Chroniques Titaniciennes
Le bateau fonce vers l’iceberg ! Et chacun, chaque groupe d’intérêt et chaque communauté ne pense qu’à sauver sa peau en se réservant un canot de sauvetage…comme les autres privilégiés, quitte à laisser mourir les ouvriers en soute. Et les musulmans n’échappent malheureusement pas à la règle. En attendant l’impact, apprenons un peu à nager. Qui sait, on aurait peut-être envie de ligoter l’amiral et de changer de direction…tous ensemble. Donc, petit tour d’horizon de l’actualité des dernières semaines.
Syriza ou l’impossibilité de s’opposer au cartel bancaire
La Grèce doit de l’argent…comme tous les autres pays de l’union. La faute à des comptes trafiqués par d’anciens dirigeants (avec l’aide malveillante de Goldman Sachs –c’est vérifiable) qui se sont gavés au passage, laissant ainsi un pays et un peuple face à la Troïka.
La Troïka c’est quoi ? C’est tout d’abord la Commission Européenne, ensemble de bureaucrates nommés, et non élus, sous influence de groupes d’intérêts divers (intérêts souvent contraires à ceux des gens ordinaires). Ensuite, c’est la Banque Centrale Européenne présidée par Mario Draghi, ancien président de Goldman Sachs (encore eux) et chargée en gros de tenir les comptes des banques de tous les pays européens. C’est enfin le FMI, anciennement dirigé par DSK, qui a connu depuis quelques mésaventures, et qui a maintenant Christine Lagarde à sa tête. Le FMI a pour but de « promouvoir la coopération monétaire internationale, garantir la stabilité financière, faciliter les échanges internationaux, contribuer à un niveau élevé d’emploi, à la stabilité économique et faire reculer la pauvreté». Sur le papier c’est beau. Dans la réalité, ce sont eux qui envoient les huissiers. Le FMI reste une institution au service de la puissance américaine et permet à cette dernière de maintenir sa position dominante sur l’échiquier mondial.
La Troïka dit qu’il faut payer les créanciers. Et malgré l’austérité imposée (qui a conduit entre autre à un appauvrissement de la population et une hausse des divorces et des suicides) et l’excédent primaire positif obtenu en très peu de temps, la Grèce n’a toujours pas assez pour rembourser ses créanciers. Et hors de question d’effacer une partie de la dette, ce dont l’Allemagne put bénéficier en 1953 alors qu’elle se reconstruisait. Devant l’intransigeance de la Troïka, Syriza et son leader Alexis Tsipras décidaient de rendre le peuple grec souverain en soumettant la proposition abjecte de l’Eurogroup à un référendum. Le Non l’emporta et l’espoir commençait alors à naître au sein des eurosceptiques et des opprimés.
Mais très rapidement l’espoir s’envola. Varoufakis démissionnait le soir même de la victoire. On apprenait quelques jours plus tard que Tsipras avait rejeté le plan B du brillant ex-ministre de l’économie. Syriza signait ensuite un accord proche de la proposition précédente. Tsipras a sans doute eu peur de précipiter son pays dans l’inconnu et de risquer d’être le responsable d’un possible échec menant au chaos. Il ne fait au final que retarder l’échéance et la problématique se reposera dans trois ans. Quant à nous, pauvres gens d’en bas, nous avons assisté une fois de plus à la victoire du cartel bancaire. Nous avons tout de même compris que pour rembourser une dette contractée par d’autres, il faut emprunter de l’argent. Argent qu’il faudra également rembourser en peu de temps grâce à … un autre emprunt ! Incohérence du système capitaliste et bonheur des banksters !
