. De ce fait, le père est un tiers séparateur. Par sa présence, il offre à la mère un espace où elle pourrait retrouver sa féminité et sa place d’épouse, et par conséquent, marquer une frontière physique et psychique entre elle et l’enfant. De surcroît, étant adéquatement séparé de la mère, l’enfant se singularise en prenant conscience de ses propres ressources, il s’ouvre au monde et acquiert peu à peu son autonomie. Dans son rôle du tiers séparateur, le père est ainsi à l’image du placenta ; ce filtre qui s’interpose miraculeusement entre le corps de la mère et celui du fœtus pour régler leurs échanges et les empêcher de s’entre-tuer, sans pour autant rompre leur symbiose qui leur est à tous deux, indispensable.
Ensuite, par son amour pour « la mère », le père promeut un environnement réconfortant et protecteur, propice au développement d’un sentiment de sécurité et de confiance chez l’enfant. Des études ont effectivement montré que le bon comportement du père influerait positivement sur le comportement de la mère. Elle serait alors, plus sereine, plus compréhensive, plus attentive émotionnellement, plus réceptive et plus disponible pour l’enfant[2]. De plus, l’attachement de l’enfant à la mère serait alors plus sécurisant et favoriserait par conséquent, un meilleur développement émotionnel, cognitif et social de l’enfant. Il se sentirait confiant, autant dans ses capacités que dans son environnement, qui aurait convenablement répondu à ses besoins par le réconfort et la protection.
Tout autrement, si le père est mal aimant, son attitude serait à même de conduire la mère à le disqualifier, à réfuter son rôle paternel et sa place d’éducateur, et à n’accorder aucun crédit à son autorité. Insciemment, il serait donc absent et manquerait infailliblement à son rôle de tiers séparateur. Une absence qui n’aiderait guère la mère à établir des frontières entre elle et l’enfant et élèverait davantage le risque d’une emprise, voire d’une intrusion physique et psychique de la mère dans l’intimité de l’enfant, qu’elle verrait, à faux, comme une continuité de sa personne. L‘enfant serait alors enfermé dans, ce qu’Aldo Naouri appelle « un utérus virtuelle extensible à l’infini ». Dans ce cas, l’enfant serait, au mieux, l’objet d’une attention maternelle excessive, qui guetterait, voire, devancerait la manifestation du moindre de ses besoins et s’empresserait de les satisfaire. La maturation émotionnelle et l’autonomisation de l’enfant s’en trouveraient ainsi freinées. « Les filles chouchoutées à l’excès et les fils outrageusement gâtés, demeurent des petits enfants en terme de sagesse et de maturité psychologique, et ce, même quand ils atteignent l’âge de la trentaine. », écrit l’Imam Abdeslam YASSINE.
De même, une relation parentale, empreinte de conflits intenses, entraînerait un parentage colérique. Le père comme la mère y seraient peu disponibles émotionnellement et auraient des comportements rejetants et contrôlants à l’encontre de l’enfant.
A suivre…
[1] M. MONTESSORI, L’Enfant. 2016, p. 15.
[2] Parke et Anderson, 1987 ; Snarey, 1993