L’éternel débat communiste
Je suis toujours naïvement surpris lorsque je vois paraître dans un journal, un énième dossier sur les « ravages du communisme ». Ceux-ci s’emploient à démontrer que Lénine et Staline ont trahi les idéaux marxistes pour mettre au monde une idéologie comparable à celle du nazisme. Hitler serait un enfant de chœur à côté de Joseph Staline. Pacte Germano-soviétique, famine organisée en Ukraine, collectivisation des terres forcées, goulags, etc. Alors qu’on parle d’une période complexe, l’analyse géopolitique tient toujours sur quatre pages et omet constamment le rôle des forces de l’occident. On oublie qu’en août 44, 61% des français estimaient que l’URSS avait le plus contribué à la défaite des nazis. Les Etats-Unis arrivaient en seconde position avec 29,3% des voix.
Aujourd’hui, grâce à ce fantastique et efficace outil de propagande qu’est Hollywood, les statistiques se sont inversées. Les deux bombes nucléaires sur Hiroshima et Nagasaki, le génocide des Indiens, la stérilisation des handicapés, les camps de concentration pour japonais, l’esclavage, l’apartheid (liste non-exhaustive), tout cela s’est dilué dans les émotions que suscitent les films rappelant la grandeur de la démocratie américaine.
En tout cas, la légende noire de Staline permet de focaliser l’attention sur un danger dormant dont il faudra toujours se méfier. L’URSS, dégénération du marxisme et de ses idéaux nobles. Cela conduit naturellement tout esprit à se méfier de toute proposition d’un autre modèle de société différent du capitalisme, ce paradis promis sur Terre (dont au passage, on oubliera les milliers de morts qu’il génère au quotidien).
Le revenu minimum en Finlande
C’est la nouvelle fausse bonne idée du moment. Notre naïveté et notre méconnaissance des procédés politiques nous invitent immédiatement (sans réelle réflexion de fond) à adhérer à ce qui parait être une solution vers plus d’égalité et de justice. Mais c’est connu, le diable ne présente jamais ses intentions.
Le Revenu minimum consiste à assurer à tous, sans exception et sans condition, une allocation mensuelle (qui peut varier de 600 à 1000 et quelques euros, cela dépend) de la naissance à la mort. Celle-ci est censée résorber la pauvreté. L’idée a tellement fait son chemin que la Finlande est en passe de mettre en place cette allocation universelle. Aux Pays-Bas, la ville d’Utrecht va lancer une expérimentation à partir de janvier 2016, sur un groupe d’environ 300 personnes (on parle d’un forfait de 900 euros par mois pour un adulte, 1300 euros pour un couple).
En réalité, l’objectif premier de ce revenu minimum est de «distribuer les profits du capital » (dixit Stanilas Jourdan, promoteur de l’idée en France). C’est donc de cela qu’il s’agit : permettre à tous de s’intégrer dans le système capitaliste afin que tous puissent accéder à la société de consommation, ce paradis terrestre. Car forcément, des revenus supplémentaires représentent avant tout une masse de pouvoir d’achat à se partager pour les entreprises (en priorité, celles qui disposent d’une force de frappe commerciale et publicitaire conséquente). Quoi de mieux pour relancer la sainte croissance ? Objection de taille à laquelle ne répondent pas les promoteurs du revenu minimum : une hausse de la masse monétaire en circulation risque d’entrainer une hausse des prix. Là encore, seules seront gagnantes les grandes entreprises du Capital. Sans parler des conséquences écologiques. Le toujours plus répond au dogme de l’accumulation illimitée de Capital et de sa croissance illimitée. Or, pour reprendre Serge Latouche, une croissance illimitée dans un monde aux ressources limitées est mathématiquement impossible, et cela, un enfant de cinq ans le comprend, contrairement aux énarques.
La véritable idée révolutionnaire, au vu des revenus indécents des patrons du CAC40 ou encore des joueurs de football, serait plutôt de mettre en place un revenu maximum. On pourrait également réfléchir à une échelle de rémunération allant de 1 à 7. Ou encore interdire les parachutes dorés. Mais il semble pour certains que le problème de notre société soit les pauvres (et leur faible pouvoir d’achat) et non les riches (et leur indécence croissante).
Louis Alidovitch, auteur de « La Barbe qui cache la forêt »